Génocide : Elysée vs Quai d’Orsay

Se Propager

La cacophonie entre le quai d’Orsay et l’Elysée sur la question arménienne n’est pas nouvelle. Même si celle qui s’est faite entendre début juillet à la faveur des déclarations discordantes de François Hollande et de Laurent Fabius sur la loi de pénalisation du négationnisme semble particulièrement spectaculaire. On se souvient qu’Alain Juppé, interrogé sur ses divergences avec Nicolas Sarkozy sur cette même question avait repris à son compte le 2 février dernier la formule de Jean-Pierre Chevènement : « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va ». Le ministre est resté. Faut-il en déduire que sa différence de position avec le Président n’était pas à ce point fondamentale pour justifier une démission ?

En tout cas, Laurent Fabius a voté en tant que député la loi sur laquelle s’est engagé l’actuel Chef de l’Etat et dont le PS a été un artisan historique. Et sa récente déclaration devant Ahmet Davutoglu ne porte à cet égard pas tant sa marque personnelle, que celle de l’administration du Quai qui a toujours manifesté une grande force d’inertie pour intégrer, jusque dans son vocabulaire, les décisions du pouvoir politique, qu’il soit législatif ou exécutif. Il a fallu en effet attendre plus de cinq ans, c’était en l’occurrence à la faveur de l’année de l’Arménie en France, pour que ses membres fassent usage du concept de génocide arménien, pourtant reconnu par le Parlement et promulgué par Jacques Chirac le 29 janvier 2001.

Cette résistance à répercuter les prises de décisions démocratiques s’inscrit dans le conservatisme inhérent à cette vénérable institution qui a vocation à privilégier ses relations avec les Etats constitués plutôt qu’à s’épancher sur les doléances des peuples. Pour elle encore plus que pour toute autre instance gouvernementale, une injustice vaut toujours mieux qu’un désordre. L’histoire des Arméniens a été endeuillée plus souvent qu’à son tour par ce cynisme.

D’ailleurs, si le Quai remplissait bien son rôle, et s’il se mettait à la disposition du pouvoir élu au lieu de chercher à lui en imposer, il n’y aurait pas besoin d’une cellule parallèle à l’Elysée, et celle-ci ne serait pas encline à court-circuiter les canaux habituels de la diplomatie. L’épisode de la guerre lybienne constitue une illustration récente de cette réalité. Et il est probable que Fabius n’a été qu’à moitié dupe de l’influence de son administration, dont tout semble indiquer qu’elle voulait prendre une revanche sur ce sujet. Le ministre des Affaires étrangères avait en effet exactement déclaré le 2 juillet que « Le Conseil constitutionnel a décidé que la proposition de loi qui avait été présentée par les parlementaires était contraire à notre Constitution, donc il n’est pas possible de reprendre le même chemin sinon le résultat sera évidemment le même ». Des propos dont la portée négative par rapport à ce texte de loi n’ont échappé à personne, mais dont le sens renvoyait plus à sa forme qu’à son fond.

Face à ces ambiguïtés génératrices de graves malentendus, François Hollande a eu le courage politique qu’on attendait de lui en tranchant dans le vif, rappelant la philosophie de sa campagne qui doit présider à son exercice du pouvoir : « je ferai ce que j’ai dit » et « quand il faudra décider, la justice sera au centre de mes choix ». Un geste qui l’honore et dont il n’est pas innocent qu’il trouve à s’exprimer en ce début de mandat justement dans le registre des Affaires étrangères. Et en particulier sur la cause arménienne.

Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut