Changements constitutionnels en Arménie et nouvelle ère dans les relations entre Bakou et Erevan

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Emil Avdaliani est professeur de relations internationales à l’université européenne de Tbilissi, en Géorgie, et spécialiste des routes de la soie. Il a publié cette analyse le 10 mars dernier sur caucasuswatch.com

L’Arménie et l’Azerbaïdjan se rapprochent d’un accord de paix majeur, mais la situation sur le terrain laisse penser que les relations bilatérales resteront probablement largement déterminées par la politique de puissance, c’est-à-dire par la question de savoir quelle partie dispose des capacités militaires les plus importantes et bénéficie d’un plus grand soutien extérieur.

L’Azerbaïdjan exige des changements dans la constitution de l’Arménie, ce qui marquerait un changement majeur dans le cadre constitutionnel du pays. Si cette démarche vise ostensiblement à faciliter le processus de paix entre les deux pays, la réalité est que les relations entre Erevan et Bakou continueront d’être façonnées par la dynamique du pouvoir.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan entrent dans une phase critique de leurs relations bilatérales complexes. La chute du Haut-Karabakh en septembre 2023 a anéanti les espoirs d’indépendance ou d’une certaine forme d’autonomie pour les Arméniens de la région, mais a rapproché de manière inattendue les deux nations d’un éventuel accord de paix.

Des développements récents suggèrent une réduction des tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, en particulier au sujet de la province méridionale de Syunik. La signature d’un accord ferroviaire entre l’Iran et l’Azerbaïdjan en octobre 2023, facilitant le transit vers l’enclave azerbaïdjanaise de Nakhchivan, est considérée comme une étape positive vers la connectivité régionale et un accord de paix potentiel entre Bakou et Erevan.

Cependant, tout accord de paix ne sera probablement qu’une sorte de feuille de route, énonçant de grands principes tels que la reconnaissance territoriale mutuelle et l’ouverture des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, tout en reportant les discussions détaillées sur des questions telles que la démarcation des frontières et le retour des Arméniens au Nagorny-Karabakh.

Le paysage géopolitique du Caucase du Sud laisse donc entrevoir des perspectives de paix plus optimistes, mais les exigences de Bakou concernant la modification de la constitution arménienne pourraient perturber le fragile équilibre politique au sein même de l’Arménie. L’insistance de Bakou à vouloir modifier la constitution arménienne, notamment en ce qui concerne les références à l’unification avec la région du Haut-Karabakh dans la déclaration d’indépendance de 1990, pose un nouveau défi à la situation politique au sein de l’Arménie. Par exemple, les changements constitutionnels proposés pourraient affecter la position politique de M. Pachinian. Il est toujours plus populaire que l’opposition, qui est largement considérée comme trop pro-russe et fortement associée au gouvernement précédent et à ses abus. Toutefois, compte tenu de la détérioration des relations d’Erevan avec la Russie et des liens étroits de l’opposition politique arménienne avec Moscou, le gouvernement d’Erevan pourrait ne pas se sentir tout à fait à l’aise.

De manière surprenante, les responsables arméniens, y compris le Premier ministre Nikol Pachinian, ont reconnu la nécessité de changements constitutionnels, ce qui reflète un changement d’attitude au sein de l’Arménie. Toutefois, Erevan a signalé que tout changement constitutionnel devait s’accompagner d’ajustements similaires dans les documents de l’Azerbaïdjan, tels que la suppression des références à l’Arménie en tant que voisin hostile.

Les changements probables en Arménie pourraient également envoyer un signal positif à Ankara, en particulier au moment où l’Arménie s’apprête à opérer un rapprochement délicat avec la Turquie. À bien des égards, le lent processus d’amélioration des relations entre Erevan et Ankara a dépendu du rapprochement entre Bakou et Erevan.

Cependant, les changements constitutionnels proposés s’inscrivent dans un contexte de tensions militaires permanentes, Bakou utilisant une combinaison de dissuasion et de diplomatie pour affirmer son influence. Même si les changements constitutionnels sont mis en œuvre en Arménie et qu’un accord de paix est conclu avec l’Azerbaïdjan, il est peu probable que la suspicion, voire l’hostilité pure et simple, disparaisse de sitôt. En effet, la reconnaissance mutuelle de l’intégrité territoriale ne constituerait pas une mesure préventive contre les tensions potentielles. Celles-ci sont appelées à persister précisément parce que le rapport de force entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan penche excessivement en faveur de ce dernier et qu’il en sera ainsi dans un avenir prévisible.

Les ordres géopolitiques s’avèrent durables lorsqu’une partie vaincue est relativement intégrée dans le nouveau système. Ce n’est pas facile à réaliser, et en fait, comme l’histoire l’a souvent montré, c’est difficile à réaliser. En fin de compte, l’avenir des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dépend non seulement de la signature d’un accord de paix, mais aussi de la volonté des acteurs dominants tels que l’Azerbaïdjan et la Turquie de faire preuve de retenue. Cela pourrait prendre plusieurs formes. Inclure l’Arménie dans les projets d’infrastructure régionaux et organiser un sommet au cours duquel les dirigeants essaieraient de dépasser les anomalies ethnoculturelles. Mais, aussi banal que cela puisse paraître, la mesure de confiance la plus efficace reste la relation de personne à personne. Si elle est encouragée avec soin et avec des objectifs réalisables à long terme, cette relation pourrait finir par éroder l’animosité mutuelle.
À plus long terme, les changements constitutionnels proposés en Arménie soulignent les changements fondamentaux en cours dans la société arménienne. Les griefs historiques sont mis de côté et l’Arménie est de plus en plus perçue par les Arméniens comme l’État reconnu par le droit international à l’intérieur de ses frontières – les ambitions territoriales au-delà de ses frontières sont supprimées. Le Caucase du Sud est une région instable en grande partie parce que les pays de la région et les acteurs plus importants qui l’entourent se perçoivent souvent comme s’étendant au-delà des frontières internationalement reconnues. Cette situation a évidemment créé des conditions propices à la confrontation militaire. Avec les changements constitutionnels proposés, cette situation pourrait toutefois changer, du moins en Arménie, en mettant fin à la question du Haut-Karabakh.

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Author: capucine

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