Human Rights Watch publie un rapport choc

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L’ONG Human Rights Watch a publié le 12 mars 2021 un rapport établi par Tanya Lokshina portant le titre : « Des survivants de la détention illégale dans le Haut-Karabakh s’expriment sur les crimes de guerre
De nouvelles preuves de torture et de traitement inhumain de civils par les forces azerbaïdjanaises apparaissent. »
En voici la traduction in extenso.

Au cours de la guerre de six semaines qui a opposé l’Arménie et l’Azerbaïdjan l’automne dernier au sujet de l’enclave à majorité ethnique arménienne du Haut-Karabakh, les forces azerbaïdjanaises ont pris le contrôle de certaines zones de la région et de ses environs et ont rassemblé des civils locaux. La plupart des jeunes civils avaient fui les hostilités. Ceux qui restaient, à quelques exceptions près, étaient des personnes âgées qui ne voulaient pas abandonner leurs maisons.

Human Rights Watch (HRW) a documenté plusieurs cas dans lesquels les forces azerbaïdjanaises ont fait usage de violence pour détenir des civils et les ont soumis à la torture et à des conditions de détention inhumaines et dégradantes. Deux détenus sont morts en captivité en Azerbaïdjan ; l’un d’eux, d’après les éléments de preuve, a très probablement été victime d’une exécution extrajudiciaire. Les forces azerbaïdjanaises ont détenu ces civils alors que rien ne prouvait qu’ils représentaient une quelconque menace pour la sécurité – ils n’avaient pas d’armes et ne participaient pas aux hostilités.

Voici l’histoire des deux détenus qui ont été tués, ainsi que les récits de leurs proches parents qui ont été placés en détention avec eux et ont également été soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants. Pour documenter ces crimes, nous avons interrogé deux personnes détenues en captivité et des membres de leur famille, examiné les preuves photographiques et vidéo fournies à la fois par les familles et par le bureau de représentation de l’Arménie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), examiné des documents médicaux et parlé avec les avocats représentant les familles.

Allégations concernant la poursuite de la captivité

Les combats ont commencé le 27 septembre et se sont terminés le 10 novembre 2020, avec un accord de paix négocié par la Russie. Cet accord prévoyait, entre autres, « un échange de prisonniers de guerre et d’autres personnes détenues, ainsi que des corps des morts ».

Fin février, le bureau de représentation de l’Arménie auprès de la CEDH avait demandé à la Cour d’intervenir auprès des autorités azerbaïdjanaises concernant 240 prisonniers de guerre (PG) et détenus civils présumés. Dans environ 90 % de ces cas, le bureau a indiqué qu’il disposait de preuves photographiques et/ou vidéo confirmant que ces personnes étaient détenues par les Azerbaïdjanais ; dans le reste des cas, il s’est appuyé sur des témoignages. HRW n’est pas en mesure de déterminer le nombre exact de civils détenus par les forces azerbaïdjanaises. Deux éminents avocats des droits de l’homme travaillant sur la question ont estimé que plus de 10 % des personnes détenues par les forces azerbaïdjanaises étaient des civils.

Plus de trois mois après la trêve, l’Azerbaïdjan a renvoyé un total de 69 prisonniers de guerre (POW) et civils arméniens. Un représentant du ministère arménien des Affaires étrangères a déclaré à HRW que, selon eux, plus d’une douzaine de civils sont toujours détenus par les Azerbaïdjanais. Leurs familles sont de plus en plus désemparées, surtout au vu de l’abondance de vidéos explicites de mauvais traitements infligés aux prisonniers qui circulent sur les médias sociaux, et des récits horribles de certains de ceux qui ont été rapatriés.

Le droit international et le traitement des civils pendant les conflits armés

En vertu de la Quatrième Convention de Genève, qui établit les protections des civils dans un conflit armé international tel que celui qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les civils sont des « personnes protégées ». La convention exige que toute personne « ne prenant pas une part active aux hostilités, […] sera en toutes circonstances traitée avec humanité, sans aucune distinction défavorable fondée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère similaire ». Pendant les hostilités, elle autorise l’internement ou la résidence assignée de personnes protégées telles que les civils lorsque cela est absolument nécessaire pour la sécurité de la puissance détentrice ou, comme l’a dit le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, lorsqu’il y a des « raisons sérieuses et légitimes » de penser que les personnes internées peuvent porter gravement atteinte à la sécurité de la puissance détentrice. Or, l’internement illégal d’une personne protégée constitue une infraction grave aux Conventions de Genève ; en d’autres termes, il est assimilé à un crime de guerre.

En outre, en tant qu’État signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention européenne des droits de l’homme, l’Azerbaïdjan est lié par les interdictions de la détention arbitraire ainsi que de la torture et des autres traitements dégradants ou inhumains.

L’homicide volontaire et les mauvais traitements infligés aux personnes protégées que nous documentons ci-dessous constituent des crimes de guerre au regard du droit international humanitaire. Les autorités azerbaïdjanaises doivent, sans plus attendre, enquêter sur les allégations crédibles concernant la détention illégale de ces civils, leur traitement inhumain et dégradant, et l’éventuelle exécution extrajudiciaire d’un détenu, afin que tous les auteurs répondent de leurs actes. Ils devraient également libérer et rapatrier sans délai tous les civils qu’ils détiennent encore.

Arega et Eduard

Arega Shahkeldyan, 72 ans, est blottie dans un grand fauteuil près de la fenêtre d’un petit appartement loué à Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh, qui se remet lentement de la guerre. Sa famille, comme beaucoup d’autres, a fui vers la ville lorsque les forces azerbaïdjanaises avançaient et finissaient par reprendre le contrôle d’une grande partie du Haut-Karabakh et des régions environnantes.

La famille est démunie, ayant perdu sa maison et ses biens. Leur avenir est incertain. Mais ce n’est pas à cela qu’Arega pense. Elle pleure son mari de longue date, Eduard. Fin octobre, les forces azerbaïdjanaises les ont arrêtés tous les deux dans leur maison du village d’Avetaranots, dans le district d’Askeran du Haut-Karabakh, et les ont emmenés dans une prison de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. Arega est rentrée chez elle au bout de six semaines. Eduard, 79 ans, est mort en prison dans des circonstances peu claires.

Peu après le début des hostilités, le 27 septembre, la plupart des habitants ont quitté le village, mais Arega et Eduard sont restés sur place. Leurs enfants ont tenté à plusieurs reprises de les emmener à Stepanakert, mais Eduard a catégoriquement refusé, arguant que les forces azerbaïdjanaises n’étaient jamais entrées dans le village pendant la première guerre, il y a 30 ans, qu’elles ne pouvaient pas le faire maintenant et qu’il n’y avait aucune chance qu’il abandonne sa maison et ses biens.

Le matin du 28 octobre, leur fille Gohar les a appelés à 9 heures pour leur demander comment s’était passée la nuit et leur dire qu’elle et son mari viendraient les chercher plus tard dans la journée au village, qu’ils veuillent partir ou non – cela devenait trop dangereux. Eduard a dit que tout allait bien. Mais il n’avait aucune idée que les forces azerbaïdjanaises étaient déjà entrées dans le village. Quinze minutes plus tard, le mari de Gohar, Vladik, a rappelé pour leur demander de faire leurs bagages, mais un étranger a décroché le téléphone, parlant en azéri. « Qui êtes-vous ? » demanda Vladik dans la même langue. « Je suis azerbaïdjanais et voici l’Azerbaïdjan », a dit l’homme avant d’interrompre la conversation.

« Leurs soldats ont juste couru dans la maison avec ces gros fusils automatiques, pointant leurs armes sur nous, criant, menaçant », a dit Arega. « J’ai commencé à pleurer, les suppliant de ne pas nous faire de mal, mais ils ont tordu les bras de mon mari dans son dos et l’ont conduit hors de la maison. Puis ils se sont jetés sur moi, j’ai crié, j’ai essayé de résister, je leur disais que je n’irais nulle part, mais ils criaient et me poussaient, alors ils m’ont forcée à sortir. Je les ai suppliés de me laisser au moins prendre des vêtements chauds, mais ils ne l’ont pas fait ».

Les soldats azerbaïdjanais ont emmené Arega et Eduard dans une maison plus haut dans le village, dont le propriétaire avait fui, et les ont gardés là pour la nuit avec deux autres habitants locaux : Sedrak, un voisin presque aveugle de 70 ans, et Bagdassar, un autre voisin plus jeune d’une dizaine d’années. Le matin, les soldats ont emmené les quatre détenus dans une autre maison abandonnée du village et les ont placés dans un hangar. La nuit, Bagdassar a réussi à déloger une des pierres du mur de la remise et s’est échappé par le trou. Les trois autres n’ont pas eu la force de tenter l’aventure.

« Nous avons passé toute la nuit dans ce hangar, sans nourriture, sans eau. Il faisait froid et je frissonnais dans ma robe fine. Mon mari et Sedrak se sont endormis à un moment donné, mais je n’arrivais pas à dormir. J’avais trop peur. Je suis restée assise, grelottant et pleurant. »

Le lendemain, les soldats ont emmené les détenus sur un site d’exploitation forestière dans les montagnes voisines. « D’autres soldats étaient là et l’un d’eux a frappé Eduard à plusieurs reprises et lui a donné des coups de pieds , en criant qu’il avait sûrement participé à la guerre 30 ans plus tôt et que c’était sa punition pour avoir tué des Azerbaïdjanais à l’époque. » Un autre soldat, entendant Arega crier en regardant son mari être battu, a tenté de la rassurer : « N’aie pas peur, mamie, tout va bien se passer. Tu es vieille. Personne ne te tuera. Tiens bon – et au bout d’un moment, tu seras libérée. »

Les détenus ont été forcés de monter à l’arrière d’un camion, sur des rondins, et ont voyagé pendant des heures. Personne ne leur a dit où ils allaient. Ils avaient faim, soif, froid et peur. Tard dans la nuit, le camion est arrivé à Bakou. Leurs ravisseurs les ont enfermés dans une pièce de ce qui semblait être une maison privée, sans les laisser utiliser la salle de bains ni leur donner de nourriture ou d’eau.
Dans la matinée, des hommes en uniforme militaire leur ont bandé les yeux, les ont fait monter dans un véhicule et les ont emmenés vers ce que leur famille a appris plus tard par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à savoir SIZO-1, le centre de détention provisoire situé dans le quartier de Kurdakhany à Bakou. À leur arrivée dans la cour de la prison, les gardes ont détaché les bandeaux et ont permis aux détenus de boire de l’eau à un robinet. Ils ont brièvement vu un autre civil de leur village, Maxim Grigoryan, « un homme plus jeune » qui a ensuite disparu.

Sa famille n’a toujours aucune information quant à son sort et à l’endroit où il se trouve, soupire Gohar.

C’est pendant ces quelques minutes passées dans la cour qu’Arega a vu son mari vivant pour la dernière fois. Peu après leur arrivée, les gardes ont emmené Arega dans une cellule déjà occupée par une autre femme âgée, Azniv.

Début novembre, Gohar a appris par le CICR que ses parents étaient détenus à Bakou. Lorsque les hostilités ont pris fin, le 10 novembre, la famille a pensé qu’ils seraient bientôt renvoyés. Le 5 décembre, un homme a appelé Vladik, le mari de Gohar, depuis un numéro azerbaïdjanais et lui a dit, dans un russe aux accents azéris, qu’il allait lui passer Arega. Gohar saisit le téléphone : « Mamma, tu es déjà là ? Ils t’ont ramenée ? » Mais sa mère pleurait et marmonnait de façon incohérente.

« Mamma, passe le téléphone à papa, s’il te plaît ! » Arega s’est mise à sangloter de façon incontrôlable, puis la ligne a été coupée. Trois minutes plus tard, l’inconnu a rappelé du même numéro en disant : « Ta mère essayait de te dire que ton père était mort. Je suis désolé. »

Ce matin-là, avant l’appel téléphonique, les gardes avaient ouvert la porte de la cellule d’Arega et lui avaient dit qu’Eduard était mort dans son sommeil et qu’ils étaient là pour la conduire dans sa cellule, afin qu’elle puisse voir le corps. Elle était en état de choc et ne se souvient guère de ces moments terribles, si ce n’est que le visage de son mari était noir et bleu. Sedrak et un autre codétenu lui ont également dit qu’Eduard s’était endormi et ne s’était pas réveillé.

La famille d’Eduard a souligné qu’il souffrait d’asthme depuis de nombreuses années et devait prendre des médicaments trois fois par jour. En détention, il n’avait plus accès à ses médicaments. « Mamma a eu un accident vasculaire cérébral il y a des années et souffre d’hypertension artérielle, elle devait donc prendre des médicaments sur ordonnance tous les jours », explique Gohar. « Mais en prison, on ne lui en donnait pas, et aucun médecin ne l’examinait, malgré ses demandes. Cela a dû être la même chose pour Papa, sans compter que le stress de la captivité a aussi fait des ravages. »

Le 9 décembre, les autorités azerbaïdjanaises ont renvoyé Arega et plusieurs autres détenus en Arménie. Le corps d’Eduard devait également être rapatrié par le même vol. Cependant, le lendemain, lorsque la famille a vu le corps qui avait pris le vol, elle a réalisé qu’il s’agissait d’un autre homme, plus jeune, avec une cicatrice sur le visage. Dans un premier temps, les autorités azerbaïdjanaises ont nié avoir envoyé le mauvais corps. Finalement, le 28 décembre, elles ont expédié le corps d’Eduard à Erevan, la capitale de l’Arménie, et la famille l’a enterré. Sur son certificat de décès, délivré par les autorités arméniennes à la suite d’une autopsie, la cause de la mort est indiquée comme étant un traumatisme crânien, un gonflement du cerveau et un trouble aigu des fonctions vitales du cerveau.

Serrant ses mains, Tante Arega regarde fixement sous son foulard de deuil noir. « Au moins, ils ont finalement restitué son corps », dit-elle. « Et j’ai maintenant une tombe à visiter. »

Sasha et Arsen

Le 7 octobre, les femmes et les enfants de la famille Gharakhanyan ont fui Hadrut, une ville du Haut-Karabagh. L’armée azerbaïdjanaise avançait, et il ne semblait plus sûr de rester. Mais Sasha Gharakhanyan, 71 ans, ne voulait pas quitter sa maison. Le fils de Sasha, Arsen, 44 ans, qui vivait à Moscou depuis plusieurs années mais qui est venu rendre visite à ses parents peu avant le début des hostilités, ne pouvait supporter de laisser son père tout seul. Il est donc resté lui aussi.

Le 10 octobre, Arsen se trouvait dans le centre de Hadrut lorsqu’il a vu les premiers soldats azerbaïdjanais dans la ville. Il s’est précipité chez lui pour aller chercher son père, espérant qu’il était encore temps pour eux deux de s’enfuir. Mais lorsqu’il est entré dans la maison, celle-ci était déjà pleine de soldats azerbaïdjanais, au moins 15 d’entre eux. Son père a regardé, impuissant, les soldats se jeter sur Arsen, lui attacher les mains dans le dos et l’emmener.

Marine, la sœur d’Arsen, avait parlé à son père et à son frère pour la dernière fois le 9 octobre. Lorsque leurs téléphones ont cessé de fonctionner un jour plus tard, elle et le reste de la famille ont craint le pire. Le 9 novembre, ils ont eu un premier aperçu d’espoir : une vidéo a commencé à circuler sur les médias sociaux montrant des soldats azerbaïdjanais forçant Sasha à embrasser le drapeau azéri et à répéter « Karabakh – Azerbaïdjan ». Au moins, il était en vie. Dix jours plus tard, le CICR a informé la famille que ses représentants avaient pu localiser et visiter Sasha dans une prison de Bakou, où il était détenu dans une cellule avec cinq autres civils.
Le 14 décembre, l’Azerbaïdjan a renvoyé Sasha en Arménie au sein d’un groupe de 44 prisonniers de guerre et civils. Il a passé les dix jours suivants à l’hôpital. Les poignets et les chevilles de Sasha portaient de profondes cicatrices pour avoir été fortement ligotés avec du fil de fer. Il avait également des cicatrices à l’arrière de la tête, là où un soldat l’avait frappé plusieurs fois avec la crosse d’un fusil, et des cicatrices dans le dos, là où il avait été piqué avec une tige métallique. Les radiographies ont montré qu’une de ses côtes à gauche avait été fracturée et qu’il avait le nez cassé. Sasha est faible et désorienté et ne cesse de réclamer son fils. Mais il n’y a aucune nouvelle d’Arsen.

Une fois que Sasha est sorti de l’hôpital, sa famille l’a emmené à Stepanakert, où ils partagent encore tous les six un minuscule appartement de deux pièces avec un grand lit et un canapé, un logement provisoire fourni par les autorités locales. Le 6 janvier, après presque trois mois d’absence d’informations sur le sort d’Arsen, la famille a vu une vidéo circuler sur les médias sociaux. On y voyait des soldats azerbaïdjanais forcer Arsen à dire « le Karabakh appartient à l’Azerbaïdjan » et à insulter Nicol Pashinyan, le Premier ministre arménien. Arsen avait l’air épuisé, mais il ne semblait pas être blessé ou visiblement atteint.

« Le jour où cette vidéo est apparue soudainement était en fait mon anniversaire », dit Aïda, la mère d’Arsen, les yeux baignés de larmes. « C’était un cadeau tellement incroyable d’apprendre que mon fils était en vie. Nous avons commencé à attendre qu’il revienne, comme son père. Nous lui avons même acheté de nouveaux vêtements. » Le 8 janvier, une autre vidéo est apparue sur les médias sociaux, avec des soldats azerbaïdjanais se moquant d’Arsen et lui ordonnant de « dire bonjour à Choucha » (« Chouchi » en arménien, une ville prise par les forces azerbaïdjanaises lors d’une victoire décisive début novembre). La deuxième vidéo n’a fait que renforcer les espoirs de la famille.

Le 13 janvier, en réponse à une demande du gouvernement arménien, la CEDH a demandé à l’Azerbaïdjan de fournir des informations sur le sort d’Arsen et le lieu où il se trouvait. Cinq jours plus tard, au cours de la recherche de cadavres dans la région de Hadrut, avec la médiation des casques bleus russes et du CICR, le corps d’Arsen a été retrouvé près du village d’Aygestan. D’après les photos qui nous ont été montrées, la tombe semblait fraîche, et le corps ne présentait aucun signe évident de décomposition. Il y avait des marques évidentes de coups de feu ayant atteint le front et le menton. La conclusion des médecins légistes arméniens est qu’Arsen a été tué par balle le 15 janvier, deux jours après que la Cour européenne a évoqué son cas avec le gouvernement azerbaïdjanais.

Sasha est trop faible pour rester assis pendant notre conversation. Il se penche en arrière sur le lit méticuleusement fait, détaillant ce qui s’est passé le 10 octobre ; comment les soldats l’ont emmené au centre de Hadrut, l’ont poussé, lui ont donné des coups de pied, l’ont piqué avec quelque chose de pointu, l’ont attaché et l’ont jeté à l’arrière d’un camion, « comme une bûche ». Il décrit comment ils lui ont jeté des pierres sur les jambes, comment le fil de fer qui lui liait les jambes lui a entaillé la peau, et comment ses ravisseurs l’ont tiré par ses jambes liées et les ont attachées à un support à l’arrière du camion.

La cicatrice sur l’une de ses chevilles est épouvantable, comme si le fil avait traversé jusqu’à l’os. Sa main droite est encore enflée et il a du mal à la bouger. Il parle d’un ton monocorde, à contrecœur, sans lever les yeux. Sa femme, assise à côté de lui, sur le bord du lit, ne peut s’empêcher de pleurer : « Pourquoi ont-ils tué notre fils ? Il ne combattait pendant la guerre. Il n’était pas armé. Il est juste resté pour veiller sur son père. Alors, c’est la guerre, alors ils l’ont rassemblé – mais la guerre s’est terminée, et ils ne l’ont toujours pas laissé partir. Ils ont abusé de lui, ils l’ont filmé, ils ont posté ces vidéos… et puis ils l’ont tué. Pourquoi ? »

Benjamin Daniel
Author: Benjamin Daniel

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