Vieux routier de la vie politique arménienne, le député de l’opposition Viktor Dallakian, qui exerça le poste de secrétaire du bloc d’opposition « Artaroutioun » (Justice), a mis les pieds dans le plat le 10 novembre dernier en s’interrogeant sur les motivations de la hausse annoncée des salaires dans la fonction publique arménienne en 2007. Pour lui, il ne fait pas de doute que la mesure claironnée par le gouvernement visant à augmenter les salaires des officiels de près de 40 % à partir du 1er juillet 2007 ne répond pas à des préoccupations sociales et est strictement motivée par des arrière-pensées politiques, les autorités cherchant ainsi à « acheter » la loyauté des fonctionnaires dans la perspective des élections de l’année prochaine. Mieux encore, il met en cause le clientélisme des « autorités corrompues », qui voudraient du même coup s’assurer la collaboration des travailleurs de la fonction publique durant la période cruciale des élections, placées sous haute surveillance de la communauté internationale qui a mis en garde le pouvoir arménien contre le moindre faux pas, après une série d’élections entachées de fraudes et d’irrégularités. M. Dallakian a évalué à environ 1 ,8 million de dollars l’excédent de dépenses que devrait occasionner ces hausses de salaires pour le seul deuxième semestre de l’année 2007. S’exprimant lors d’un point de presse, le législateur a ironisé sur l’emphase avec laquelle le premier ministre Andranik Markarian avait présenté le budget de son gouvernement pour l’année 2007, qu’il avait qualifié de « magnifique », une épithète que M. Dallakian juge plutôt inappropriée pour décrire un document à vocation financière et économique. Il avait aussi mis en regard les budgets et taux de croissance économique de ces dernières années en Arménie et en Azerbaïdjan, estimant que la situation était comparable à bien des égards dans les deux pays. M. Dallakian n’a pas non plus épargné les autorités arméniennes pour les récents accords passés avec la Russie, y compris le transfert aux Russes du tronçon arménien du gazoduc arméno-iranien en chantier, de la cinquième tranche de centrale thermique de Hrazdan, ainsi que la possible prise de contrôle par la Russie du réseau ferroviaire arménien. Il a estimé que la multiplication de ces contrats faisait de l’Arménie un pays « vassal » de la Russie. M. Dallakian est resté en revanche plus discret sur ses liens présumés avec l’homme d’affaires Gagik Tsaroukian, et s’est abstenu de commenter les spéculations concernant l’éventualité d’un rapprochement ave son ambitieuse formation politique, « Arménie prospère ». Les spéculations sur les intentions politiques de Dallakian étaient allées bon train depuis sa brusque défection de l’alliance de l’opposition, cet été. Il a promis aux journalistes de les « informer sur sa décision » quand il jugera le moment venu. Il a toutefois fait savoir que son départ de l’Alliance Artaroutioun n’avait en rien modifié ses convictions et qu’il restait fermement ancré dans l’opposition, estimant que les élections de 2003 comme le référendum constitutionnel de novembre dernier avaient été manipulées par le pouvoir. D’ailleurs, pour couper court à certaines rumeurs, il a souligné qu’il ne considérait pas le parti « Arménie prospère » comme une formation progouvernementale et qu’il ne pouvait être tenu pour tel, n’ayant jusqu’à présent pas pris par au processus électoral et aux fraudes qui l’ont entaché et n’étant pas représenté dans les structures du pouvoir. « Aussi, n’est-ce pas une force pro-gouvernementale mais une force nouvelle », a expliqué M. Dallakian, comme pour préparer son alliance avec cette formation.
