Génocide arménien/USA : Les organisations juives réticentes à répondre aux appels turcs

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Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Le Collectif VAN vous propose la traduction d’un article paru en anglais dans The Jewish Daily Forward le Vendredi 23 février 2007.

The Jewish Daily Forward

Malgré les supplications d’Ankara, les groupes restent muets sur la résolution arménienne

Nathan Guttman|Vendredi 23 février 2007

Washington – En dépit de la peur de déranger un allié primordial israélien et américain dans le monde musulman, les organisations juives sont réticentes à répondre aux appels turcs, leur demandant de combattre une résolution du Congrès reconnaissant le génocide arménien.

Dans le passé, les groupes juifs ont soutenu les efforts turcs visant à empêcher les États-Unis d’appliquer le terme de “génocide” à la tuerie de 1,5 million d’Arméniens, effectuée par les Turcs pendant la Première guerre mondiale. Mais récemment, le Forward a appris que les organisations juives avaient refusé de s’impliquer dans ce débat, craignant une bataille difficile avec la Présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, qui a juré de faire passer la résolution.

Il y a deux semaines, lors d’une rencontre à Washington, le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gul, a évoqué le sujet avec des représentants de plusieurs organisations juives importantes. Lors de la rencontre, à laquelle assistaient les représentants de huit groupes majeurs, Gul a insisté sur l’importance que le Turquie accordait à la prévention du passage de résolution. Il a demandé aux groupes juifs d’utiliser leurs opérations de lobbying au Capitole, pour aider la cause d’Ankara.
Selon plusieurs représentants juifs qui assistaient à la réunion, les officiels turcs ont averti que l’adoption de la résolution sur le génocide pourrait menacer les liens stratégiques d’Ankara avec les États-Unis et, peut-être, avec Israël. Dans le passé, les groupes juifs avaient plutôt penché du côté de la Turquie, qu’ils voyaient comme leur seul allié musulman dans la région, comme une puissance qui pouvait contrôler le radicalisme extrémiste, et bloquer l’influence iranienne. La force aérienne israélienne s’entraînait avec la Turquie, et les industries de défense israélienne voyait en ce pays un grand marché d’exportation.

Par un fort contraste, plusieurs juristes juifs se sont rangés au côté des activistes américano-arméniens pour pousser la résolution, arguant du fait que l’impératif moral est de combattre la négation du génocide.
“Il n’y a pas de débat dans la communauté [juive] concernant les faits qui se sont déroulés; la seule question est, désirons-nous les reconnaître tout en prenant le risque d’aliéner nos relations avec la Turquie?” a dit Adam Schiff, Démocrate de Californie qui a introduit la résolution le 30 janvier. “Si vous pensez aux mots d’Elie Wiesel, que la négation de l’holocauste est un second traumatisme pour les victimes, il est aisé de comprendre la puissance de la revendication arménienne.”

Schiff est optimiste quant au sort de la résolution.
“Les chances d’obtenir son adoption cette fois-ci sont bonnes,” a dit Schiff. “La Turquie possède certains des meilleurs lobbyistes en ville, mais nous avons certainement les votes.” La question clé est : si et quand un vote aura lieu.

Tom Lantos, Directeur de La Chambre des Affaires étrangères du Congrès, et seul survivant du génocide juif, doit donner une date de discussion ou de vote sur la mesure. Le Démocrate de Californie “se concentre sur le débat sur l’Irak et n’a pas encore pris de décision au sujet de cette résolution”, a déclaré son porte-parole, Lynne Weil.

Des sources du Congrès prédisent que si Lantos tente de bloquer la résolution sur le génocide dans le comité, Pelosi lui demandera de la faire passer à la Chambre basse pour un vote et il finira par accepter.

Le sujet de la résolution a été soulevé la semaine dernière, lors de la visite du Premier ministre israélien Ehud Olmert à Ankara.

Les relations actuelles entre Israël et le gouvernement turc, dirigé par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, ont subi des hauts et des bas. Erdogan a été l’un des premiers à inviter les dirigeants du Hamas à une visite officielle après leur victoire aux élections palestiniennes ; il a déclaré que la guerre engagée par Israël au Liban l’été dernier était illégitime, et il a récemment appelé à une cessation du projet de construction sur le Mont du Temple. Lors de leur réunion la semaine dernière, Olmert et Erdogan sont tombés d’accord pour que des inspecteurs turcs viennent contrôler la construction à Jérusalem.

Lorsqu’on lui a demandé au cours d’une conférence de presse, si Israël pourrait convaincre les organisations juives aux États-Unis, d’entamer une action contre la résolution, Olmert a dit que c’était aux membres du Congrès de décider. Mais il a ajouté, “Ce serait mieux si des experts indépendants se réunissaient et étudiaient le sujet.”

Le commentaire d’Olmert fait écho à l’assertion de la Turquie, à savoir, que ce qui est arrivé aux Arméniens dans l’Empire Ottoman est un sujet pour les historiens et non pour les politiciens.

Lors de la récente rencontre entre le ministre turc des Affaires étrangères et les organisations juives, des sources ont dit que c’était l’ambassadeur d’Ankara à Washington, Nabi Sensoy, qui avait directement évoqué les conséquences possibles d’une telle résolution.

L’ambassadeur a fait une liste des différents points de coopération qui pourraient être compromis si le Congrès allait de l’avant, et la plupart d’entre eux concernaient les efforts militaires américains en Irak. La possibilité d’une fermeture par la Turquie de la base aérienne d’Incirlik a été évoquée, base grâce à laquelle les forces américaines en Irak reçoivent plus de la moitié de leur besoin en fuel ; par exemple, les officiels turcs ont suggéré que la région d’Incirlik pourrait être déclarée Parc national de refuge pour les oiseaux, au-dessus duquel les vols et le trafic seraient limités. La discussion a aussi abordé les effets que la résolution du Congrès pourrait avoir sur les liens stratégiques de la Turquie avec Israël.

Des deux côtés, personne n’a soulevé la question de la communauté juive de Turquie dans le contexte de la résolution sur le génocide arménien. Mais lors d’interviews après la réunion, des représentants d’organisations juives ont dit qu’ils étaient inquiets quant au bien-être de la communauté juive de Turquie, si le gouvernement à Ankara décidait d’exprimer sa consternation envers l’Amérique.

Selon certaines sources, les représentants des organisations juives qui ont assisté à la réunion, ont été peu disposés à offrir leur aide à Gul, affirme le Forward. Ils ont dit au ministre turc des Affaires étrangères que les chances de bloquer le leadership de la Chambre sur ce sujet étaient minces, et que – comme l’un des participants l’a déclaré ensuite – “personne ne veut s’engager dans une bataille vouée à l’échec.”

Participaient à la réunion, des représentants du Comité Juif Américain, du Congrès Juif Américain, de la ligue Anti-Diffamation, de B’nai B’rith, de l’Institut Juif pour les Affaires de Sécurité Nationale, de l’Union orthodoxe, de Chabad et les Communautés Juives Unifiées, de la Branche nationale du Réseau Nord Américain des Fédérations Caritatives Juives.

William Daroff, le directeur à Washington de UJC (Communautés Juives Unifíées) et l’un des participant à la réunion, a dit que : “il n’y avait aucun engagement de la part des leaders des communautés juives à ce sujet.” Un autre participant, qui a parlé à condition de rester dans l’anonymat, a ajouté que les membres des groupes juifs “exprimaient leur sympathie mais ne voulaient pas s’engager.” Un troisième participant a prétendu que la communauté juive n’offrait que des mots de consolation à la Turquie à ce sujet, puisque toutes les organisations s’étaient mises d’accord pour dire que bien peu était à faire pour bloquer la résolution.

Selon divers participants, l’une des raisons pour laquelle la communauté juive a eu une approche prudente sur le sujet, dans sa réponse à la requête du ministre turc des Affaires étrangères, était l’inquiétude d’une “sur-promesse” et d’être tenue par les Turcs pour responsable en cas d’échec, si le Congrès adoptait la résolution.
“Il ne fait aucun doute que tous ces merveilleux gestes d’amitié en provenance de la Turquie sont très respectés,” a dit Rabbi Levi Shemtov, le représentant à Washington de Chabad. “Mais toute personne active sur les sujets du Congrès hésiterait à prédire le résultat d’un processus législatif, surtout dans ce cas précis.”

Plusieurs représentants des organisations juives ont exprimé leur frustration concernant les récentes actions turques envers Israël, ainsi que les législations restreignant l’éducation juive en Turquie. “Les groupes sont fatigués de les voir [les représentants turcs] venir vers nous quand ils en ont besoin, mais lorsque nous avons besoin de leur coopération, ce n’est pas toujours satisfaisant,” a dit un officiel de l’une des principales organisations.

Les deux communautés, turco-américaine et arméno-américaine des États-Unis pèsent leur poids dans les débats à la Chambre.

Les groupes représentant la Diaspora arménienne ont fait de la reconnaissance du génocide un thème majeur de lobbying dans leur agenda. La population turco-américaine, moins nombreuse, est active pour bloquer la reconnaissance, arguant du fait que l’utilisation du label génocide serait historiquement incorrecte. “Nous voyons l’holocauste comme un acte de génocide. Si les juristes décidaient que les Arméniens ont subi un génocide, également, cela nous rendrait confus,” a dit Gunay Evinch, président-élu de l’Assemblée des Associations turco-américaines. Il a ajouté que si la résolution était adoptée par le Congrès, cela “aliénerait les turco-américains de la société américaine.”

Dans le Sénat, plusieurs juristes juifs ont assumé un rôle oral pour combattre le refus américain de classifier la tuerie des Arméniens comme étant un génocide. La décision du Président Bush, le mois dernier, de réintroduire la nomination du diplomate de carrière Richard Hoagland comme ambassadeur en Arménie est actuellement contestée. Les Démocrates et au moins un Républicain, Norm Coleman du Minnesota – l’un des deux sénateurs juifs républicains – se sont opposés à la nomination de Hoagland l’an dernier, en raison de son refus d’utiliser le terme de“génocide” lorsqu’il parlait des tueries des Arméniens pendant la Première guerre mondiale. Son prédécesseur, l’ambassadeur John Evans, a été rappelé l’an dernier après avoir utilisé publiquement le terme de “génocide”.

Les Démocrates du Sénat réclament à présent de Bush qu’il retire la nomination de Hoagland et qu’il trouve un candidat qui serait davantage ouvert sur le sujet du génocide. Un autre juriste juif, le Sénateur Démocrate de New York, Charles Schumer, a écrit une lettre au Président Bush le mois dernier, soutenant que “la répugnance de Hoagland à classifier le génocide Arménien comme étant le premier génocide du 20e siècle, est un travestissement, qui nous laisse à croire qu’il suivra sans sourciller la position négationniste de l’administration motivée par des considérations politiques.”

Les groupes Arméniens aux États-Unis sont divisés sur le sujet de la nomination de Hoagland. Si l’Assemblée Arménienne d’Amérique a appelé à soutenir Hoagland, afin d’éviter une situation qui verrait les États-Unis sans ambassadeur à Erevan pendant deux ans, le Comité National Arménien d’Amérique appelle le Sénat à continuer de bloquer la nomination (de Hoagland).

Vendredi 23 février 2007

Traduction C. Gardon pour le Collectif VAN 2007

raffi
Author: raffi

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