Des parlementaires français en Syrie

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La visite de 4 parlementaires français en Syrie fin février, et leur rencontre avec Bachar El Assad, a suscité les plus vives critiques de l’actuel président de la République et de son prédécesseur, qui pour une fois sont tombés d’accord. Faut-il s’étonner de cette unanimité ? Vu de France, le chef de l’État syrien, ou du moins ce qu’il en reste, apparaît comme un personnage infréquentable, un « boucher » qui a « massacré son propre peuple ». Soit. Mais que penser alors de Daech, sa seule alternative concrète sur le terrain ? Et des deux, qui représente le plus grave danger, pour la région, l’occident, l’humanité en général ? L’islamisme radical, le poids historique de la domination féroce des sunnites sur les Alaouites (qui ne s’est inversé qu’avec le régime Assad), les phobies de revanches sociales et communautaires, le tout agrémenté d’un certain nombre de fatwas anti-alalouites moyenâgeuses, font hélas aussi partie de l’horrible donne de ces territoires marqués par les archaïsmes, la guerre sainte, les systèmes dictatoriaux et les crimes contre l’humanité. Ces facteurs pèsent de tout leur poids sur ce conflit. Et ce, d’autant plus que les opposants sunnites syriens, se faisant piéger par Assad qui avait intérêt à polariser aux extrêmes la situation, n’ont quasiment jamais été en mesure de s’affranchir de la norme djihadiste dans leurs offres organisationnelles et programmatiques…

On ne connaît hélas que trop bien les risques génocidaires liés à ce type de contexte. Pour autant, faut-il s’étonner qu’ils perdurent dans des contrées qui, depuis l’Empire ottoman, ont fait du massacre de masse un mode courant de règlement des problèmes communautaires ? Les atrocités sans nom commises de part et d’autre dans cette guerre civile ne s’inscrivent-elles pas dans une certaine tradition, dont le spectre n’en fini pas de hanter cette région  ? Une réalité terrifiante qui plonge ses racines dans des siècles d’obscurantisme ottoman, et qui renvoie notamment aux diverses étapes du processus d’extermination des Arméniens, jusque y compris 1915. Un génocide dont la réussite exemplaire fait jusqu’à aujourd’hui office de modèle dominant dans cette zone qui garde encore bien vivante la mémoire de ces événements.

L’héritage du despotisme ottoman et l’ultra violence ont marqué de leur empreinte les anciennes colonies de l’Empire qui ne se sont ensuite émancipées des appétits occidentaux que pour chercher en elles-mêmes les instruments de leur propre domination, à travers des dictatures ou des lectures dévoyées du Livre dont elles se réclament. Et ceux qui prétendent dispenser à ces populations des leçons de civilisation démocratique ne pourront retrouver une écoute, une crédibilité, qu’en tenant compte de ce passif historique dont le génocide des Arméniens constitue en matière d’horreur le point culminant. Et non en cherchant des réponses du côté du panturquisme et de ses avatars islamofascistes dans la région. L’Europe aurait-elle pu se pacifier sans les normes fixées par le procès de Nuremberg ? Il est à craindre que la faillite morale subséquente à ce crime fondateur de la Turquie n’ait réussi qu’à ouvrir grandes les portes à la barbarie généralisée dans cette zone.

On nous dit qu’Assad n’est pas la solution pour la Syrie, que l’on ne peut choisir entre la peste et le choléra, qu’il est erroné de croire qu’entre deux maux il faut choisir le moindre, etc. Peut-être. Il n’en demeure pas moins qu’entre Daech et Assad, il n’y a aujourd’hui pas photo pour les minorités chrétiennes. Ni d’alternative apparente. On nous affirme que le problème ne se pose pas en ces termes. Mais pour elles, sur le terrain, si. Et il y a urgence. Qui a tenté une opération de nettoyage ethnique à Kessab le 23 mars dernier et qui l’a libéré durant l’été ? Qui a dynamité le mémorial du génocide à Deir Zor ? Et qu’ont pu faire les analyses les plus savantes quand ces crimes contre l’humanité se sont produits ? Qui vient d’enlever 250 chrétiens arabes dans le nord de la Syrie ?

Alors on peut certes brocarder les initiatives personnelles de quelques parlementaires et leur donner à peu de frais des leçons de morale. Il n’empêche que cette situation moyen-orientale continue à faire des ravages, et pas seulement dans les rangs des sunnites, des chiites, des alaouites ou des chrétiens. On a pu le constater à nos dépends en début d’année à Paris. Dans ces conditions, n’est-il pas un peu facile de jeter la pierre à ceux qui tentent de sortir de l’ornière, quand bien même leur voyage en Syrie aurait pour conséquence indirecte de souligner les limites d’une diplomatie qui avance avec des idées bien arrêtées dans un Orient de plus en plus compliqué. En tout cas, après plusieurs années de conflit et des centaines de milliers de morts de part et d’autre, on ne voit aucun progrès probant en matière de paix qui puisse autoriser quiconque à revendiquer une sorte d’infaillibilité dans ce dossier syrien, à arborer cette prétention étrange à la vérité absolue.

Ara Toranian

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Author: raffi

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