La Commission européenne devrait éviter mercredi de demander la suspension des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE, et lui laisser jusqu’à la mi-décembre pour respecter ses engagements sur Chypre.
Dans son rapport, très attendu tant les relations avec Ankara sont devenues électriques, la Commission ne devrait pas recommander formellement de suspension, mais en faire planer la menace en condamnant fermement le refus d’Ankara de bouger sur la question chypriote.
Si la Turquie s’obstine à refuser d’ouvrir ses ports aux navires chypriotes grecs, la Commission adoptera « les recommandations nécessaires » avant le sommet européen des 14 et 15 décembre, ont indiqué mardi des sources européennes citant le projet de rapport.
Bruxelles « ne veut pas couler le bateau tout de suite », a commenté une autre source européenne. « Aussi bien à la Commission que dans les Etats membres et en Turquie, personne ne veut prendre la responsabilité d’un échec », a ajouté une source communautaire.
Sans fixer d’ultimatum précis, la Commission laisse ainsi à Ankara quelques semaines –cinq au plus d’ici le sommet– pour respecter ses engagements, en donnant notamment une chance au compromis préparé par la présidence finlandaise de l’UE.
Cette dernière a proposé fin septembre un plan pour reprendre le commerce direct entre l’UE et la République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue uniquement par Ankara) et encourager Ankara à ouvrir certains de ses ports aux navires de la partie chypriote grecque, au sud de l’île divisée depuis 1974.
La Turquie a en effet signé en juillet 2005 le protocole dit d’Ankara qui étend son union douanière avec l’UE aux dix Etats entrés dans le bloc européen en 2004, mais refuse d’appliquer cet accord aux Chypriotes grecs. Malgré les menaces de suspension de ses pourparlers d’adhésion proférées par de nombreux leaders européens, Ankara, soutenu par son opinion publique, exige toujours la levée de l’embargo qui frappe la RTCN avant d’ouvrir ses ports aux navires chypriotes grecs.
La chancelière allemande Angela Merkel, qui fait partie de ceux qui ont menacé la Turquie, a plaidé pour un compromis mardi. « Nous devons trouver une solution », a-t-elle déclaré. Elle a appelé Ankara à assouplir sa position et espéré que cette question ne conduirait pas à une « escalade des conflits » UE-Turquie.
Au sein de la Commission aussi, les divergences semblaient s’atténuer mardi. Les commissaires chypriote grec Markos Kyprianou, grec Stavros Dimas, français Jacques Barrot et autrichienne Benita Ferrero-Waldner prônaient ces derniers jours la sévérité envers Ankara.
Mais mardi, deux seulement voulaient encore recommander une suspension des pourparlers, selon une source européenne, qui n’a pas précisé lesquels. Les positions des commissaires reflètent celles de leur pays. Les Chypriotes grecs menacent en effet de poser leur veto à chaque étape des négociations avec Ankara, souvent soutenus par Athènes.
L’Autriche et la France, poussées par des opinions publiques hostiles à l’entrée des Turcs dans l’UE, sont glaciales depuis un an envers Ankara.
La Commission peut recommander la suspension des négociations d’adhésion « en cas d’atteinte grave et persistante aux principes » fondateurs de l’UE (liberté, démocratie, respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, état de droit).
Les Etats membres peuvent alors décider cette suspension à la majorité qualifiée.
Quelle que soit la décision mercredi, la Turquie recevra un carton jaune de Bruxelles sur les réformes en général. « Le rythme des réformes s’est ralenti.
En 2007, il sera important d’entreprendre des efforts importants pour étendre l’élan des réformes » en Turquie, notamment sur la liberté d’expression, selon le projet de rapport.