Malgré une visite chargée d’émotion au camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, le pape allemand Benoît XVI a déçu ceux qui attendaient une parole plus forte sur les responsabilités de l’Allemagne dans le génocide des juifs d’Europe et sur les silences de l’Eglise.
Certains, comme le grand rabbin de Rome Riccardo di Segni, y voient une occasion manquée car de l’avis de tous, la venue du pape allemand sur le lieu central de l’Holocauste a constitué un moment historique, ponctué d’un discours souvent très fort et très émouvant.
Contrairement à son prédécesseur Jean Paul II qui avait parlé au même endroit en 1979, Benoît XVI a symboliquement utilisé le mot Shoah, le mot hébreu pour l’Holocauste.
Le quotidien catholique français La Croix a aussi souligné que Benoît XVI avait été « beaucoup plus explicite sur le drame vécu par le peuple juif », en soulignant que le IIIe Reich avait voulu « l’effacer du registre des peuples de la terre ».
« C’était un grand discours au début et à la fin, mais problématique dans le contenu », a jugé le rabbin di Segni.
Les critiques se concentrent sur un passage du discours dans lequel Benoît XVI a donné sa vision des causes de l’Holocauste qui a coûté la vie à quelque six millions de juifs entre 1940 et 1945.
Il a attribué la responsabilité des crimes nazis à « un groupe de criminels » qui a utilisé le peuple allemand « comme un instrument de leur soif de destruction et de pouvoir ».
« Je ne suis pas du tout convaincu par l’interprétation proposée sur la responsabilité du peuple allemand, comme s’il avait été lui-même victime et n’avait pas fait partie des persécuteurs », a commenté le rabbin di Segni.
« L’analyse du pape me semble partielle et comporte des lacunes », a réagi de manière similaire le président de la Communauté juive italienne, Claudio Morpugo. « La Shoah n’a pas été seulement l’oeuvre de Hitler et de ses acolytes. Elle comporte le risque de réduire la responsabilité du peuple allemand et de tous ceux qui ont agi au nom d’une idéologie antisémite », a-t-il-dit.
La critique ne vient pas seulement de la communauté juive. Lundi matin, plusieurs journaux espagnols ont eu des commentaires semblables. « Benoît XVI exempte le peuple allemand de sa responsabilité dans les crimes nazis », a titré le journal libéral El Mundo.
« Ratzinger, qui a servi dans l’armée allemande à la fin de la guerre, a eu des paroles de compréhension pour ses compatriotes, coupables uniquement d’avoir permis l’arrivée au pouvoir du parti national-socialiste », a écrit le journal El Pais.
Certains ont également regretté que le pape n’ait pas prononcé le mot antisémitisme dans son discours et n’ait en rien évoqué la responsabilité propre de l’Eglise catholique, dont l’antijudaïsme séculaire a servi de terreau à la persécution des juifs.
« Nous avons été frappés par l’absence de référence spécifique à l’antisémitisme », a dit Claudio Morpugo.
Cependant, les responsables juifs présents à Auschwitz-Birkenau n’ont pas semblé en tenir trop rigueur à Benoît XVI. « C’est un discours très émouvant mais il y a des choses qui auraient pu être un peu plus fortes », a confié à l’AFP le grand rabbin de Pologne Michael Schudrich. « Sa simple présence ici était très importante, c’était un cri contre l’antisémitisme », a-t-il cependant ajouté.
Pour le rabbin David Rosen, un haut responsable de l’organisation juive américaine American Jewish Committee, cité lundi par le New York Times, la vision de l’Histoire de Benoît XVI ne peut pas changer les relations entre catholiques et juifs, qui se sont beaucoup améliorées sous l’impulsion de Jean Paul II.
« Les relations entre juifs et catholiques ne sont plus fondées sur une vision du passé », a-t-il dit.