La résolution du Congrès sur la reconnaissance du génocide arménien est un test pour la diplomatie américaine, estime le directeur de l’Institut des pays de la CEI et député à la Douma, Konstantin Zatouline.
« La résolution sur la reconnaissance du génocide arménien est un test intéressant pour la diplomatie américaine: dans quelle mesure elle tient à des motifs liés à la conjoncture, dans quelle mesure elle se fonde sur les principes qu’elle s’est attribué: honnêteté, justice, objectivité », a-t-il déclaré dimanche à Erevan lors d’une conférence de presse au Club de presse national, rapporte l’agence News Armenia.
Selon M. Zatouline, il est très clair qu’une lutte est déjà en cours entre, d’une part, l’intérêt national, dictant l’obligation de soutenir la Turquie, en tant qu’allié des Etats-Unis au sein de l’OTAN et, d’autre part, le désir de reconnaître officiellement la vérité (dans ce cas, sur le génocide arménien).
« Autant que je sache, le nombre de congressmen soutenant cette résolution a diminué après les pressions de l’administration Bush. C’est triste et je voudrais vraiment que les Etats-Unis et la Russie ne se fassent pas concurrence sur la question de savoir qui est le plus proche ami de l’Arménie et qui, de fait, est en position ou non de reconnaître des faits manifestes », a-t-il poursuivi, ajoutant qu’il fallait toujours garder à l’esprit que le génocide arménien au début du XXe siècle avait été le prélude aux autres génocides de ce siècle, notamment la Shoah sous l’Allemagne nazie.
L’expert a noté que la Turquie, qui souhaite tout particulièrement rester un pays moderne et laïque, traversait une période assez difficile de lutte entre différentes tendances.
« Tout de même, la tendance « nous ne reconnaissons, ni ne reconnaîtrons » domine en Turquie, qui voit tous les pas [allant vers une reconnaissance] comme une démarche hostile et fait du chantage aux membres de l’OTAN, avant tout aux Etats-Unis », a-t-il précisé.
Il considère en outre que l’adoption de la résolution par le Congrès restera au point mort tant qu’on ne saura pas clairement si la Turquie va lancer ou non une opération dans le nord de l’Irak.
« Je ne crois pas que la résolution sera adoptée par le Congrès. On voit bien que les Américains sont actuellement en plein marchandage avec la Turquie, marchandage dont le prix est la reconnaissance ou non du génocide arménien », a-t-il affirmé.
Ignorant les objections du président américain George W. Bush et du gouvernement turc, les membres de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants du Congrès américain ont adopté le 10 octobre dernier la résolution 106, appelant à prendre en compte dans la politique étrangère américaine la réalité du génocide perpétré contre les Arméniens sous l’Empire ottoman.
Le 18 octobre, la présidente du Congrès américain, la démocrate Nancy Pelosi, a émis des doutes quant à l’issue du vote sur la résolution 106, 20 membres du Congrès ayant renoncé à la soutenir compte tenu de l’impact négatif qu’elle pourrait avoir sur les relations américano-turques.
Le génocide arménien est le premier génocide du XXe siècle. La Turquie refuse de reconnaître l’extermination de près d’un million et demi d’Arméniens au cours de la première guerre mondiale et réagit avec une irritation extrême aux critiques venues de l’Occident sur la question du génocide. 23 pays ont déjà reconnu le génocide arménien, notamment l’Uruguay, la Russie, la France et la Lituanie.
