Combien sont-ils, les Arméniens en Turquie aujourd’hui ? Officiellement par les recensements aléatoires basées sur ceux qui se déclarent de religion grégorienne ou apostolique arménienne, ils sont entre 70 000 et 90 000. Mais officieusement en tenant compte du chiffre des « Arméniens cachés », leur nombre pourrait bien atteindre 9 millions !
Khosrof Iliozer -natif de Malatia- et Krikor Amirzayan correspondant de la presse arménienne, au regard des témoignages, rapports et documents divers animeront une conférence-débat de l’association culturelle « Arménia », Vendredi 24 Février (20h30) à la salle Cheneviers de la MJC Jean Moulin à Bourg-Lès-Valence (20, avenue Jean Moulin). Infos : « Arménia » (04 75 83 80 58. E-mail armenia0@orange.fr
Officiellement ils seraient près de 90 000 Arméniens en Turquie aujourd’hui. Une communauté arménienne surtout présente à Istanbul et quelques autres grandes villes telles que Diyarbakir et Malatia. Une communauté arménienne qui apparait dans les statistiques turques, sous leur religion de l’Eglise apostolique arménienne inscrite sur leur carte d’identité.
Mais en Anatolie, ces « Arméniens cachés », des crypto-Arméniens, islamisés, kurdifiés, rescapés du génocide appelés péjorativement « les restes de l’épée » -ceux qui sont passés à travers les mailles du génocide arménien de 1915- seraient selon le journaliste arménien Hrant Dink au nombre de 3 millions en Anatolie. Le député arménien du Parlement turc Garo Paylan estime leur nombre à au-delà de ces 3 millions et on évoque alors le chiffre de 8 à 9 millions. Des Arméniens qui passent outre les statistiques de la diaspora puisque l’Eglise apostolique arménienne ne reconnaît comme Arméniens que ceux qui ont été baptisés au rite de l’Eglise arménienne.
Durant près d’un siècle, la présence de ces millions d’« Arméniens cachés » en Turquie se faisait discrète dans un pays où le nationalisme turc désirait écraser les origines de ses habitants, Arméniens, mais également Kurdes, Grecs, Juifs ou Assyro-Chaldéens qui constituent une minorité très importante de la République turque.
C’est la célèbre avocate turque Fethiye Cetin qui fut l’une des premières à révéler l’identité arménienne de sa grand-mère dans le livre « Les histoires de ma grand-mère » publié en 1991 et qui connut un très large succès. Aussitôt des centaines de langues se sont déliées et beaucoup de femmes et d’hommes ont révélé l’origine arménienne de leurs grand-mères ou parents proches. Par dizaines de milliers, atteignant les centaines de milliers. Un véritable phénomène d’une histoire trop longtemps cachée.
Islamisés de force pour la plupart pour échapper au génocide de 1915 et même peu avant aux massacre « Hamidiens » (du sultan Abdulhamid II) ces Arméniens convertis, vivant en Anatolie le plus souvent en zone Kurde, comme au Dersim (Tunçeli) avec les Arméniens alévis, ont su garder quelques éléments de leurs traditions et de leur lange. Se mariant souvent entre même groupes d’Arméniens cachés ou « crypto-arméniens ». Ce qu’Erdogan a osé les nommer comme « les restes de l’épée » c’est-à-dire ceux qui ont échappé au génocide, révèlent de plus plus leur identité cachée ou secrètement entretenue par peur de représailles des autorités turques ou tout simplement des villageois anatoliens.
Certains vont en Arménie faire une sorte de pèlerinage à la source de leur origine, trouver un parent perdu ou tout simplement s’imprégner de l’identité arménienne. Parfois même pour se baptiser et redevenir membre de la nation arménienne en devenant des fidèles de l’Eglise arménienne. Le baptême étant pour l’Eglise arménienne, le seul élément pour appartenir à la nation arménienne. L’Arménie étant en l’an 301 (ou 311) le premier Etat au monde à adopter le christianisme comme religion d’Etat.
Mais l’histoire de près d’un siècle a souvent fait son œuvre et ces Arméniens cachés ont parfois perdu leurs repaires identitaires qui liaient leurs grands-parents au peuple arménien. Barrière de la langue souvent, la culture et les pratiques des coutumes ont parfois crée un grand fossé entre eux et la nation arménienne. Rejetés par les Turcs comme des « restes de l’épée », ces crypto-arméniens sont également parfois rejetés par les Arméniens eux-mêmes.
Le terme Hémichis ou Arméniens du Hamshen qui désigne généralement des Arméniens islamisés au 17e ou 18e siècle, des musulmans de langue arménienne, bien que certains Hémichis soient restés chrétiens. En Turquie et en partie en Géorgie, autour de la Mer Noire, ils seraient environ 2 500 000, pour langue maternelle un dialecte de l’arménien. Depuis l’Empire ottoman, ces Arméniens du Hamshen ont émigré vers la Géorgie au 18e et 19e siècle.
Pourtant, à l’heure où l’Arménie qui compte 3 millions d’habitants pourrait facilement intégrer de millions d’autres Arméniens cachés en Anatolie, comment peut-on ignorer ce potentiel démographique important ?
Khosrof Iliozer et Krikor Amirzayan tenteront de donner des éléments-clés pour mieux comprendre ces « Arméniens cachés » qui n’apparaissent dans aucune statistique.
La conférence d’« Arménia », vendredi 24 février (20h30) à la salle Cheneviers de la MJC Jean Moulin permettra de mieux comprendre l’un des éléments les plus méconnus de l’histoire du peuple arménien.
