C’est le grand retour de Martin Scorsese au film de gangsters ! De Niro, Pacino et Joe Pesci rajeunis numériquement, un budget monstre que seul Netflix pouvait se permettre : The Irishman, disponible depuis ce mercredi 27 novembre uniquement sur la plateforme, est l’un des films événements de cette fin d’année… Et il a été écrit par Steven Zaillian, scénariste et réalisateur américain d’origine arménienne à la filmographie impressionnante.
Ici en 2007 avec Sean Penn, lors du tournage du film Les fous du roi.
Oscarisé en 1994 pour La Liste de Schindler, on doit, notamment, à ce géant de l’ombre les scénarios de la mini-série HBO The Night Of, ou encore d’American Gangster de Ridley Scott et Mission impossible de Brian de Palma. Il s’agit là de sa seconde collaboration avec Scorsese, après Gangs of New York en 2002. Le film s’inspire d’un livre du journaliste Charles Brandt, J’ai tué Jimmy Hoffa, lui-même basé sur la vraie vie de Franck Sheeran, un chauffeur devenu syndicaliste et tueur à gages. Une personnalité bien trempée dont la vie fut des plus mouvementées.
S’intéresser à la vie d’un mafieux était logique pour Scorsese, roi du film de mafia. Et c’est tout naturellement que, pour adapter ce pavé de 400 pages, Scorsese s’est fait aider par un spécialiste, Steven Zaillian. Disons-le clairement : Zaillian a fait de l’excellent boulot afin de rendre digeste cette histoire plutôt dense, et Scorsese l’a bien transposé à l’écran pour livrer un film de 3h30 qui ne souffre pourtant d’aucune longueur.
Steven Zaillian raconte à nos confrères de Première : « C’est Robert De Niro qui, le premier, a été captivé par ce livre. Il a mis Martin Scorsese sur le coup, et ils ont ensuite tous les deux fait appel à moi. J’avais déjà travaillé avec Marty sur Gangs of New York et avec Bob sur L’Éveil. Ils m’ont donné le bouquin, on devait être en 2008, et j’en ai écrit l’adaptation. Mais Marty était accaparé par d’autres projets et le film n’a pas pu se faire tout de suite. Je n’ai révisé le script que deux fois ces dix dernières années – une fois en 2013, l’autre juste avant le tournage – ça a été l’un des processus d’écriture les plus faciles de ma carrière. La raison principale, c’est que Bob et Marty savaient très précisément ce qu’ils voulaient, leurs retours sur le script étaient très méticuleux. »
Le défi était pourtant de taille pour Steven Zaillian, tant le livre est d’une densité folle, convoquant des dizaines de personnages secondaires et décrivant par le menu quelques-uns des secrets les plus brûlants du crime organisé. D’autant que le récit est écrit à la première personne, et extrêmement évocateur : « L’intention n’était pas de faire un biopic, surtout pas. Il fallait élaguer – finalement, on se concentre sur une période beaucoup plus courte que dans le livre. On le suit, en gros, du milieu des années 50 jusqu’au milieu des années 70. Ne comptez pas sur moi pour vous dire comment je m’y suis pris, je préfère vous laisser la surprise ! Mais l’idée était de se concentrer sur les moments de la vie de Sheeran, où résonnent les thèmes profonds de cette histoire : la loyauté et l’amitié. L’Irlandais est un homme qui a été mis dans une position très compliquée vis-à-vis de ses amis… »
The Irishman est autant le portrait d’hommes sur une cinquantaine d’années que celui d’une Amérique qui ne cesse de se transformer. Il est à la fois sobre et complexe, et d’une brillante limpidité, au regard de sa densité historique. Une richesse qui ravira à la fois « férus » de la mafia et néophytes, et ce à la fois grâce au jeu des acteurs que l’on prend plaisir à voir réunis et transformés par des effets de rajeunissement (Robert de Niro, Al Pacino, Joe Pesci, …), grâce à la réalisation sombre et sans faute de Martin Scorsese et au scénario cohérent de Steven Zaillian.
Claire Barbuti