Article du vendredi 27 avril 2007
«Glorieuses futilités»: regarder l’Arménie
LE PROGRES DE LYON
Trois générations d’artistes arméniens sont présentés actuellement au Musée d’art Moderne, à travers leurs créations cinématographiques et vidéographiques. Rencontre avec le commissaire de l’exposition Regards Projetés – Arménie, Dimitri Konstantinidis.
>> Quelle est la structure qui organise cette exposition, en partenariat avec le Musée d’Art Moderne ?
« Apollonia – échange artistique européen -, est une association strasbourgeoise composée de cinq personnes, qui a été créée il y a une dizaine d’années. L’objectif étant de comprendre, connaître et identifier les créations les plus atypiques, les plus émergentes, dans l’Europe centrale, orientale, balkanique et périphérique, une Europe donc que nous méconnaissons et qui parfois nous échappe.
Nous allons à la rencontre d’artistes de ces régions, artistes soucieux de marquer leur différence car issus de cette périphérie, de cette marge, mais affirmant une appartenance à la communauté artistique internationale. »
>> Outre le lien avec l’année de l’Arménie qui se poursuit en France, pourquoi le choix de ce pays ?
« Parmi les trois pays dans lesquels nous prospections, Azerbaïdjan, Georgie et Arménie, il est apparu que la création vidéo était très implantée dans ce dernier.
Ce qui est dû à une forte tradition dans ce domaine, donc un véritable héritage. De 1909 jusqu’aux années trente, l’image animée a tenu une place importante en Arménie.
Et puis il y a deux grandes figures majeures de l’image qui ont commencé dans les années soixante : d’un côté l’immense cinéaste Sergueï Paradjanov, personnage incontournable dont une partie de l’oeuvre plastique est présentée parallèlement au Musée, et bien sûr Artavazd Pelechian. »
>> Parler nous de votre sélection pour cette exposition.
« Pour faire cette sélection parmi les nombreux artistes arméniens, nous sommes allés à la rencontre des vidéastes, et avons présélectionné une dizaine de travaux. Mais nous avons souhaité que cette sélection ne soit pas uniquement faite que par des gens d’Europe de l’Ouest. Nous avons voulu partager ce regard avec un critique d’art arménien, Ruben Arevshatyan, et un cinéaste, Gareguine Zakoyan, héritier de Paradjanov.
Il y a trois catégories de vidéos. D’une part, il y a les performances d’artistes qui ont été filmées, et c’est ce travail de captation qui devient l’oeuvre elle-même, et plus simplement un document (la vidéo a un avantage notoire, en particulier pour les artistes dont le problème est moins le support avec lequel ils s’expriment, que la possibilité déjà de pouvoir s’exprimer et montrer leur travail : elle est facile à transporter, à montrer partout dans le monde).
Il y a ensuite le travail de plasticiens qui ont choisi d’utiliser comme support, pour une de leurs oeuvres, la vidéo.
Enfin, il y a des vidéastes à part entière, dont le plus gros du travail consiste à réfléchir sur, créer avec et expérimenter à partir de ce médium. »
>> Et votre thématique ?
« Glorieuses futilités: d’une manière distanciée, parler de l’absurdité de produire aujourd’hui de l’art dans un pays où la fragilité politique est grande, où il existe une grande dérision du système.
Les artistes arméniens contemporains sont à la marge de cette société arménienne, de ce pays qui est lui aussi à la marge de l’Europe.
Ils ne sont pas du tout considérés par le pouvoir (le système de la censure est encore très présent dans l’Arménie d’aujourd’hui), et proposent donc une approche ironique et engagée. »
A.Z.