Des intellectuels français d’origine arménienne s’adressent au secrétaire général de l’OSCE

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Paris, le 29 février 2008

A l’attention de Monsieur le Secrétaire général de l’OSCE

Monsieur le Secrétaire général,

C’est avec une vive inquiétude que nous souhaitons attirer votre attention sur la situation qui règne actuellement en Arménie depuis les élections présidentielles du 19 février dernier et à la suite du rapport préliminaire établi par vos observateurs.

Ces derniers en effet ont dressé un « bilan globalement positif » du déroulement de la campagne et des élections présidentielles. Or, elles sont contestées et dénoncées, à des degrés divers, non seulement par l’ensemble des candidats présidentiels – à l’exception de Monsieur Serge Sarkissian déclaré élu – mais aussi par une foule de plus en plus nombreuse (des centaines de milliers de personnes) descendue dans la rue depuis plus d’une semaine pour exprimer son indignation devant le scandale que représentent à ses yeux les élections et les résultats proclamés.

L’ensemble de la campagne présidentielle avait déjà révélé un traitement inéquitable entre les différents candidats. Dans un cadre où les chaînes de télévision publiques sont contrôlées par le régime en place et où les chaînes privées indépendantes ont été suspendues depuis longtemps, il fut très facile de dénigrer systématiquement les candidats de l’opposition ou de ne leur accorder qu’un très court temps d’antenne. Les réunions publiques des candidats non gouvernementaux se sont heurtées à tout un arsenal d’initiatives visant à les saboter par la multiplication des incidents et des agressions.

Pour contester un traitement régulièrement négatif à son encontre, Monsieur Levon Ter Petrossian, premier Président de la République d’Arménie, avait demandé à la Cour constitutionnelle de statuer sur le caractère insurmontable des obstacles qui ont été faits à sa candidature et à sa campagne. Tout en reconnaissant les obstacles, la Cour n’a pas voulu les considérer comme insurmontables (11 février 2008).

Le jour des élections a vu se produire des cas répétés de violence, des voix achetées, des urnes bourrées, des gens empêchés de voter dans le secret de l’isoloir, des journalistes témoins des violations de la loi électorale agressés. Ces fraudes massives se sont conclues par l’annonce de la victoire, dès le premier tour, du candidat du pouvoir. C’est ce déni évident de la démocratie qui a poussé les gens à descendre dans la rue, dès le 20 février, pour demander le respect des règles démocratiques, de la justice et l’Etat de droit qu’elle suppose, la fin de la corruption, la lumière dans l’enquête sur la tuerie du Parlement du 27 octobre 1999.

Le rapport préliminaire des observateurs de l’OSCE

Or, le 20 février, vos observateurs se sont empressés de remettre un rapport préliminaire félicitant les autorités arméniennes d’avoir écouté leurs recommandations précédentes et d’avoir par conséquent progressé dans l’édification de l’Etat de droit. Mais ils passaient ainsi sous silence le caractère massif et systématique des fraudes ainsi que le climat de tension, de menaces et d’intimidation dans lequel elles ont été commises. Alors que nous nous réjouissions de la présence d’observateurs de l’OSCE en Arménie et que nous étions désolés de leur absence en Russie lors des élections présidentielles du 2 mars prochain, nous constatons que les Arméniens n’ont pas bénéficié, en ces heures pourtant cruciales pour l’avenir de la démocratie dans leur pays, d’un rapport objectif de la part de votre Organisation dont le nom symbolise tant d’espoirs. Nous avons le sentiment que, pour des raisons inconnues de nous, vos observateurs ont failli aux valeurs démocratiques des pays représentés dans votre Organisation.

Il est vrai que vos observateurs ne délivreront leur rapport final qu’en avril. Il est vrai que par la voix de la présidence en exercice, vous invitez les parties en conflit au dialogue.

Cependant, considérant que votre premier rapport justifiait une reprise en main musclée de la situation, les autorités arméniennes n’ont pas attendu le 1er avril pour déclencher une vague d’arrestations et d’enlèvements parmi les figures les plus actives de l’opposition ou parmi celles qui se sont ralliées à elle. La vague de répression a commencé le 24 février dernier, avant même que la Commission électorale ne proclame les résultats définitifs. Elle se poursuit actuellement avec des perquisitions, dénonciations calomnieuses des forces d’opposition et inculpations notamment de Gaguik Djankirian, vice-procureur général, et Smbat Aïvazian, ancien ministre, devenus de facto des prisonniers politiques en Arménie. Les autorités agitent également, sans aucune preuve, le spectre de la sédition intérieure à seule fin de museler l’opposition et d’intimider la population qui poursuit son combat de manière démocratique.

Tout cela ne traduit pas une volonté de dialogue ; bien au contraire cette politique de répression risque de déstabiliser le pays, ce que les centaines de milliers de personnes mobilisées réprouvent.

Devant la gravité de la situation, considérant que l’OSCE ne peut brader les principes et les valeurs qui ont toujours inspiré son action, nous vous demandons, Monsieur le Secrétaire général, de bien vouloir diligenter une enquête sur les conditions dans lesquelles ce premier rapport préliminaire a été établi et de rappeler aux autorités
arméniennes les règles fondamentales d’un Etat de droit qu’elles se sont engagées à respecter et auxquelles le peuple arménien aspire.

Nous restons à votre disposition pour vous fournir tout élément d’information qui vous ferait défaut dans le cadre de cette enquête comme dans le cadre de la préparation du rapport final, et vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de notre haute considération.

LE COLLECTIF DEMOCRATIE POUR L’ARMENIE

LE COMITE EUROPEEN DE DEFENSE DES PRISONNIERS POLITIQUES EN ARMENIE

Et les premiers signataires :

Valérie AGOUDJIAN – Patrick ARAPIAN – Serge AVEDIKIAN – Robert AYDABIRIAN – R.P. Haroutiun BEZDIKIAN – Gérard CHALIAND – Jean-Michel CARRE – Françoise COUYOUMDJIAN — Laurence DJOLAKIAN – Claire GIUDICENTI – Aïda KARNIGUIAN – Angèle KNOUNI – Varoujan KNOUNI – Vasken KNOUNI – Isabelle KORTIAN – Alexis KRIKORIAN – Gérard MALKHASSIAN – Michel MARIAN – Claude MUTAFIAN – Armand SARIAN

Monsieur Marc Perrin de Brichambaut

Secrétaire général de l’OSCE

Palais Palffy

Wallnerstrasse 6-A

A – 1010 VIENNA

(Autriche)

Copie : Monsieur Ilkka Kanerva, Ministre des Affaires étrangères de Finlande, Président en exercice de l’OSCE.

raffi
Author: raffi

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