Génocide arménien : Bernard Lewis et le spectre des comparaisons

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Bernard Lewis jouit d’un statut inégalé par la plupart des historiens ce qui le met dans une position unique, de pouvoir et d’influence. Dick Cheney n’a pas caché l’estime dans laquelle il tient Lewis, et on peut être certain que le vice-président n’est pas seul à penser que Lewis n’est pas ‘léger’ concernant l’histoire du Moyen-Orient. Même s’il peut être tentant de faire l’hypothèse que le vote de confiance de Cheney est une raison suffisante de douter de Lewis, prendre la voie paresseuse « si l’administration Bush – dit – blanc – je dirai – noir  » est toujours une mauvaise idée. Il y a des raisons de craindre que l’influence de Lewis le fasse aller beaucoup plus loin. L’une d’elles vient de la vidéo ci-jointe , où il nie purement et simplement le génocide arménien.

Il est intéressant d’écouter les termes précis utilisés par l’intervieweur. À aucun moment il ne se demande si M. Lewis pense que le génocide arménien puisse être similaire à l’Holocauste. Il se demande si Lewis a révisé sa position, à savoir que le massacre de masse d’un million d’Arméniens n’était qu’un brutal sous-produit de la guerre, et non un génocide. Lewis répond, assez astucieusement, en disant que c’est une question de définitions. Voilà ce qu’il en est, alors …

J’ai eu la chance d’avoir étudié brièvement avec le philosophe Richard Bernstein la question du Mal au 20ème siècle. Cela était en partie une enquête sur les atrocités de ces derniers siècles, mais aussi dans la rhétorique et les définitions du mal, la résistance au mal, et comment le langage peut être soit complice soit résistante au mal. Présenté comme un exemple de résistance, la croisade personnelle de Raphael Lemkin pour imaginer un mot qui pourrait décrire l’atrocité particulière de l’extermination systématique de personnes sur la base de certaines catégories spécifiques. Dans un certain sens, l’invention par Lemkin du terme « génocide » nous a donné une façon de parler de l’indicible, et donc de préciser ce que nous entendons lorsque nous disons ‘plus jamais ça’. Et bien que certains intellectuels se soient offensés de telles actions, il est difficile d’argumenter contre l’idée que la collectivité comprendra beaucoup mieux elle-même et ses intentions par la parole que par un silence religieux.

Le silence religieux est une chose, mais le silence irrévérencieux ou dans un but de rejet de cette très valeureuse définition, participe efficacement au contraire de la résistance au mal. Quand vous le faites à partir d’une position influente comme Lewis, votre culpabilité augmente proportionnellement. Sa rhétorique sournoise découle d’un principe qu’il a lui-même commodément mis en place – celle qui consiste, comme indiqué plus haut, à ne jamais être déstabilisé par son interlocuteur. Le point central de sa réponse est la comparaison avec l’Holocauste, une comparaison qu’il pense inexacte. Les atrocités qui ont eu lieu durant la deuxième guerre mondiale, étant incomparables, cela signifie de par la définition de Lewis, que ce sont les seuls événements que nous pouvons appeler ‘génocide’. Ce vocable est donc limité à un événement historique passé singulier, le rendant inutilisable pour tout ce qui l’a précédé ou le suivra.

Les érudits comme Lewis, feraient bien d’assimiler l’une des principales leçons du post-colonialisme – que certaines comparaisons peuvent parfois être utiles, mais d’autres peuvent empêcher de saisir la spécificité d’une situation – en observants leurs propres limites. Lewis opte pour la pire utilisation de la comparaison. La Révolution française n’est pas celle de l’Amérique pas plus qu’elle n’est celle de la Russie, et ainsi de suite, mais la notion de révolution telle que nous l’entendons, s’applique à toutes trois. De même avec le génocide arménien et le génocide des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. L’un n’est pas l’autre, d’accord (Est-ce Lewis pense que cela vient comme un choc ?) Mais la nécessité de les comprendre et d’en parler franchement, en tant qu’événement digne, révoltant la morale, sur bon nombre de raisons identiques, est vitale.

Un cas concret sur ce sujet : quand le parlementaire Ed Whitfield a pris la parole pour s’opposer au projet de résolution H.R.106 au motif que les relations avec la Turquie seront détériorées et que cela compromettra la guerre contre le terrorisme, il s’appuie sur l’un des historiens dans le monde, le plus au fait du Moyen-Orient pour étayer sa thèse. Mais en réalité, nos dirigeants n’ont pas le droit d’appeler l’invasion de l’Iraq et de l’Afghanistan ‘une campagne contre un régime et une idéologie génocidaire’ tout en refusant de reconnaître l’événement très important qui a incité M. Lemkin à s’intéresser à cette question. Whitfield et les gens de son espèce doivent être beaucoup plus préoccupés par la façon déloyale dont ils traitent un tel sujet important, qui sert à rendre le public, à juste titre, sceptique quant à la lutte contre la terreur génocidaire. Si cette lutte doit d’être un principe, on doit le prendre comme principe de base, sans équivoque, et laisser tout ce qui suit. Les applications sélectives fondées sur des arguments tendancieux par de doctes savants, ne devraient pas être permis.

Josh Strawn,Jewcy, traduit par GM

source: Jewcy

Traduction : http://www.eafjd.org

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Author: raffi

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