De Nalbandian en particulier à la situation en générale

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Quoi de plus normal en politique que de demander la démission d’un acteur agissant dans le camp adverse ? Si ce n’est que la situation politique demeure étrangement instable et s’éternise dans cet état depuis les dernières élections présidentielles. Le pouvoir est donc embourbé tout comme l’opposition dans une sorte de sable mouvant où le premier qui bouge entraine l’autre vers l’enlisement fatal. Là même où l’on voyait la fin du tunnel s’installe depuis peu l’obscurité totale avec un horizon totalement bouché. Où en est la fin du blocus ? Au point mort et relégué à la problématique du Karabagh. Or, les négociations étant tenues secrètes, l’anticipation de leurs résultats est le fruit de spéculations plus ou moins honnêtes. Comme la malhonnêteté intellectuelle est de mise en politique, nous imaginons sans peine que certains vont charger la barque gouvernementale pour la faire couler. Si seulement seul le gouvernement pouvait couler sans entrainer un chaos social l’affaire serait simple, mais le risque d’embrasement existe, car les ardoises à régler sont nombreuses. Voilà pour les critiques relevant d’un mauvais esprit.

Pour les autres, l’affaire est plus délicate. En effet, les Azéris comme les Turcs ne sont pas du tout pressés de faire la paix avec l’Arménie. Ils rechercheraient même tous les moyens pour affaiblir le pays, névrose oblige. Les négociations turco-azéries directes avec le Kremlin montrent bien l’opportunité de régler les factures sur le dos de l’Arménie et du Karabagh. Le Kremlin a saisi l’occasion pour avancer ses pions en direction des gisements pétroliers de la Caspienne afin de contrer l’Europe comme les USA, mais aussi de grignoter l’indépendance azérie. Comme Sarkissian est le valet de Moscou, on imagine sans aucune difficulté que les intérêts russes dicteront la solution finale du Karabagh et de l’Arménie, d’où la réaction très compréhensible du Dashnaktsutyun ou des Ramgavars

Donc, il n’est pas impossible que Nalbandian devienne le bouc émissaire de toutes les accusations. Mais, une question fondamentale demeurera toujours, celle de savoir si l’Arménie est pleinement maitresse de son jeu ou que ce dernier, comme je l’imagine, est grandement dicté par les puissances qui s’occupent d’abord de leurs propres intérêts ? Or, cet angle critique n’est jamais abordé. Que voudrait-on nous faire croire ? Que l’Arménie est une grande puissance possédant son libre arbitre ?

De notre position excentrée, nous verrons bien le sort réservé au Karabagh. Pour ma part, je peux imaginer sans peine le pire avec l’entrée des chars azéris dans sa capitale, le repeuplement massif avec tous les accrochages qui en suivront. La chasse aux Arméniens pourrait donc recommencer, si les instances internationales n’y prêtent attention. D’où la question de savoir si on peut faire confiance. Évidemment, Ankara candidate à l’intégration européenne ne bougera pas faisant agir en sous-main Bakou sous couvert de problèmes postsoviétiques non résolus. Il y a donc péril en la demeure et Nalbandian évidemment ne peut l’écarter. Nous jugerons aussi du résultat en partie à la liberté de circulation des hommes et des idées. Imaginez un instant que votre arrivée au Karabagh soit contrôlée par un douanier azéri ? Quel sera votre sort si vous êtes militant de quoi que ce soit ? Celui de finir éventuellement dans les geôles de Bakou à la plus grande joie d’Ankara ? Le pire est toujours possible, tout comme le meilleur, mais dans ce dernier cas c’est beaucoup plus rare, convenons-en.

Le mystère de la feuille de route a-t-il fait pencher la balance en direction du pire ? C’est possible. Toujours est-il que le résultat des négociations pourrait être tout autre chose que serein. Dans le cas d’un soulèvement dû au mécontentement général, ne peut-on imaginer l’entrée en scène des Russes pour en finir avec l’indépendance de l’Arménie ? C’est un scénario qui en coulisse satisferait tout le monde. Moscou mettant le monde devant le fait accompli, Yérévan n’ayant plus rien à dire, enfin le problème arménien n’existerait plus, si ce n’est cette irrécupérable diaspora dont personne n’arrive à museler la liberté de conscience. Apprêtez-vous, en attendant les beaux jours, à défendre prochainement la liberté d’expression des journalistes, car elle est en sursis.

Par ailleurs, on devine aussi que le problème de la mise en place d’un groupe d‘historiens, à la manière de la scolastique du moyen âge visant à connaitre le sexe des anges, n’est que pure baliverne faisant double fonction d’écran de fumée et de miroir aux alouettes. Annoncer qu’un comité ad hoc réglera la question de la restauration de la confiance mutuelle entre les deux peuples relève de la farce diplomatique, farce qu’on nous joue, hélas, depuis un certain temps. Il est malheureux que Nalbandian se prête à cette rhétorique de menteurs, puisque Turcs comme Azéris n’en veulent absolument pas. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le silence d’Ankara dans le registre de l’amitié entre les peuples et de relever les propos agressifs de Bakou sur la guerre qui pourrait s’en suivre. Tout ceci se tient, mélodie comme harmonie sont bien au rendez-vous sous la baguette du Kremlin.
Jacques Périgaud

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Author: raffi

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