Benoît XVI a célébré mercredi à Ephèse (ouest de la Turquie) sa première messe en terre d’islam à «La Maison de Marie», avant de rejoindre Istanbul où il a retrouvé le patriarche Bartholomée Ier dans l’espoir de faire avancer la réconciliation avec les orthodoxes.
Benoît XVI a été accueilli à l’aéroport par Bartholomée Ier, patriarche oecuménique de Constantinople et primat des Eglises orthodoxes, et le patriarche arménien Mesrob II.
Le pape a fait de la réconciliation avec les orthodoxes une des priorités de son pontificat, entamé en avril 2005.
«Nous devons rendre compte des étapes parcourues, de même que des erreurs commises en cours de route» pour parvenir à la réconciliation, a déclaré Bartholomée Ier, lors de la prière commune avec le pape, prononcée sous les ors de l’église patriarcale Saint Georges.
Benoît XVI s’est pour sa part réjoui de sa rencontre avec le patriarche, dont l’autorité morale s’étend sur toute l’orthodoxie, «remplie d’authentique bonne volonté et d’une grande signification».
Ils devaient avoir de premiers entretiens privés avant une nouvelle rencontre jeudi suivie de la publication d’une déclaration commune.
Séparées depuis le schisme de 1054, l’Eglise catholique, héritière de l’Eglise chrétienne d’Occident, et les Eglises orthodoxes, issues de l’Eglise d’Orient, ont entrepris depuis un demi-siècle de se rapprocher, avec des hauts et des bas dans le dialogue.
L’Eglise orthodoxe espère que la visite du pape encouragera un plus grand respect par Ankara des droits des minorités chrétiennes.
Des mesures draconiennes ont été prises pour assurer la sécurité du pape,
avec des centaines de policiers alignés le long des rues et des tireurs d’élite sur les toits.
Le convoi du pape entre l’aéroport et la ville a emprunté une route vidée de ses passants comme de ses voitures, un itinéraire gardé secret jusqu’au dernier moment.
La totalité des effectifs policiers d’Istanbul (12.000 hommes) a été mobilisée et plusieurs centaines d’autres ont été appelés en renfort.
Deux manifestations contre le pape, dont les propos sur l’islam avaient déclenché une violente polémique en septembre dans le monde musulman, sont prévues jeudi matin.
L’«État islamique en Irak», proclamé par une alliance sunnite de la guérilla dominée par la branche locale d’Al-Qaeda, a dénoncé la visite papale, estimant qu’elle s’inscrit dans «la campagne des croisés contre l’islam», dans un communiqué mis en ligne sur internet.
Le pape doit visiter deux lieux sensibles jeudi : la basilique-musée de Sainte-Sophie et la Mosquée Bleue, les deux monuments les plus grandioses de la chrétienté et de l’islam à Istanbul.
Dans l’après-midi le Pape devrait rencontrer le patriarche arménien Mesrop II. “C’est un pas important vers l’unité des chrétiens et il ne faut absoluement pas l’interpréter comme un acte d’hostilité envers le gouvernement d’Ankara” explique l’archevêque de Curia Francesco Gioia soulignant toutefois qu’il sera « indispensable » que la Turquie affronte la question du génocide arménien.
Pour le théologue Don Gianni Baget Bozzo « même s’il ne le fera pas explicitement mention de l’extermination d’un million et demi d’arméniens en 1915 par les Jeunes Turcs, en rencontrant à Istanbul le patriarche Mesrop II, le Saint Père met en lumière le manque de respect vis-à-vis de la liberté religieuse”.
Luigi Amicone, directeur de l’hebdomadaire « tempi » estime pour sa part que le Pape a toujours employé des mots très clairs pour condamner le génocide arménien. « L’embrassade au patriarche sera le véritable témoignage du sacrifice et de la souffrance de la comunnauté arménienne” .
De son côté le cardinale Pio Laghi affirme que la pensée du Pape “sera tournée vers les souffrances dont le peuple arménien a souffert au nom de la foi chrétienne dans les années terrible de la persécution qui reste dans l’histoire avec le nom tristement significatif » de Metz Yeghern » “le grand mal”.
Une rencontre, donc, qu’il sera « marqué par la gratitude et une intervention concrête » pour les Arméniens et les autres chrétiens en terre d’Islam mais qui “continuent de témoigner même aujourd’hui de leur fidélité à l’Évangile”.
Benoît XVI a passé une grande partie de la journée de mercredi à la campagne pour sa première messe dans un pays musulman, célébrée à la «Maison de Marie» à Ephèse.
Quelques centaines à peine de fidèles, dont des étrangers, ont assisté à l’office en plein air, près de la petite maison de pierres où aurait vécu et serait morte la mère du Christ.
«Que l’amour et la paix soient avec vous», a déclaré le pape en turc au début de l’office, avant d’appeler à la paix au Proche-Orient.
La présence du pape n’a pas empêché le président turc Ahmet Necdet Sezer de renvoyer au parlement une «loi sur les fondations» visant à améliorer les droits à la propriété des communautés chrétiennes et juive.
M. Sezer a estimé que neuf articles du texte accordaient aux fondations des droits économiques dépassant les limites du «travail caritatif» qu’elles sont censées accomplir
