Alors que le même jour l’on commémorait le 19ème anniversaire du génocide des Tutsi sur le Parvis des droits de l’homme au Trocadéro et lundi le Jour du souvenir de la Shoa, une cérémonie oecuménique a été organisée par l’Institut Arménien de France et l’Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants Arméniens, en la Basilique de Saint-Denis, le dimanche 7 avril 2013, à la mémoire des chrétiens d’Orient victimes du génocide de la période allant de 1915 à 1923 en Turquie ottomane.
Étaient présents, Monsieur Lévon Sayan, délégué permanent de l’Arménie auprès de l’UNESCO, Monsieur Gotsinas représentant l’ambassade de Grèce, Madame Mina représentant l’ambassade de Chypre, Monsieur Vahag’n Atabekian représentant l’ambassade d’Arménie, Ministre plénipotentiaire d’Arménie, M. Evagoras Mavrommatis, président de la communauté des Chypriotes de France et M. Michel Cacouros, président de la communauté Héllénique de Paris (biographie ici) . M. Jean Arslan, président de la communauté syriaque et
M. Daniel Auguste, président de l’association des Assyro-Chaldéens en France.
Conjointement, un hommage a été rendu au dernier roi d’Arménie, Léon V de Lusignan, en présence de son descendant Monsieur Philippe-Roux de Lusignan et sa famille.
Après la présentation des personnalités présentes par le Président de l’Institut Arménien, Antoine Bagdikian, c’est le Père Jean-Marc Danty qui a ouvert la cérémonie, rappelant le destin du roi Léon V * et le sort réservé aux chrétiens de l’Empire ottoman durant «l’auto-génocide mondial de 1914-18». Il a appelé à prier «pour ceux qui vous persécutent», car «tuer une autre personne, c’est se tuer soi-même», a-t-il dit.
Plusieurs orateurs des communautés grecque, syriaque, assyro-chaldéenne et arménienne se sont succédés pour rendre hommage aux plus des 2 millions de victimes de la barbarie ottomane.
Michel Cacouros
Monsieur Gotsinas
Daniel Auguste
Pasteur Sarkis Baroudjian
Philippe Haroutounian
Pour la communauté arménienne, Philippe Haroutounian, membre de l’Institut Arménien de France et Vice-président de l’UFAG (Union Franco-Arménienne de Gonesse), a relaté l’historique des chrétiens d’Orient et le sort actuel des kurdes.
En fin de cérémonie, devant un parterre des communautés chrétiennes de rite oriental réunis pour la première fois, le Président de l’Institut Arménien de France, Antoine Bagdikian, a rappelé «la folie meurtrière» qui a présidé à l’anéantissement des chrétiens en Turquie ottomane; citant le Président Paul Deschanel, qui dira : « A chaque protestation nouvelle répondaient de nouvelles tueries et cet héroïque martyre du peuple arménien devenait le scandale du genre humain ».
Antoine Bagdikian
« La classe politique française, hélas désarmée, s’indigne et se dresse: Anatole France, Clémenceau, Jean Jaurès que je cite : « l’Humanité ne peut pas vivre avec dans sa cave le cadavre du peuple arménien assassiné » et « l’Europe voit 3000 à 4000 victimes par jour..; et elle s’en détourne » mais aussi Aristide Briand et des écrivains : Georges Duhamel, Romain Rolland, Emile Verharen et des humanistes : Denys Cochin, Paul Painlevé, Francis de Préssensé et tant d’autres qui sont l’honneur de la France.
Même la supplique de l’ambassadeur des Etats Unis, Henry Morgenthau, de confession juive qui se propose de racheter la survie des Arméniens au ministre de l’Intérieur Talaat, n’y fait rien. Sinon de lui voir opposer la réponse : « pourquoi dépenser tout cet argent pour les Arméniens ? Bientôt, il n’en restera plus ! »
« La Turquie devint une République en 1923 sous la présidence de Mustapha Kemal Atatürk qui paracheva le travail de ses prédécesseurs en massacrant les Alévis du Dersim. Depuis, les autorités turques laissent se perpétrer l’éradication des Chrétiens avec de nouvelles mesures discriminatoires. Parmi celles-ci, le Varlik vergisi , impôt raciste avec des taux imposition de plus de 230 % pour les Arméniens, de 180 % pour les Juifs, 160 % pour les Grecs contre 5 % pour les Turcs ! La Turquie venait de conclure l’expulsion de toute sa population non-musulmane qui est ainsi passée de 30% à 0,01% actuellement. Les survivants sont essentiellement concentrée à Istanbul, vitrine de la “ tolérance turque ». Depuis, ce pays se livre à toutes les gesticulations pour fuir ses responsabilités et adopte même un franc négationnisme pour s’opposer à la révision de son histoire.»
Antoine Bagdikian citera enfin Anatole France : « Nous louons l’Arménie de cet invincible amour qui l’attache à notre civilisation. Car l’Arménie est unie à nous par des liens de famille, et elle prolonge en Orient le génie latin » . Cette phrase est gravée à Sèvres et à Versailles sur des Khatchkars , Croix de pierre, qui rappellent à la fois le génocide des Arméniens et l’engagement des Arméniens au service de la France pendant tous les conflits et la Résistance, cette croix qui symbolise notre âme et notre foi.»
La cérémonie s’est achevée par les chants religieux dans les rites des communautés assyro-chadéenne, syriaque et arménienne, tandis que le Pasteur Sarkis Baroudjian de l’Église évangélique arménienne prononçait par ailleurs un discours sur les persécutions dont font actuellement l’objet les chrétiens d’Orient.
Vahag’n Atabekian – Lévon Sayan – Philippe Roux de Lusignan – Krikor Djirdjirian
Après la procession menant au gisant de LéonV, le Père Jean-Marc Danty, impressionné par les chants des chrétiens d’Orient et du contenu rendant hommage aux 2 000 000 de chrétiens assassinés, a dit en référer à son évêque afin que celui-ci honore de sa présence la cérémonie prévue au mois d’avril 2014.
Antoine Bagdikian a enfin annoncé la création d’un mouvement politique, le MODELI (Mouvement pour la Démocratie, la Liberté et les Identités) au sein duquel les représentants des minorités chrétiennes participantes à la cérémonie, mais également une représentation des Kurdes de France, uniront leurs voix pour porter le message de la défense des valeurs universelles sur la place publique.
Jean Eckian + photos
* LÉON V est né en 1342 , fils de Jean de Lusignan et de Soldanne, princesse locale. Il est Roi d’Arménie de 1373 à 1375 et il est mort à Paris en 1393. Il appartient à la branche arménienne de la Maison des Lusignan, issu du mariage d’Amaury de Lusignan avec Zabel d’Arménie. Il est le seul roi étranger, appartenant à une dynastie française à avoir son gisant dans cette cathédrale basilique.