ARMÉNIE de la HONTE, ARMÉNIE de l’HONNEUR…

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L’Arménie est à l’honneur cette semaine dans le Magazine Le Monde 2 grâce à un article de Thomas Guichard intitulé : L’Arménie vent debout contre un projet de Jésus géant. Y est évoquée l’obsession de Gagik Tsarukyan, dit Dodie Gago, à vouloir ériger sur le mont Hatis un monument représentant le Christ, haut de 77 mètres en comptant le piédestal et la statue qui mesurera un bon 33 mètres symbolique. Forcément la plus haute au monde. Car on est en Arménie. Petit pays qui compense ses complexes en multipliant les occasions de se grandir sans craindre le ridicule, et en l’occurrence ni la honte : Dolmas le plus long inscrit au Guinness world, téléphérique le plus long, celui de Tatev( Voir Révolution téléphérique à Tatev), chaussure la plus ancienne ( Voir Le syndrome de la godasse ou le complexe arménien du number one.) ou l’unique église construite dans la roche (mais à Petra, ce sont des tombeaux)…

A vrai dire, on ne peut s’empêcher d’opposer l’obsession de Tzarukyan à ériger sa statue à celle d’Aliev à détruire l’Arménie. Chacun a les obsessions qu’il peut.

Quand on sait que Gagik Tsarukyan, champion du monde du bras de fer, le Saint Vincent de Paul des bras cassés, qui donna un âne à ses lions en cage comme jadis on donnait des chrétiens, est un oligarque dans le sens le plus péjoratif du mot et qui doit son ascension à Robert Kotcharian, on s’interroge. Que cherche-t-il ? A multiplier son business sur le dos du Christ avec toutes les bondieuseries qui se vendront dans les boutiques situées au pied de la statue ? Faut-il y voir une manière d’acheter sa place au paradis, vu que ce n’est pas gagné pour un type comme lui qui s’est acoquiné avec tous les requins du marigot arménien ? Donner du travail à la région : restaurants, boutiques de souvenirs, casino, bien sûr ? Afficher son mauvais goût pour des dizaines d’années et faire de tous les Arméniens les représentants de cette esthétique du kitsch, pour ne pas dire du navet ? Qu’importe que l’Église arménienne n’ait pas cautionné ce projet, que beaucoup d’Arméniens le désapprouvent, le gars Gagik est un pourfendeur de réticences qui ira jusqu’au bout de sa performance érectile, forcément monumentale.

Qui plus est, le gouvernement Pachinyan aurait affiché sa sympathie pour ce Jésus géantissime. Du business béton tout craché, les touristes en mal de photos devant affluer comme si la seule vue du grand Christ avait la vertu d’en faire des paradisiers à bon compte.

Seulement voilà. Tout ça c’est beaucoup d’argent. Au moment où la guerre a franchi les portes du territoire arménien pour certains le business continue. Au moment où le peuple a besoin d’armes, où chaque Arménien de la diaspora se saigne pour chercher à aider le pays dans un des moments les plus critiques de son histoire, la gars Gago continue son business et préfère investir dans ses affaires, comme si ses impôts suffisaient à l’exempter d’une conscience aiguë des urgences.

Mais il y a pire. Quel Arménien n’aura eu honte à la lecture de cet article ironique dans le plus réputé des journaux français ? Tandis que les Arméniens déplorent l’indifférence des Occidentaux devant l’agression azérie, sous-entendant qu’ils cherchent à obtenir des aides pour que le pays puisse se défendre, l’image qui est donnée de nous n’est pas à notre honneur. Tout cet argent pour l’érection d’une statue chacun sait où il devrait aller tandis que des Arméniens tant d’Arménie que de la diaspora se triturent le méninges pour maintenir le pays à flot et éviter la catastrophe. Et les lecteurs du Monde le savent aussi. Car en temps de crise, au moment où l’Arménie risque de disparaître, a-t-on le droit de jouer ce jeu-là ? Même si les travaux sont actuellement suspendus, le projet est en cours.

Dans le même temps, on apprend que Nanée Avetisyan, Miss Univers Arménie, à l’instar d’autres jeunes Arméniennes, a décidé de suivre une formation paramilitaire pour défendre son peuple. Avec tous les risques qu’une femme arménienne peut encourir quand elle tombe aux mains des Azéris.

C’est que les femmes arméniennes ont déjà compris qu’il faut militariser la société, comme je l’ai toujours écrit (voir mon article : Si je t’oublie , Ô Karabagh !). Et qu’il ne faut compter que sur soi. Que les leçons de l’histoire nous l’enseignent. Les Arméniens ont la force et la capacité intellectuelle de le faire. Au lieu de croire aux vertus de la diplomatie ou de gober les finasseries d’un triumvirat de dictateurs, il fallait s’y mettre plus tôt.

Le jour où l’Arménie vendra des armes à Israël au lieu qu’Israël vende les siennes à ses ennemis, elle aura assuré son avenir. On peut toujours rêver, certes. Mais ce rêve est déjà partagé et deviendra réalité quoi qu’il en coûte, si le temps le permet.

Denis Donikian

La rédaction
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