Selon le site Bne Intellinews, les diplomates européens seraient de plus en plus préoccupés par le fait que, bien que membre de l’OTAN, la Turquie devienne un refuge pour les personnes et les entreprises qui cherchent à échapper aux sanctions occidentales imposées à la Russie pour avoir mené la guerre en Ukraine.
Autre signe des tensions qui couvent entre la Turquie et l’Occident, Fahrettin Altun, responsable de la communication du président turc Recep Tayyip Erdogan, a déclaré au Wall Street Journal que l’Occident devait lever son blocage sur la livraison des avions de combat furtifs F-35 et fournir des batteries de missiles Patriot à la Turquie avant qu’Ankara n’envisage d’envoyer ses systèmes de missiles sol-air S-400 de fabrication russe en Ukraine.
Lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu le 25 mars à Bruxelles, Erdogan n’a même pas pu rencontrer le président américain Joe Biden, malgré les pressions exercées par ses représentants pour obtenir une telle rencontre, selon des sources diplomatiques rapportées par Al-Monitor.
La Turquie s’est exposée à l’ire de Moscou en fournissant à l’Ukraine des drones militaires mais, dans le même temps, elle a résisté à l’imposition de sanctions et d’autres mesures économiques, telles que l’interdiction de l’espace aérien, à la Russie dans le cadre du conflit ukrainien, arguant du fait qu’elle peut profiter de ses bonnes relations avec Moscou et Kiev pour maintenir ouverts des canaux qui pourraient s’avérer cruciaux pour ramener la paix.
Le 22 mars, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré que les pays de l’OTAN devaient donner la priorité à un cessez-le-feu, et pas seulement aux sanctions contre la Russie. Ankara, a-t-il dit, redouble d’efforts diplomatiques pour résoudre la crise.
La Turquie résiste également aux sanctions car elle reste dans un état de crise économique qui, selon les économistes, pourrait même aboutir à un effondrement systémique. Elle doit donc minimiser les dommages économiques causés par la guerre.
La Turquie importe la quasi-totalité du pétrole et du gaz qu’elle consomme, 45 % de ce dernier étant fourni par la Russie. Les prix élevés de l’énergie et la perte attendue de millions de touristes russes et ukrainiens cette année sont deux des principaux maux de tête causés jusqu’à présent à l’administration Erdogan par la guerre.
Certaines entreprises turques voient également des avantages potentiels dans le conflit. La crise ukrainienne pourrait représenter une grande opportunité « non seulement pour l’industrie textile [turque] mais aussi pour d’autres secteurs », a déclaré Hikmet Tanriverdi, représentant de l’industrie textile au conseil de la Chambre de commerce d’Istanbul, au quotidien financier britannique Financial Times.
Les pays européens restent réticents à critiquer publiquement la position de la Turquie à l’égard de la Russie, mais en coulisses, les inquiétudes concernant les implications à long terme sont de plus en plus grandes, a rapporté le FT le 24 mars.
L’adhésion de la Turquie à l’union douanière de l’UE pourrait rendre « très tentant » pour les entreprises européennes de chercher à contourner les sanctions contre la Russie en établissant des filiales en Turquie, selon le FT qui cite un fonctionnaire européen.
Cette semaine, on a également appris que des oligarques russes très connus et sanctionnés, tels que Roman Abramovitch, propriétaire du club de football de Chelsea, ont transféré leurs superyachts dans des ports turcs afin d’éviter les sanctions.
La crise ukrainienne a également rouvert les querelles de défense entre Washington et Ankara. Dans une lettre adressée au WSJ, M. Altun aborde la situation de longue date dans laquelle la Turquie s’est vu refuser des avions à réaction F-35 parce qu’elle a défié les souhaits de l’OTAN et de Washington en poursuivant l’acquisition de S-400 auprès du Kremlin.
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