Des manifestants se heurtent aux forces de l’ordre après l’arrestation du patron de Spayka

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La rue arménienne, qui avait massivement suivi Nikol Pachinian durant sa revolution de velours, semble se retourner contre lui, un peu moins d’un an après son accession au pouvoir. Des mouvements certes sporadiques, qui ne sauraient être tenus pour un vent de fronde, et moins encore pour cette “contre-révolution” contre laquelle le premier ministre arménien met régulièrement en garde, mais une contestation permanente, qui traduit un certain malaise social, provoqué par des mesures chocs mises en oeuvre dans le cadre de cette “revolution économique” dont les Arméniens attendent les effets avec impatience. Les différents corps sociaux affectés par ces mesures, qu’elles relèvent de la protection de l’environnement, qui met aux prises les employés de grands groupes miniers et le gouvernement qui a gelé certains projets en attente des conclusions relatives à leur impact écologique, de la lutte contre les pesanteurs bureaucratiques, à l’origine de la suppression de plusieurs ministères, comme celui de la diaspora, dont les employés avaient manifesté à Erevan, ou encore de la lutte contre la corruption, qui menace les acquis d’anciens oligarques et place leurs employés dans l’incertitude, voire les condamne au chômage, manifestent régulièrement leur mécontentement dans les rues de Erevan ou d’autres villes, où la revolution de velours a eu pour effet de libérer la parole. S’il ne s’agit pas, à ce stade, d’un mouvement social coordonné, cette succession d’actions séparées, à l’initiative de salariés inquiets pour leurs emplois, illustre les difficultés rencontrées par le nouveau gouvernement dans la mise en place de ses réformes menées au nom de l’assainissement du milieu des affaires. Après les manifestations provoquées en mars par le démantèlement des cafés et terrasses installées depuis des années sur l’esplanade de l’Opéra de Erevan, qui redeviendra une zone de verdure conformément aux exigences de la mairie de la capitale, d’autres manifestations, provoquées lundi 8 avril à Erevan en soutien au patron du groupe agroalimentaire Spayka, arrêté pour fraude fiscale, ont confirmé des tensions sociales, que le gouvernement arménien ne saurait imputer aux seules manoeuvres d’oligarques qui, soucieux de préserver leurs privilèges et monopoles menacés, joueraient sur la sécurité de l’emploi et manipuleraient leurs employés. Des centaines d’employés de Spyka, groupe leader dans le secteur de la production et de l’exportation de produits agricoles, ont ainsi exprimé avec determination leur soutien à leur patron, Davit Ghazarian, dont l’arrestation, pour évasion fiscale – une accusation qu’il dement fermement – risque de freiner les activités du groupe et de menacer leurs emplois. Le Comité des revenus de l’Etat (CRE) avait fait savoir vendredi 5 avril que Spayka aurait soustrait quelque 7 milliards de drams (14,4 millions de dollars) au fisc arménien en 2015-2016. T.Ghazarian, qui est aussi le DG de Spayka, a récusé de telles accusations, les jugeant dénuées de fondement, et a affirmé que le CRE avait décidé de l’arrêter parce qu’il aurait refusé de s’acquitter d’arriérés d’impôts qu’il estime ne pas devoir. Un tribunal de Erevan a accordé au CRE l’autorisation de procéder à l’arrestation de T.Ghazarian et de la placer en détention pendant l’enquête en cours, restant sourd aux demandes des centaines d’employés de Spayka rassemblés devant le tribunal, qui craignent que l’issue de la procédure les condamne au chômage. Les manifestants, furieux après l’annonce de la décision de justice, ont bloqué les axes autour du tribunal menant au centre de la capitale, avant de cerner le véhicule de police dans lequel s’engouffrait T.Ghazarian, menotté, à sa sortie du tribunal. Les forces anti-émeutes ont repoussé la foule en colère afin d’ouvrir la voie au véhicule transportant le PDG vers le centre de détention où il allait être incarcéré. L’un des manifestants a été embarqué dans un fourgon de police à la suite de ces affrontements. Les rues environnantes seront dégagées par les forces de police une heure après, mais le calme n’est pas revenu pour autant, les manifestants restant mobilisés devant le tribunal, à l’appel d’un autre dirigeant de Spayka, Karen Baghdasarian. Dans un discours emprunt d’émotion, K. Baghdasarian a accusé le CRE de “détruire” l’une des entreprises les plus florissantes d’Arménie, affichant une expansion spectaculaire. Il a affirmé que l’arrestation de T.Ghazarian n’affectait pas seulement Spayka et ses quelque 1200 employés, mais aussi des milliers d’agriculteurs et paysans chez qui s’approvisionne le groupe. Les manifestants, qui scandaient “Spayka!” et “Libérez Tavit!”, se sont ensuite dirigés vers le siege du gouvernement au centre de Erevan en vue d’obtenir une rencontre avec Nikol Pachinian. Le premier ministre refusera de les recevoir, mais enverra un conseiller pour tenter d’engager un dialogue. Nairi Sargsian assurera aux manifestants que N.Pachinian n’ “interviendrait” pas dans cette affaire, ni dans aucune autre, laissant la justice, dont beaucoup doutent pourtant de l’indépendance, faire son travail. K. Baghdasarian pourtant, a souligné devant la représentante de N.Pachinian que le premier ministre devait donner au tribunal une “garantie personnelle” qui ouvrirait la voie à une libération de T. Ghazarian. Lors d’une conférence de presse vendredi 5 avril, T.Ghazarian avait affirmé que N.Pachinian avait un rôle dans les accusations d’évasion fiscale portées contre lui. Dans le même temps, les avocats de l’homme d’affaire ont fait savoir qu’ils avaient déjà deposé une demande à la Cour en vue de libérer leur client. L’un des avocats, Karen Sardarian, a indiqué aux journalistes que les accusations de fraude fiscale portées contre son client ne reposaient que sur un simple “avis d’expert” cité par le CRE. L’avocat ajoutait que l’agence fiscale devait mener une nouvelle enquête, plus sérieuse, avec les représentants de Spayka, dont il s’est dit sûr qu’ils accepteraient ses conclusions. Dans un communiqué en date du 5 avril, le CRE avait précisé que ses accusations concernaient d’importantes quantités de fromage et autres produits alimentaires importés en Arménie par une autre compagnie, Greenproduct, en 2015 et en 2016. Il affirmait que Greenproduct était contrôlé par Spayka, qui aurait maquillé ses formulaires douaniers afin de diminuer le montant des taxes à l’importation des produits concernés. T.Ghazarian affirme pour sa part que Spayka n’a pas de lien avec Greenproduct, et s’est contenté de lui proposer ses services pour le transport de fret. Spayka a été fondé en 2001 et est devenu depuis l’un des principaux producteurs et exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires d’Arménie, en se fournissant dans ses propres domaines agricoles et serres ou chez des agriculteurs dans quelque 80 localités à travers le pays. Le groupe possède aussi un parc de plusieurs centaines de camions qui exportent ses productions en Russie et vers d’autres pays. En mars 2018, la compagnie avait obtenu un prêt de 30 millions de dollars de la Banque asiatique de développement basée à Manille, en vue de developper et moderniser ses serres et de les équiper de systemes d’irrigation performants. Le 26 mars dernier, Spayka avait inauguré une nouvelle usine laitière au sud de Erevan, lors d’une cérémonie en présence de N. Pachinian. Le groupe avait à cette occasion présenté un projet d’investissement d’un montant de 100 millions de dollars qui serait financé en grande part par la Banque eurasienne de développement dont le siège est au Kazakhstan. Mais ces projets risquent d’être compromis par les procédures judiciaires engagées contre son patron, dont les liens avec l’ancien pouvoir ont été régulièrement soulignés dans les media locaux.

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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