Grenoble contre le négationnisme

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Le destin du peuple arménien de France est à saluer. Notre pays souffre d’une montée des communautarismes, qui le divise au lieu de l’enrichir. La perte des repères a amené nombre de jeunes Français d’origine étrangère à renoncer à leur culture d’origine ou à s’enfermer au contraire dans de véritables ghettos mentaux. Face à ce malaise, les Arméniens de France nous administrent une leçon d’optimisme. Fiers d’être Arméniens, fiers d’être Français, ils nous montrent qu’on n’est pleinement membres d’une société qu’en ayant conservé sa culture et, souvent, sa langue.

Pourtant cette intégration réussie ne doit pas nous faire perdre de vue la tragédie qui en est l’origine. Il faut rappeler ce que furent les souffrances inouïes du peuple arménien en 1915-1916 à tous ceux qui, pour masquer le premier génocide du XXe siècle, recourent au premier négationnisme, et à tous ceux qui croient qu’il ne s’agit là que d’histoire ancienne. Fin 1916, près des deux tiers des Arméniens de l’Empire ottoman sont morts. Les survivants ne doivent qu’à l’exil d’avoir la vie sauve.

Le négationnisme est une offense faite aux morts et une insulte adressée aux survivants et à leurs descendants, car il n’y a pas de travail de deuil possible sans manifestation de la vérité. C’est pourquoi la ville de Grenoble a soutenu la journée contre le négationnisme organisée par les associations arméniennes de notre région.

C’est aussi pourquoi je suis particulièrement fier que l’Assemblée nationale ait adopté dans la précédente législature un texte de loi reconnaissant le génocide arménien de 1915. Les socialistes ont été fidèles à leur promesse. Les pressions n’avaient pas manqué pour nous dissuader d’accomplir un geste pourtant seul conforme aux valeurs de la France. On nous avait menacés de tensions diplomatiques, de boycott économique, de perte d’influence de notre pays dans cette partie du monde. Parce nous avons suivi notre conscience en même temps que l’avis d’une très grande majorité de nos concitoyens, nous avons voté cette reconnaissance que j’appelais pour ma part depuis longtemps de mes vœux. La reconnaissance du génocide arménien ne constitue d’ailleurs pas une criminalisation collective du peuple turc mais une incitation pour lui à regarder son histoire en face, car sans cet examen de conscience il ne pourra jamais pleinement adhérer aux valeurs démocratiques de l’Europe.

Le combat pour la mémoire n’est en effet pas un point d’histoire – encore moins, pour reprendre un mot obscène, « un point de détail ». Le combat pour la mémoire est le combat pour l’idée que nous nous faisons de l’Humanité. L’extermination d’un peuple frappe notre espèce tout entière, c’est tout simplement cela que veut dire l’expression « crime contre l’humanité ». On connaît le mot terrible d’Adolphe Hitler à ses généraux à la veille d’envahir la Pologne : « Qui parle encore de l’extermination des Arméniens ? ».

Le combat pour la mémoire est toujours à entretenir. C’est pourquoi l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi du 18 janvier 2001 ne doit pas demeurer sans suite. Il appartient au gouvernement de M. Raffarin de lui donner enfin force de loi en le soumettant au Sénat. Toute autre attitude ne serait que palinodie, frilosité, renoncement honteux aux valeurs de la France, la patrie des Droits de l’Homme. Un gouvernement se juge à ses actes. Le manque de courage du Premier Ministre dans ce domaine comme dans bien d’autres est attristant pour tous ceux qui, comme moi, se font une plus haute idée de notre pays.

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Author: raffi

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