Editorial du New York Times
Publié le 7 mars 2008
JOURS SOMBRES EN ARMÉNIE
La démocratie dont les Arméniens rêvaient pendant les longues années vécues sous le joug de Moscou semble leur échapper. Après que des opposants aient contesté les résultats frauduleux des élections présidentielles, le gouvernement a imposé brutalement l’état d’urgence. A l’heure actuelle, il y a au moins huit morts, la presse indépendante a été muselée et toutes les manifestations ont été interdites. Le président Bush et les leaders occidentaux doivent clairement faire savoir au gouvernement de l’Arménie que cette conduite est inacceptable et qu’elle compromettra l’avenir des relations. Comparée aux dictatures post-soviétiques telles que le Belarus ou l’Ouzbékistan, la situation en Arménie ne parait pas aussi négative. C’est pourquoi il est si important d’arrêter dès maintenant ce glissement vers l’autoritarisme avant qu’il ne soit trop tard.
Les résultats officiels de l’élection présidentielle on donné une victoire écrasante au candidat du parti au pouvoir, Serge Sargsyan. Les observateurs internationaux ont déclaré que, bien que globalement le résultat semble juste, il y avait eu, néanmoins, de sérieux problèmes au niveau du comptage des voix. Les manifestations qui suivirent ne devinrent violentes qu’après que la police ait commencé à frapper les manifestants.
Des témoins ont raconté à notre collègue, Sabrina Tavernise, comment, samedi matin, les autorités ont caché des armes et des grenades parmi les manifestants endormis. Ensuite la police a attaqué les opposants en les accusant de fomenter un coup d’état. Le jour suivant le président sortant a envoyé des chars dans les rues, il a interdit toutes manifestations et il a donné l’ordre aux organes de presse de ne rapporter que les informations officielles. Les stations locales n’ont plus eu le droit d’utiliser les programmes en langue arménienne provenant de l’étranger, y compris ceux de la Voix de l’Amérique et de Radio Europe Libre/ RadioLiberté.
Ceci provoqua une forte réaction de la part du Broadcasting Board of Governors de Washington, agence fédérale indépendante qui supervise ces stations, alors que le Département d’Etat exprimait sa préoccupation au sujet du nombre des victimes. Leurs réactions auraient plus de poids si le président Bush y ajoutait sa voix. En effet, l’Arménie, engluée dans un long conflit avec l’Azerbaïdjan voisin se trouve relativement isolée dans sa propre région et elle attache beaucoup d’importance à ses bonnes relations avec les Etats-Unis.
Il ne s’agit cependant pas d’un cas de vertu démocratique innocente contre une tyrannie malfaisante. Le chef de l’opposition battu, Lévon Ter-Petrossian, est un ancien président qui dans les années 90 a lui-même envoyé les blindés pour écraser des manifestants qui protestaient contre ses manipulations électorales.
Il prétend, sans preuve tangible, qu’il a remporté les élections. Lorsque les forces gouvernementales ont déclenché les violences de la semaine dernière, certains de ceux qui venaient manifester pour soutenir Mr. Ter-Petrossian semblaient être plus intéressés par le pillage des magasins. La responsabilité principale incombe aux dirigeants du gouvernement Arménien et c’est à eux que la Maison Blanche doit adresser ses protestations.
Traduction : Alain Touhadian