Avec Kasparov, l’Autre Russie avance ses pions face à Poutine
L’ex-champion du monde d’échecs a été désigné hier candidat à la présidentielle par la coalition d’opposants.
Par Lorraine Millot
QUOTIDIEN : lundi 1 octobre 2007
LIBERATION
Moscou de notre correspondante
«Aux échecs c’était plus simple. Il y avait un gagnant et un perdant. Et surtout, les règles étaient fixées d’avance…» C’est un Garry Kasparov un peu las qui a été désigné hier «candidat unique» de la coalition d’opposition l’Autre Russie à la présidentielle de mars 2008. Il y a encore deux ans, l’ancien champion du monde disait qu’il ne serait certainement pas candidat à ces élections.
Né à Bakou d’un père juif et d’une mère arménienne, Garry Kasparov se sentait trop «étranger» pour avoir des chances d’être élu à la présidence russe. Deux ans plus tard, sa coalition disparate, faite de démocrates, libéraux et nationaux-bolchéviques (parti interdit, qui conjugue esthétique nazie et utopies communistes) a traversé tellement de crises, pressions externes et divisions internes, que Kasparov a fini par se résoudre à jouer ce rôle ingrat, et dangereux, d’opposant numéro un au régime.
«Renaître». En aparté, à Libération, il confiait hier : «N’essayez pas d’appliquer des critères occidentaux pour décrire ce qui se passe en Russie. Aujourd’hui, je peux me présenter car, de toutes façons, il n’y a guère de chances que notre candidat soit enregistré et autorisé à faire campagne. Il ne s’agit plus vraiment de gagner, mais de tout faire pour que des élections aient lieu. Notre tâche est de faire renaître la démocratie.»
Les forces de l’ordre ont laissé ce congrès se dérouler à peu près normalement, avec juste quelques provocateurs et une contre-manifestation des jeunesses poutiniennes devant les grilles de l’hôtel où s’étaient réunis les opposants. «Nous n’avons pas besoin d’une Autre Russie !» ou «Notre Russie est unique», «Non aux mécontents !» s’époumonaient les poutiniens. «Plus fort, plus fort ! Vous devez mériter l’argent qu’on vous paie» , rétorquaient hier les opposants, sous le regard presque amusé de policiers, pour une fois débonnaires.
Saboter. Quelque 494 délégués, désignés par des conférences régionales, ont participé à ce congrès, parmi lesquels 379 ont voté pour la candidature de Kasparov. En province, lors des conférences régionales, les autorités s’étaient en revanche ingéniées à saboter le travail de l’opposition, au moyen d’arrestations, d’intimidations ou de réquisitions des salles où ils devaient se réunir… «Nous devons croire à la victoire» , assurait hier Garry Kasparov, candidat d’une nouvelle mission impossible.