Anne Louyot: une solution politique doit être trouvée pour garantir les droits des habitants du Haut-Karabagh

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L’ambassadrice de France en Arménie, Anne Louyot, qui termine dans quelques jours sa mission diplomatique en Arménie, assure qu’elle n’oubliera jamais ce pays, dont les habitants l’ont impressionnée par leur résilience et leur capacité à se projeter vers l’avenir malgré une situation éprouvante depuis la guerre de 2020.

L’ambassadrice souligne qu’une solution politique doit être trouvée, pour mettre fin aux violations de la déclaration du 9 novembre 2020 et garantir les droits et la sécurité des habitants du Haut-Karabagh. La France continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser des avancées dans les négociations, en concertation avec l’UE et les Etats-Unis.

Dans une interview accordée à « Armenpress » Anne Louyot a parlé de l’agression azérie, des difficultés rencontrées par les Arméniens du Haut-Karabakh, des progrès réalisés dans les relations franco-arméniennes au cours des deux dernières années et de la fin prématurée de sa mission diplomatique en Arménie.

– Madame l’Ambassadrice, quel est, à votre avis, le plus grand travail et la plus grande réalisation que vous ayez accomplis en Arménie au cours de ces deux dernières années, du point de vue du renforcement et du développement des relations arméno-françaises ?

– La France, vous le savez, est pleinement engagée dans le processus de paix et j’ai activement soutenu le travail mené par notre envoyé spécial pour le Sud Caucase, Brice Roquefeuil, à la demande du Président Macron et de la Ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, qui s’est rendue en Arménie en avril de cette année.

Dans notre relation bilatérale, plusieurs avancées importantes sont intervenues ces deux dernières années, grâce à l’engagement des deux gouvernements. Je me réjouis notamment de la mise en place d’une Mission de Défense au sein de l’Ambassade, qui se consacre à l’approfondissement de notre coopération de défense. Dans le domaine économique, la feuille de route signée par les Ministres Mirzoyan et Lemoyne, en décembre 2021, a permis un engagement supplémentaire du côté français, via notamment les aides à l’export et à l’investissement en Arménie, notamment dans le secteur de l’énergie solaire. L’Agence française de Développement a mis en place un important prêt de politique publique de 100 millions d’Euros et ouvert une représentation à Erevan, au sein de l’Ambassade, ce qui permet de diversifier et intensifier son action en matière d’irrigation, énergétique et agricole, entre autres.

Nous avons aussi soutenu, aux côtés de l’Union européenne, le renforcement de l’Etat de droit, par des coopérations avec les Ministères de l’Intérieur et de la Justice.

Dans le domaine culturel et éducatif, notre coopération a également progressé de façon significative. L’Institut français d’Arménie, créé officiellement en 2022, organise déjà une belle programmation culturelle et ouvrira ses portes à la rentrée pour des cours de français à destination de tous les publics. Le projet ambitieux Patrimoine France-Arménie, porté par l’Ambassade avec l’Institut National du Patrimoine et le Musée du Louvre, a permis de former des professionnels arméniens du patrimoine, et lancer des projets en matière de muséologie et restauration avec le Musée d’Erebuni et l’Ermitage de Tatev. Enfin nous allons lancer à la rentrée, après des échanges nourris avec le Ministère arménien de l’Education, un projet ambitieux de renforcement de l’enseignement du français en Arménie.

Je suis également très heureuse de l’implication de nouvelles régions dans la coopération décentralisée, notamment Auvergne Rhône Alpes avec le Syunik et les Hauts de France avec le Vayots Dzor, en plus des 30 partenariats déjà actifs qui ont permis de développer des partenariats fructueux, en enseignement professionnel par exemple, avec le CEPFA. Enfin, je mentionnerai le soutien de l’Ambassade à la société civile arménienne.

– Quel « héritage » laissez-vous au nouvel ambassadeur en Arménie, quelles sont les tâches importantes inachevées que le nouvel ambassadeur doit poursuivre ?

– Chaque ambassadeur continue le travail du précédent, en se fondant sur les instructions de son Ministère, mais apporte aussi ses propres idées, sa propre énergie. Mon successeur, Olivier Decottignies, poursuivra les projets engagés et en lancera de nouveaux, j’en suis convaincue.

Parmi les coopérations à consolider, je citerais le secteur économique, où nous avons besoin d’un effort supplémentaire, des deux côtés, pour engager plus d’entreprises françaises à s’implanter en Arménie. Beaucoup a été fait, grâce notamment à l’accord CEPA, pour améliorer le climat des affaires en Arménie, et je m’en félicite. J’ai été en contact régulier avec les entreprises françaises déjà présentes ici, dont l’exemple doit inciter d’autres entreprises à profiter des opportunités liées à la bonne santé économique de l’Arménie. Des actions de promotion ciblées, sectorielles, pourraient utilement être lancées à cette fin.

Reste également à consolider l’Université Française en Arménie, dont l’engagement remarquable, avec les universités de Lyon et de Toulouse, permet de garantir une formation de qualité aux 2000 jeunes Arméniens qu’elle accueille. J’espère que le projet de relocalisation de l’université aboutira, avec l’aide des deux gouvernements.

Enfin, les projets menés par l’Union européenne pour le développement de l’Arménie peuvent aussi servir d’accélérateurs pour l’action d’institutions et ONG françaises en Arménie, sur la base de stratégies claires établies conjointement. Une Arménie développée est une Arménie plus forte.

– Mme l’Ambassadrice, au cours de cette période, vous avez également visité les régions frontalières, à Syunik, vous avez également rendu visite aux familles affectés par les attaques lancées par l’Azerbaïdjan. Vous avez donc régulièrement été témoin des conséquences des actions agressives de l’Azerbaïdjan. En tant que membre de la communauté internationale, quelle est votre évaluation de ce comportement de l’Azerbaïdjan ? Selon vous, quelle devrait être la réaction de la communauté internationale dans cette affaire et êtes-vous satisfait de la réaction actuelle ?

– Je me suis en effet rendue dans les villages affectés par les attaques lancées par l’Azerbaïdjan en septembre 2022, dans le Gegharkunik, le Vayots Dzor et le Syunik, et ai pu constater les souffrances infligées aux populations civiles, auxquelles j’ai tenu à exprimer ma solidarité.
La France soutient les efforts conséquents déployés par l’Union européenne et les Etats-Unis dans ce but. La mission civile de l’Union européenne créée le 23 janvier 2023 contribue au processus de paix par le travail d’observation des zones frontalières. Le résultat de ces observations alimente et éclaire l’effort de médiation de l’UE, mais nous devons intensifier les efforts pour que la souveraineté territoriale et les droits des personnes soient respectés.

La concertation étroite et constante entre nos deux gouvernements, au plus haut niveau entre le Président Macron et le Premier Ministre Pachinian, reflète notre engagement et notre volonté d’élargir le soutien de la communauté internationale à une paix juste et équitable. Nous y travaillons.

– L’Azerbaïdjan a complètement bloqué le corridor de Latchine, les Arméniens de l’Artsakh sont confrontés à une crise humanitaire depuis longtemps. Même si la coprésidence du groupe de Minsk de l’OSCE ne fonctionne pas aujourd’hui, mais compte tenu du fait que la France est la coprésidente de ce groupe, quel rôle peut-elle jouer dans la résolution du problème ? Comment imaginez-vous personnellement la solution à ce problème ?

– Nous avons condamné dès décembre le blocage du corridor de Latchine, qui affecte gravement la population du Haut-Karabagh, et demandé l’application de l’ordonnance de la CIJ relative au rétablissement de la circulation dans le corridor. Nous saluons les efforts déployés par le CICR pour limiter l’impact humanitaire de ce blocage, mais une solution politique doit être trouvée, pour mettre fin aux violations de la déclaration du 9 novembre 2020 et garantir les droits et la sécurité des habitants du Haut-Karabagh. Le contexte d’instabilité globale, consécutif à l’agression russe en Ukraine, ne facilite pas les choses mais nous restons mobilisés.

Dans ce but, la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, a notamment suscité des réunions du Conseil au sujet de l’Arménie et du Haut-Karabagh en septembre et en décembre 2022. La France continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser des avancées dans les négociations, en concertation avec l’UE et les Etats-Unis.

– Mme l’Ambassadrice, pour résumer vos activités diplomatiques en Arménie, qu’est-ce qui vous a le plus impressionné au cours de ces deux années en Arménie ?

– L’Arménie est un poste très particulier pour un diplomate français, en raison des liens anciens unissant nos deux peuples, qui appartiennent à « la même famille », pour reprendre les mots d’Anatole France. L’entrée au Panthéon, l’année prochaine, de Missak et Mélinée Manouchian, Arméniens d’origine et Français de cœur et de conviction, est emblématique de cette proximité entre nos deux peuples.

J’ai été particulièrement impressionnée par la résilience du peuple arménien, sa capacité à se projeter vers l’avenir malgré une situation éprouvante depuis la guerre de 2020. J’ai aussi beaucoup apprécié l’exceptionnel sens de l’hospitalité des Arméniens, leur attachement à leur histoire et leur magnifique patrimoine, mais aussi leur ouverture à d’autres cultures et d’autres croyances. Les Arméniens sont un peuple de passeurs, capables de faire le lien entre des pays aux intérêts parfois contraires. C’est une grande vertu à laquelle je leur souhaite de demeurer fidèles.

– Mme l’Ambassadrice, vous mettez fin à votre mission diplomatique en Arménie vous terminez votre mission diplomatique en Arménie plus tôt que prévu, la France avait déjà nommé un nouvel ambassadeur. L’ambassade a expliqué que votre départ anticipé était dû à des raisons personnelles, mais comme il y a plusieurs rumeurs à ce sujet, y compris que vous avez été rappelée, veuillez expliquer pourquoi vous quittez l’Arménie un an plus tôt, était-ce uniquement votre décision ?

– Dans le climat d’instabilité consécutif à l’agression de l’Ukraine par la Russie, la désinformation est une arme parmi d’autres, largement utilisée contre les démocraties. Notre engagement en Arménie suscite probablement des mécontentements qui peuvent expliquer les fausses informations qui ont pu circuler sur notre action, ma personne et d’autres représentants de la présence française en Arménie.

Les rumeurs me concernant relèvent de la pure diffamation, qui est passible de poursuites dans un Etat de droit. J’ai donc porté plainte et laisse la justice travailler et se prononcer.

Je quitterai l’Arménie avec tristesse, pour des raisons personnelles et familiales, après deux années denses et très enrichissantes. J’y laisse de nombreux amis, et en garde de très beaux souvenirs. Soyez assuré que je n’oublierai pas votre pays !
Anna Grigoryan/Armenpress

Krikor Amirzayan

Krikor Amirzayan
Author: Krikor Amirzayan

Krikor Amirzayan est un caricaturiste et journaliste arménien. Ses œuvres – articles et caricatures – paraissent dans différents titres de la presse en Arménie et en diaspora. En France il est l'un des rédacteurs du site d'information www.armenews.com. Il est l'auteur de deux livres de caricatures L'Indépendance (Erevan, 1995) et Oh ! Arménie, Arménie ! (Erevan, 1999). Il vit à Valence (France). En 2002 l'Express l'a désigné parmi « Les 50 qui font bouger Valence » Krikor Amirzayan a réalisé de nombreuses expositions de ses caricatures. Krikor Amirzayan a été décoré de la Médaille d'or du ministère de la Diaspora de la République d'Arménie, médaille qui lui fut remise le 14 novembre 2014 à Bourg-lès-Valence par l'ambassadeur d'Arménie en France Viguén Tchitétchian1. En juillet 2017 il reçut le 1er Prix de la "Défense de la langue arménienne" à Erévan par le ministère arménien de la Diaspora

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