EREVAN, 28 AVRIL, ARMENPRESS. La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a déclaré que l’obstruction par l’Azerbaïdjan de la circulation le long du corridor de Lachin est inacceptable et se heurte à de graves dangers de crise économique et humanitaire pour la population du Haut-Karabakh.
Dans une interview exclusive avec ARMENPRESS, la FM française Catherine Colonna a souligné que cette conduite de l’Azerbaïdjan entrave également les pourparlers de paix avec l’Arménie. Elle s’est également déclarée préoccupée par l’installation d’un point de contrôle dans le corridor de Lachin par l’Azerbaïdjan.
Colonna a déclaré que la France soutiendrait toute solution qui permettrait de garantir à la population arménienne du Haut-Karabakh de continuer à y vivre en toute sécurité, en préservant son histoire, son patrimoine et sa culture.
FM Colonna a également parlé des relations arméno-françaises et a adressé son message à l’occasion de l’anniversaire du génocide arménien.
ARMENPRESS: Votre Excellence, le Haut-Karabakh est bloqué par l’Azerbaïdjan depuis déjà quatre mois et le peuple du Haut-Karabakh est apparu au bord d’une catastrophe humanitaire. La communauté internationale, dont la France, a jugé inacceptable le blocus du corridor de Lachin et a exhorté l’Azerbaïdjan à garantir la libre circulation des personnes et des véhicules le long du corridor de Lachin. Récemment, la Cour internationale de Justice a ordonné à l’Azerbaïdjan d’ouvrir immédiatement le couloir et de garantir la libre circulation, mais l’Azerbaïdjan continue de maintenir le couloir fermé, ignorant tous les appels de la communauté internationale et la décision de la Cour internationale de Justice. Ne pensez-vous pas qu’il est temps que la communauté internationale commence à prendre des mesures claires pour que l’Azerbaïdjan mette fin au blocus du Haut-Karabakh ? Quelles mesures la France est-elle prête à franchir dans ce sens ? Envisagez-vous l’option de sanctionner l’Azerbaïdjan ? Étant donné que l’Azerbaïdjan n’arrête pas ses actions agressives également contre l’Arménie, quelles mesures concrètes l’UE et la France sont-elles prêtes à prendre en vue de mettre en œuvre la solution proposant de déployer les troupes à une distance de sécurité le long de la frontière de 1991 entre l’Arménie et Azerbaïdjan?
Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères : L’obstruction à la circulation le long du corridor de Lachin depuis le 12 décembre est inacceptable. J’ai eu de multiples occasions d’exprimer la position de la France à cet égard. Cette situation est inacceptable car lourde de graves dangers de crise économique et humanitaire pour la population du Haut-Karabakh. Il fait également obstacle à la poursuite des pourparlers de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, auxquels le Premier ministre Pashinyan s’est résolument engagé, et constitue une menace sérieuse pour la stabilité régionale, déjà profondément affectée par le contexte géopolitique actuel. Nous devons évaluer ensemble les conséquences de l’agression russe contre l’Ukraine.
Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est le retour de la guerre sur notre continent. Mais, plus fondamentalement, il s’agit aussi d’une tentative consciente de contester les principes fondamentaux de l’ordre international fondé sur le droit en lui substituant la loi de la force. C’est un moment crucial, qui doit obliger chacun à évaluer sa responsabilité et à prendre conscience que la paix est notre valeur la plus précieuse.
Il y a quelques semaines, la Cour internationale de justice a rendu une décision lors d’une brève audience, demandant à Bakou de prendre tous les moyens en son pouvoir pour assurer la circulation le long du corridor. La décision est contraignante pour tous et doit être respectée. À cet égard, la décision de l’Azerbaïdjan d’installer un point de contrôle à l’entrée de la nouvelle route dans le corridor de Lachin est profondément préoccupante, comme l’ont noté l’Union européenne et les États-Unis.
La France souhaite que tous les différends soient résolus exclusivement par la négociation. C’est le fondement de l’engagement de la France, ensuite avec l’UE. Et je me rends cette semaine en Azerbaïdjan et en Arménie pour faire entendre cet appel à la responsabilité, à la reprise des pourparlers et au respect de la loi.
ARMENPRESS: Le président azerbaïdjanais insiste sur le fait que la question du Haut-Karabakh est une affaire interne et qu’ils n’en discuteront avec personne, alors que la partie arménienne, dans le cadre de la normalisation des relations avec l’Azerbaïdjan, avance la question de la formation d’un mécanisme international pour le dialogue entre Bakou et le Haut-Karabakh et les garanties internationales pour assurer la sécurité et les droits du Haut-Karabakh. Quelle est la position de la France, également en tant que pays co-président du groupe de Minsk de l’OSCE, sur cette question ?
Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères : Nous voulons que des négociations s’engagent – avec le soutien de la communauté internationale – entre les représentants du Haut-Karabakh et les autorités azerbaïdjanaises autour du contenu des droits et garanties de la population. Cela implique que des conditions favorables doivent être créées pour les négociations, notamment autour de la question du rétablissement de la libre circulation le long du corridor de Lachin.
La France soutiendra toute solution qui permettrait de garantir que la population arménienne du Haut-Karabakh puisse continuer à y vivre en toute sécurité, en préservant son histoire, son patrimoine et sa culture. C’est leur droit inaliénable.
ARMENPRESS : Pourriez-vous également commenter le niveau actuel des relations arméno-françaises ? Comment évaluez-vous la coopération entre l’Arménie et la France dans différents domaines et dans quels secteurs voyez-vous le potentiel d’approfondissement du partenariat ?
Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères : Les relations entre nos deux pays sont exclusives et se sont développées au cours d’une histoire commune, avec des moments à la fois joyeux et douloureux. Aujourd’hui, ces relations se développent à la fois entre les deux gouvernements et les sociétés civiles.
La France soutient résolument les efforts du gouvernement de M. Pashinyan visant à renforcer la démocratie et l’État de droit en Arménie et à développer l’économie. Le choix courageux de la démocratie par l’Arménie doit recevoir un soutien, auquel nous nous engageons avec d’autres membres de la communauté internationale et de l’Union européenne.
En décembre 2021, nous avons signé une feuille de route ambitieuse pour la coopération économique, et récemment le Forum Ambitions : France-Arménie s’est tenu à Paris, et nous avons ouvert un bureau de l’Agence française de développement (AFD) à Erevan. L’AFD est engagée dans un dialogue fructueux avec les autorités arméniennes pour mettre en œuvre de nouveaux projets, notamment dans les domaines de l’eau et de l’énergie durable. L’année dernière, les volumes de nos échanges bilatéraux ont considérablement augmenté, et nous essayons de poursuivre cette tendance, notamment en soutenant les entreprises françaises qui souhaitent investir en Arménie, comme Veolia, Pernod Ricard, Carrefour et Amundi-Acba.
En matière de défense, la mise en place d’une mission de défense au sein de l’Ambassade de France en Arménie doit permettre d’approfondir également la coopération bilatérale dans ce domaine clé.
Et enfin, dans la coopération culturelle et éducative nous voulons nous appuyer sur l’énorme succès de l’Université française d’Arménie, et nous ouvrons l’Institut français d’Arménie qui permettra de créer un programme culturel riche, en même temps d’offrir des formations cours de langue française pour tous les niveaux. A noter également le développement de notre coopération dans la Francophonie, les domaines de la science, de la culture, du sport et du patrimoine, qui montre la dynamique exclusive des relations entre la France et l’Arménie, à laquelle je suis profondément attaché.
ARMENPRESS : Votre Excellence, le 24 avril 2023 a marqué le 108e anniversaire du génocide arménien. En tant que ministre des Affaires étrangères d’un pays qui a reconnu et condamné le génocide arménien, quel est votre message au monde et en particulier à la Turquie pour que de tels crimes contre l’humanité ne se reproduisent plus jamais ?
Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères : Le 24 avril, comme chaque année, nous avons commémoré les victimes du génocide arménien de 1915, que la France a officiellement reconnu par la loi du 29 janvier 2001. Cet hommage est devenu plus solennel depuis que le Président de la République l’a inscrit sur la liste des événements commémoratifs nationaux en 2019.
La commémoration est particulièrement sensible car de nombreux Français sont des descendants de survivants du génocide que la France a accueillis. Cependant, la commémoration du génocide est aussi un message à l’humanité pour que de tels événements horribles ne se reproduisent plus jamais dans une période mouvementée, où malheureusement des conflits sont croissante et de nombreuses minorités sont menacées.
En ce qui concerne la Turquie, il convient de noter qu’à l’initiative d’organisations courageuses de la société civile, le génocide arménien y est également commémoré, et des universitaires et historiens turcs travaillent autour de ce sujet. Nous devons continuer à soutenir les efforts déployés à travers le monde, tant par les acteurs institutionnels que par les représentants de la société civile, pour lutter contre le déni du génocide et méditer sur les terribles leçons de l’histoire. Ensemble, nous pouvons préserver la capacité des peuples à vivre ensemble, aujourd’hui menacée.
Author: Jean Eckian
Ancien journaliste reporter d’images, Jean Eckian devient Directeur Artistique des sociétés discographiques CBS et EMI Pathé-Marconi. Il a par ailleurs réalisé de nombreuses photos de pochettes de disques. Directeur de Production de films publicitaires (Europe 1, Citroën) et réalisateur de films institutionnels et de reportages (Les 90 ans du Fouquet’s, l’Intégration…), il écrit ensuite pour la presse de la Chanson et anime sur MFM les émissions "Les Histoires d’Amour de l’Histoire de France" et un éphéméride du siècle passé en chansons (Alors Raconte). Co-organisateur du disque "Pour toi Arménie" avec Charles Aznavour et Levon Sayan, Jean Eckian est aussi l’auteur du livre "Vous êtes nés le même jour que…" Il écrit aujourd‘hui pour la presse de la communauté arménienne de France et de l’étranger et a créé le Mémorial Mondial du Génocide des Arméniens sur internet.