Strasbourg, 13 fév 2020 (AFP) – La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a épinglé jeudi l’Azerbaïdjan après la condamnation pour trafic de drogue de deux militants, en réalité des « représailles » envers ces opposants qui venaient de taguer la statue d’un ancien dirigeant du pays.
Les faits remontent à mai 2016, à Bakou. Bayram Mammadov et Qiyas Ibrahimov, membres du mouvement d’opposition NIDA alors âgés d’une vingtaine d’années, avaient peint sur la statue de l’ancien président azerbaïdjanais Heydar Aliev les inscriptions « F…ck the system » et « Joyeuse fête des esclaves ».
Une référence au slogan « Joyeuse fête des roses » diffusé dans le cadre de commémorations organisées en hommage à l’ex-dirigeant de cette ancienne république soviétique riche en hydrocarbures, où toute contestation politique est sévèrement réprimée.
Pris sur le fait par des policiers en civils, les tagueurs avaient alors été passés à tabac, conduits au commissariat et finalement accusés de « trafic de stupéfiants », selon la Cour.
Au commissariat, les policiers « auraient dissimulé des stupéfiants sur eux et leur auraient infligé des mauvais traitements dans le but de leur faire avouer (…) qu’ils étaient coupables » de trafic de drogue, explique la CEDH. La police avait également affirmé avoir trouvé chez l’un d’eux un kilo d’héroïne.
Condamnés à dix ans de prison, les deux hommes, qui avaient vu tous leurs recours rejetés, ont finalement bénéficié d’une « grâce présidentielle » en 2019. Ces militants ont été condamnés « à cause des slogans politiques qu’ils avaient peints », ont estimé les juges strasbourgeois, selon lesquels leur arrestation et condamnation relèvent clairement de « représailles ».
La juridiction paneuropéenne épingle également Bakou pour « le manquement systémique (de ses juridictions) à protéger les justiciables contre l’arrestation et la détention arbitraires », comme le cas présent l’illustre.
Citant le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), la Cour rappelle que ce « manque d’effectivité » des enquêtes du pays en fait « une exception au sein du Conseil de l’Europe ».
Concluant à la violation de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment les article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 10 (liberté d’expression), la Cour a condamné l’Azerbaïdjan à verser 30.000 euros à chacun des requérants au titre du dommage moral.