Etat terroriste

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L’affaire Lapshin n’a pas trouvé sa conclusion avec la libération du blogueur l’été dernier. Elle n’a fait au contraire que prendre un nouveau départ. Ce citoyen russo-israélien, arrêté à Minsk le 15 décembre 2016 sur demande du régime Aliev puis extradé en Azerbaïdjan n’entend en effet pas en rester là. Il n’a pas soldé ses comptes avec le maître de Bakou, qui l’a persécuté au seul motif de deux visites au Haut-Karabagh en 2011 et en 2012 (présenté comme une violation des frontières de l’Azerbaïdjan). Et il ne s’estime pas quitte non plus avec le président de la Biélorussie, qui s’est fait l’exécutant de cette manœuvre ubuesque, le territoire en question étant de facto indépendant depuis 20 ans, qu’il délivre ses propres visas et qu’il fait l’objet d’une négociation internationale sur son statut. Une histoire de fou, un cauchemar éveillé qui en dit long sur l’autoritarisme hystérique des dirigeants azerbaïdjanais. Et qui, au passage, n’a pas amélioré l’image détestable de la gouvernance biélorusse et de son leader populiste : Alexandre Loukachenko.

Voilà donc l’itinéraire d’un touriste cueilli au petit matin par la police dans un hôtel de Minsk, jeté sans coup férir dans un sordide trou à rat, puis qu’on extrade au bout de deux mois vers un État despotique étranger qui veut en découdre avec lui ! Le tout sans autre forme de procès, ni même de mandat. Car contrairement à ce qu’avait affirmé la Biélorussie à l’époque, jamais Interpol n’avait délivré d’avis de recherche contre Alexandre Lapshin.
Mais ce n’est pas tout. Le héros malgré lui de cette terrifiante vendetta confirme dans l’interview exclusive publiée dans NAM ce mois-ci que c’est bien l’avion personnel de Mehriba Aliev, la charmante épouse du président, qui a été le prendre à Minsk et qui l’a ramené menotté, escorté par des militaires cagoulés et lourdement armés, sur le tarmac de l’aéroport de Bakou. Ainsi l’amie de Rachida Dati montre une autre facette de sa personnalité, moins flatteuse que celle présentée par sa fondation, dont les largesses profitent à certaines municipalités françaises, à la faveur d’opérations de sponsoring diplomatico-culturel. Elle n’est plus seulement celle dont la générosité avec l’argent du peuple azerbaïdjanais permet la rénovation des vitraux de la cathédrale de Strasbourg ou le financement du Festival de jazz d’Argentan. Elle apparaît aussi comme un maillon clé de cette dictature dont elle assure la vice-présidence, n’hésitant pas à s’impliquer, le cas échéant, dans des enlèvements de haut vol. Si l’on peut dire.

Mais ce kidnapping qui répondait au double besoin d’assouvir une inextinguible soif d’autorité et de terroriser tous ceux qui se sont rendus ou qui ont l’intention de se rendre en Artsakh, s’est finalement retourné contre son auteur. Non seulement il a été contraint, sous la pression internationale, de « grâcier » Alexander Lapshin après l’avoir emprisonné et brutalisé 9 mois durant, mais l’Azerbaïdjan devra justifier de ses actes. Le citoyen russo-israélien nous informe en effet qu’il est en train de poursuivre devant la Cour de Strasbourg cet État, tout comme la Biélorussie. Il s’agit pour lui d’obtenir réparation pour les violences subies et surtout bien sûr d’une impérieuse exigence morale. Car le pouvoir en place à Bakou n’entend visiblement pas se contenter d’exercer sa tyrannie sur son peuple, mais également sur les autres, faisant ainsi preuve d’une ambition « à l’export » aussi remarquable que redoutable en ces temps de mondialisation… En Artsakh tout d’abord, avec la course effrénée aux armements à laquelle se livre cet État, sur fond d’hystérie raciste antiarménienne et de menace permanente de guerre. Les mots de Lapshin, qui a vécu ce climat de l’intérieur, sont à cet égard très clairs : l’Azerbaïdjan nourrit des projets génocidaires à l’égard des Arméniens, comme l’on s’en doutait depuis les pogroms de Soumgaït, de Bakou, de Kirovabad, le massacre de Maraga, etc. Mais ce n’est pas tout. Le Caucase ne suffit visiblement pas aux appétits de cette dictature qui entend se faire respecter, voire intimider et harceler, jusqu’en France. En témoignent ses procès intentés contre l’émission Cash Investigation, qui avait eu le mauvais goût d’enquêter sur les turpitudes du régime Aliev. Ou encore sa plainte en justice contre le magazine Nouvelles d’Arménie, attaqué pour avoir diffusé sur son site internet un communiqué de François Rochebloine, ex-député UDI, qui y qualifiait l’Azerbaïdjan d’État terroriste. Ayant perdu en première instance et en appel dans cette procédure, l’ambassade d’Azerbaïdjan se pourvoit aujourd’hui en cassation. Elle a même déposé une QPC pour pouvoir poursuivre les journalistes sur le sol national. Comme quoi l’État de droit, ça a aussi parfois du bon… L’Azerbaïdjan devrait peut-être tenter l’expérience à domicile, plutôt que de vouloir à tout prix justifier de sa place de 163e pays sur 180 au classement de RSF sur la liberté de la presse. Artskakh, Lapshin, média… Qui a osé parler d’état terroriste ?

raffi
Author: raffi

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