Dorothée Schmid : Le dernier verrou véritable réside dans la question arménienne

Se Propager

Mardi 28 Août 2007

Entretien avec Dorothée Schmid, IFRI
Propos recueillis par Christophe ISRAËL

leJDD.fr

Dorothée Schmid, responsable du programme « Turquie-Euromed » à l’Institut français des relations internationales (IFRI) a répondu à nos questions.

La victoire de l’AKP est sans surprise. Elle est donc logique ?

Au pouvoir depuis cinq ans, le Parti de la justice et du développement présentait un bon bilan aux électeurs turcs. Le parti a démontré sa capacité à bien gérer le pays et de mener à bien les réformes, notamment celles attendues par l’Union européenne. Dans ce contexte, Abdullah Gül a d’ailleurs participé de manière active, en tant que chef de la diplomatie (ministre des Affaires étrangères pendant quatre ans, NDLR), à l’avancée du dossier européen.
La victoire de l’AKP aux dernières législatives, avec un peu moins de 47% des voix, rendait évidente celle de son candidat à la magistrature suprême. Un éditorialiste turc notait d’ailleurs qu’avec un tel score, un parti au pouvoir ne peut pas être extrémiste. On peut dire que l’AKP est un parti centriste, réformiste, bien que conservateur sur les questions sociales. Il est en tout cas en mesure aujourd’hui de présenter un nouveau pacte socio-politique en Turquie.

L’arrivée au pouvoir d’Abdullah Gül constitue selon l’opposition un risque pour la laïcité. Cette crainte est-elle fondée ?

Il n’existe pas de réelle opposition capable aujourd’hui de proposer une alternative à la politique menée par l’AKP. Dans ce contexte, la défense de la laïcité et l’ultranationalisme constituent les deux seuls points de fixation forts sur lesquels ses détracteurs se replient.

L’armée se pose comme la garante historique de cette valeur présentée comme « kémaliste ». Quelle est sa capacité de réaction ou d’opposition face à une éventuelle dérive islamiste ?

Cette capacité de réaction est aujourd’hui difficile à évaluer. Les militaires, tout comme les élites dirigeantes traditionnelles, sont en voie de marginalisation. L’arrivée à la présidence de Gül modifie les bases de la répartition des pouvoirs, et le projet de Constitution qui devrait être présenté dans les mois qui viennent ira dans ce sens, plus libéral aussi. L’armée a perdu beaucoup de crédit en mai dernier, lors de l’épisode du « mémorandum de minuit », que certains ont qualifié de « cyberputsch » (Le chef d’état-major des armées, le général Yasar Büyükanit, avait publié sur le site internet des forces armées un communiqué alambiqué dénoncant l’islamisation rampante de la société turque, NDLR). Mais son influence dépend principalement de l’évolution des trois grands dossiers stratégiques que sont Chypre, la question kurde, et surtout l’Irak. Toute dégradation, notamment sur la question irakienne, renforcerait automatiquement l’armée.

Après l’infléchissement relatif de la position de Nicolas Sarkozy sur la question de l’adhésion turque à l’Union européenne, où en est le dossier européen ?

Malgré les annonces faites pendant sa campagne de bloquer le processus des négociations turques en vue de l’adhésion à l’UE, Nicolas Sarkozy a, dès son arrivée à l’Elysée, repris langue avec la Turquie. Renouant de fait avec Ankara un dialogue qui était totalement rompu à la fin du mandat de Jacques Chirac. Si une certaine fermeté subsiste, ses récentes déclarations font bien état d’un infléchissement, qui découle du principe de réalisme. Isolé sur cette question et incapable de construire un front anti-turc avec ses partenaires européens, il est logique que le président français affiche une position disons plus « médiane ». Il n’y a pas véritablement d’urgence sur le dossier turc.

Le dernier verrou véritable réside dans la question arménienne. Les Turcs continuent à nommer « massacres arméniens » ce que la France qualifie de « génocide ». Cette question est sans aucun doute très compliquée à régler. La société turque n’est pas prête à un examen de conscience national. La presse a beau être très libre, les éditorialistes peuvent exprimer des positions très tranchées sur des thèmes comme la laïcité ou la place de l’islam en politique, la question arménienne reste un véritable tabou de la conscience collective. L’AKP pourrait avoir les moyens de faire changer les choses, se poser en refondateurs sur ce dossier comme sur d’autres.

raffi
Author: raffi

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut