La politique américaine au Moyen-Orient est de plus en plus critiquée aux Etats-Unis, une vingtaine d’anciens diplomates et militaires ayant appelé jeudi le président George W. Bush, dans une lettre ouverte, à entamer immédiatement des négociations avec l’Iran.
« En tant qu’anciens dirigeants militaires et responsables de la politique étrangère, nous appelons l’administration Bush à engager immédiatement des discussions directes avec le gouvernement d’Iran sans conditions pour aider à résoudre la crise actuelle au Moyen-Orient », écrivent ces anciens ambassadeurs et généraux à la retraite.
« Nous mettons fermement en garde contre l’idée d’utiliser la force militaire contre l’Iran. Les crises actuelles doivent être réglées par la voie diplomatique et non par les armes », ajoutent les signataires de la lettre, menés par les généraux Robert Gard et Joseph Hoar, ex-commandant du Centcom, et Morton Halperin, ancien responsable du département d’Etat.
Lors d’une conférence de presse téléphonique, M. Halperin a accusé l’administration Bush d’empêcher le débat sur sa politique au Moyen-Orient, « en accusant toute personne qui n’est pas d’accord avec elle d’être déloyale et en quelque sorte d’aider les terroristes ».
« Cette administration, en refusant de discuter avec les Syriens, les Iraniens et les Nord-Coréens, a mis en péril notre sécurité nationale », a-t-il affirmé.
Cette lettre vient s’ajouter au récent concert de critiques d’anciens responsables gouvernementaux, aussi bien républicains que démocrates, sur la stratégie de l’administration Bush au Moyen-Orient.
La semaine dernière, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’Onu, Richard Holbrooke, un démocrate, a également appelé à une diplomatie plus active au Moyen-Orient et à des négociations avec l’Iran et la Syrie, dans un point de vue publié dans le Washington Post.
Selon lui, il s’agit d’éviter « une réaction en chaîne » qui « pourrait se produire très vite, pratiquement partout entre Le Caire et Bombay ».
« Les seuls bénéficiaires de ce chaos sont l’Iran, le Hezbollah, Al-Qaïda et le leader chiite irakien Moqtada Sadr », ajoute-t-il dans cet article intitulé « The Guns of August », en référence à un livre sur la série d’événements qui a déclenché la Première guerre mondiale en Europe.
« Cette combinaison d’éléments inflammables pose la plus grande menace pour la stabilité mondiale depuis la crise des missiles à Cuba en 1962 », estime M. Holbrooke, qui doute de la prise de conscience du danger par le président Bush.
L’ancien ambassadeur à l’Onu appelle aussi à l’envoi de davantage de troupes américaines en Afghanistan et un redéploiement de soldats américains dans les zones kurdes d’Irak, à la frontière avec la Turquie.
La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice avait réfuté début août les critiques d’anciens hauts responsables de l’administration Bush sur la politique américaine actuelle, les qualifiant d’analyse « à courte vue ».
Richard Haas, ancien responsable du département d’Etat, avait ironisé sur le terme « opportunité » utilisé par le gouvernement sur la crise au Moyen-Orient, et Richard Armitage, ancien secrétaire d’Etat adjoint, avait critiqué « la peur irrationnelle » de Washington à discuter, pensant qu’il s’agit d' »un signe de faiblesse ».
Mme Rice avait continué à défendre le refus de Washington d’avoir des entretiens à haut niveau avec la Syrie sur le Liban et avait estimé que les crises dans la région étaient l’illustration de l’émergence d' »un nouveau Moyen-Orient ».
« Le problème n’est pas de parler avec la Syrie, le problème est que la Syrie n’agit pas quand on lui parle », avait déclaré la secrétaire d’Etat américaine.