Depuis que le Kurdistan d’Irak s’est émancipé de la tutelle de Bagdad, les menaces d’intervention militaires turques se font de plus en plus pressantes, suscitant l’inquiétude des Américains, tiraillés entre leurs sympathies pour les Kurdes, qui restent leurs meilleurs alliés en Irak et leurs liens traditionnels avec la Turquie, leur plus puissant partenaire militaire défendant le flanc sud-est de l’Otan. Les récentes mises en garde d’Ankara, pressé d’en découdre avec les quelque 4 000 combattants du PKK supposés avoir trouvé refuge au Kurdistan d’Irak d’où ils auraient repris leurs opérations militaires contre l’armée turque, dans le sud-est anatolien, ont été accueillies avec inquiétude par les autorités kurdes irakiennes. Le 14 avril, le premier ministre de la région du Kurdistan d’Irak, Nechervan Barzani, a voulu calmer le jeu, en déclarant que les Kurdes d’Irak étaient prêts à négocier avec la Turquie, non sans préciser toutefois qu’ils n’accepteraient aucune intervention militaire turque en Irak. Cette déclaration intervenait à l’issue d’une séance du Parlement kurde irakien consacrée au regain de tensions avec la Turquie voisine. Le leader de la province kurde irakienne, Massoud Barzani, du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), qui partage le pouvoir politique au Kurdistan irakien avec l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), dont le leader Jalal Talabani est devenu quant à lui président de la République irakienne, a laissé entendre que les Kurdes irakiens pourraient à leur tour intervenir dans le sud-est de la Turquie, peuplé majoritairement de Kurdes, si la Turquie se mêlait des affaires irakiennes. De fait, les partis kurdes d’Irak ont déjà collaboré au cours de la dernière décennie avec les militaires turcs contre leurs hôtes encombrants du PKK, mais ils ont dû à chaque fois le regretter, et semblent cette fois décidés à tenir tête à Ankara. Le 13 avril, les soldats turcs avaient tué quatre combattants kurdes qui s’étaient infiltrés en Turquie depuis le nord de l’Irak, lors d’un affrontement qui avait mis aux prises une quinzaine de combattants du PKK et une unité de l’armée turque près de la localité de Semdinli. Ceci porte à 17 le nombre des combattants kurdes tués lors d’affrontements avec les soldats turcs depuis une semaine dans le sud-est de la Turquie. Ce regain de tension, après une longue période de trêve qui avait suivi l’arrestation du leader du PKK, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 dans une île-prison au large d’Izmir, avait été mis à profit par le chef d’état-major des armées turques pour demander l’autorisation du gouvernement turc pour lancer une offensive militaire au nord de l’Irak en vue d’en déloger les présumées bases arrière du PKK. Tout en se disant prêt à la discussion avec les Turcs, Nechervan Barzani, qui est le neveu du président de la province kurde d’Irak, a rappelé que « les menaces ne peuvent régler les problèmes » entre « voisins, qui doivent les régler par la voie du dialogue ». Les Kurdes d’Irak savent pertinemment que la Turquie est à l’affût de prétextes pour intervenir dans leur province, qu’il s’agisse de déloger les combattants du PKK ou de défendre la minorité turcomane. Ankara redoute surtout les incidences, sur les Kurdes de Turquie, de l’autonomie du Kurdistan d’Irak, dont les Turcs ont déployé tous leurs efforts pour obtenir la garantie qu’il renonçait à l’indépendance.
