La Turquie a été condamnée jeudi 4 mai 2006 par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour avoir violé le droit à la liberté d’expression de plusieurs parlementaires turcs.
Les requérants, Mahmut Alinak, Sedat Yurttas, Sirri Sakik et Ahmet Türk sont d’anciens parlementaires du parti politique DEP (Parti de la démocratie), élus en 1991.
En mars 1994, l’Assemblée nationale turque lève l’immunité parlementaire de certains députés du DEP, dont les requérants. En juin 1994, le DEP est dissous au motif qu’il avait porté atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat et à l’unité de la nation.
En décembre de la même année, les requérants sont condamnés à de lourdes peines de prison par la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara pour avoir mené une activité séparatiste, notamment en prononçant des discours sous la bannière du PKK.
Les requérants –à l’exception de M. Yurttas qui avait déjà soulevé ce grief dans une autre requête devant la CEDH– estiment que ces condamnations ont violé leur liberté d’expression et dénoncent l’iniquité de la procédure qui a débouché sur leur condamnation.
Notant que les discours litigieux demandaient la reconnaissance de l’identité kurde et condamnaient la « politique de violence » menée par la Turquie dans les régions à majorité kurde, la Cour estime qu’ils n’appelaient ni à la lutte armée ni au soulèvement et qu’il ne s’agissait pas de discours de haine.
A l’unanimité, les juges ont donc conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) et ont également condamné la Turquie pour violation de l’article 6.1 (droit à un procès équitable), estimant que la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara avait manqué d’indépendance et d’impartialité dans leur jugement.
Au titre de la satisfaction équitable, la Cour a alloué à MM. Alinak, Sakik et Türk 7.500 EUR chacun pour dommage moral et a octroyé. En outre, elle aux requérants conjointement 4.000 EUR pour frais et dépens.