Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Ali Ertem, démocrate turc vivant en Allemagne, Président de l’Association des Opposants au Génocide (Francfort), nous envoie ce texte enflammé, en hommage à Hrant Dink et Fuat Deniz. Ali Ertem est, et il faut le souligner, l’un des rares Turcs à militer activement pour la reconnaissance du génocide arménien. Sans langue de bois et sans faux-semblant. Au vu du sort que les nationalistes turcs réservent à ceux qui osent braver le tabou du génocide en Turquie et ailleurs, l’on ne peut que saluer son courage.
Les voies des Hrant sont toujours illuminées, les 19 Janvier sont encore obscurs …
Une année entière a passé depuis qu’ils nous ont arraché Hrant!
Le massacre de Hrant n’était pas un assassinat politique banal. C’était la suite du crime du génocide centenaire sur lequel ils se sont efforcés de construire des modes de vie écoeurants, tyranniques et haineux.
Ce crime commis aux yeux du monde entier, en plein jour, sous les lumières brillantes des projecteurs, ce crime dont les coupables sont évidents, dont les incitateurs sont évidents, dont les protecteurs sont évidents, ce crime commis suite à une idéologie et une politique centenaires, se trouve devant la “justice” depuis longtemps.
Comme il est de coutume en Turquie, ce procès avance aussi à toute vitesse en masquant les preuves et en clôturant les dossiers les uns après les autres. Le procès ne sert pas à trouver les responsables mais il sert à légitimer l’assassinat de Hrant Dink.
Ce fonctionnement fait partie des « normes » de la Turquie. Entre 1990 et 2000, les milliers de crimes en série commis contre les intellectuels et patriotes kurdes, contre les démocrates et les intellectuels gauchistes de Turquie, sont tous restés dans l’ombre! On ne sait même pas comment la plupart de ces gens-là ont été assassinés, ou il sont enterrés.
Pendant l’occupation de Chypre en 1974, des milliers de Grecs ont faits prisonniers par l’Armée mais on n’a jamais connu leur sort, il n’y a même pas eu de procès en Turquie pour ces crimes ! Des années après, le Tribunal européen des Droits de l’Homme a décidé que le responsable de ces disparitions était la Turquie !
Même les assassinats commis sur la place publique, sont camouflés dans ce pays. Tout comme les crimes de Marach et Çorum. Certains assassins sont gratifiés et d’autres se promènent librement dans ce pays. A Sivas, 33 poètes, intellectuels et artistes alévis ont été brûlés vifs à l’Hôtel Madimak devant les 2 responsables de l’hôtel, les soldats et les policiers présents, avec l’encouragement de milliers de personnes qui applaudissaient et criaient. Y a-t-il quelqu’un qui sache aujourd’hui qui sont ceux qui ont été punis, ceux qui ont été blanchis, qui étaient les vrais incitateurs? Et où sont ils? Y a-t-il quelqu’un qui ignore que le procureur a été démis de son poste lorsqu’il a voulu poursuivre les membres de l’organisme criminel découvert à Şemdinli?
Les coupables du crime commis contre le prêtre de Trabzon, les assassins du missionnaire et de l’éditeur massacrés à Malatya seront aussi jugés comme les autres. Ils feront semblant de les juger lors de procès semblables au procès de Hrant Dink. Ces procès sont faits pour protéger les vrais coupables et donner le feu vert aux assassinats suivants. Il sera justifié de répondre à ceux qui ne voient pas cette vérité et qui prétendent que les efforts sont fournis pour que la justice soit rendue : “ils n’ont rien compris au système politique et au mécanisme de la justice en Turquie”.
Le déroulement des procès sert à rendre visible la cible politique de l’assassinat, pour que l’existence et la profondeur de la menace soient mieux perçues. Le procès de Hrant Dink se déroulera et finira par être un prototype dans le but de camoufler le crime de génocide, de transformer la victime en coupable et de transformer les assassins en héros.
Comme avait dit la chère Rakel Dink : “Sans s’interroger sur le système qui fabrique des assassins à partir de bébés innocents”, on ne peut pas imaginer une société saine. Une mentalité qui ne reconnaît pas le droit de vie aux autres nations, aux autres cultures et aux autres fois, une mentalité qui les oppresse, qui les discrimine et qui tente de les éliminer à chaque occasion, cette mentalité se renouvelle systématiquement. Elle se renouvelle par son système éducatif, par ses média, par son système politique et elle refuse d’affronter son histoire et d’affronter les crimes de génocides de son passé. Elle refuse de respecter le doit d’exister et le droit de vivre des autres peuples avec lesquelles elle vit.
Même s’il se trouve face aux exigences de notre siècle et se sent obligé de s’accrocher aux notions comme la démocratie, la justice et les Droits de l’homme, un système qui protège cette mentalité, ne peut en aucun cas être sincère et ne peut pas être capable de mettre en oeuvre un vrai changement.
Malgré tout cela, nous n’avons pas le droit de perdre espoir. Même s’il était trop tard, les cris de souffrance des peuples éliminés par des génocides, la recherche de la justice de leurs enfants survivants, commencent à trouver un écho venant des consciences des hommes démocratiques. Comme si les âmes des victimes innocentes s’étaient transformées en une révolte à Istanbul à travers des bouches, des centaines de milliers de personnes criant : “Nous sommes tous Arméniens!”. Alors nous avons le droit de garder espoir.
Hrant était un intellectuel arménien qui se battait pour raconter sa vérité, malgré les menaces, sans se fatiguer, sans s’en lasser et au prix de sa vie. Même si ses efforts l’ont transformé en cible, s’il a su éveiller auprès de milliers d’intellectuels la volonté d’interroger leur propre conscience, leur propre histoire et leur “innocence”, on peut garder espoir…
Il y a à peine un mois, un précieux scientifique assyrien, Fuat Deniz a été brutalement assassiné. Lui aussi était l’un de nos intellectuels qui se battait pour faire connaître à l’opinion publique les injustices historiques et le génocide subi par son peuple. Dans la précipitation d’un coupable les tueurs à gages du système cherchent de nouvelles cibles, de nouvelles victimes. En faisant cela ils visent à tuer en même temps l’espoir d’une vie pacifique dans le respect des libertés et des droits des uns et des autres.
Les attaques visant les Hrant et les Fuat, nous rappellent que nous avons besoin de plus de courage et de plus de confiance pour aller vers les problèmes politiques et sociaux plus importants, cachés en profondeur.
Francfort, le 17 Janvier 2008
Association des Opposants au Génocide (Francfort)
Soykırım Karşıtları Derneği (SKD); Kontakt : Ali Ertem Tel.: 0049/69/5970813; E-Mail: skd@gmx.net
ILS DEBORDAIENT D’AMOUR POUR L’HOMME; ILS N’ONT PAS CONNU D’AUTRE ARME QUE LEUR CRAYON; JUSQU’A LEUR DERNIER SOUFFLE, ILS SE SONT BATTUS POUR LE DROIT ET LA JUSTICE, POUR SAUVER NOTRE HONNEUR HUMAIN BAFFOUE, POUR QUE L’AMITIE ET LA PAIX DOMINENT ENTRE NOS PEUPLES !
ILS ONT LAISSE DERRIER EUX UNE VIE CONSACREE A L’HUMANITE !