J7 mardi 15 juin. Le suivi quotidien de la campagne par Séda Mavian, correspondante de NAM à Erevan

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Manifestement, les relations arméno-russes sont au cœur du débat électoral. De ce point de vue, la campagne est révélatrice non seulement du positionnement actuel des uns et des autres par rapport à la Russie, mais aussi de leur positionnement antérieur, permettant de conforter notre regard sur un passé de trente ans, et parfois d’y déposer un regard nouveau.
Parmi les formations partisanes du maintien ou du renforcement de la relation arméno-russe, éventuellement matérialisé par la signature d’un nouveau traité d’alliance avec la Russie, figurent les trois listes dont les dirigeants furent aux commandes du pays durant trente ans, à savoir l’alliance Pativ Ounèm (J’ai l’Honneur) conduite par Artour Vanètsian (alliance où domine le parti Républicain de Serge Sargsian et en réalité dirigée par ce dernier); l’alliance Hayrènik (Patrie) conduite par RK; et le parti arménien national Congress de Lèvon Ter Pètrossian.
S’y rajoutent : Arménie Prospère (Bargavatj Hayastan) de Gaguik Tzaroukian, Liberté (Azatoutioun) de Hrant Bagratian, le parti démocrate-chrétien Réveil (Zartonk) d’Ara Zohrabian, l’alliance Notre Maison est l’Arménie (Mèr Toune Hayastan’n é) de Tigrane Oulikhanian, le mouvement national conservateur 5165 de Karine Tonoyan, le parti Démocrate d’Arménie d’Aram Sargsian.
Il arrive souvent que le pro-russisme soit subtil, voire sournois, masqué par de solennelles professions de foi résolument souverainistes et par la rhétorique de la nécessité d’avoir des relations diplomatiques diversifiées, non seulement avec la Russie, mais aussi l’Iran, les Etats-Unis, l’UE, la Chine et l’Inde. C’est le cas, par exemple, de Notre Maison est l’Arménie (Mèr Toune Hayastan’n é) de Tigrane Oulikhanian (député anciennement d’Arménie Prospère). Dans sa brochure, on peut lire la phrase suivante : « Nous initierons avec notre allié militaire, la Russie fraternelle, des négociations sur un format nouveau autour de la question du Siounik, de l’Artsakh et de la sécurité de l’Arménie ». Pour qui sait décrypter, il ne fait aucun doute que Notre Maison prône lui aussi la signature d’un nouveau traité sans rien dire concrètement des révisions qu’il faudrait y introduire par rapport au traité existant. La mention, en gros et en gras, du soutien d’Ara Abrahamian (président de l’Association des Arméniens de Russie) dans la réalisation de ses desseins achève de convaincre le plus naïf, de son positionnement réel par rapport à la Russie.
Nous rangeons également Arménie Lumineuse (Loussavor Hayastan) dans la catégorie des pro-russes, bien que son cas soit particulier. Car sur ce sujet comme sur les autres, Arménie Lumineuse veut faire figure de centriste raisonnable. En effet, s’il est lui aussi favorable à la signature d’un nouveau traité arméno-russe, c’est-, dit-il, « pour clarifier nos relations réciproques ». Question : qu’y a-t-il donc à clarifier ? « Si le traité d’alliance n’a pas fonctionné, c’est parce qu’il y a des points flous. En effet, là où les choses sont claires, il n’y a pas eu de problème. C’est là où elles ne l’étaient pas qu’il y en a eu ». Question : Donnez-nous un exemple. « Voyez la frontière arméno-turque : là il n’y a pas de problème parce que tout est parfaitement clair, et qu’il y a une base russe à Gumri qui remplit ses obligations ». Admettons. Le problème, c’est qu’il y aurait en réalité beaucoup de choses à dire sur la clarté des relations arméno-russes sur le front turc, dont on a vu à l’occasion de plusieurs faits divers mettant en cause des soldats russes de la garnison russe, qu’elles ne sont pas si claires que cela, ce qui a au final plusieurs fois placé l’Arménie dans une position douloureuse et humiliante. Quant au flou censé exister dans les relations arméno-russes telles que rédigées dans le traité d’alliance militaire arméno-russe existant, on regrettera que le journaliste n’ait pas demandé à Maroukian de lui en donner un exemple précis. De quel flou s’agit-il ? L’observateur attend en vain du juriste qu’est Maroukian le décryptage précis du traité en question et le relevé méthodique des points, qui, selon lui, seraient à éclaircir et qui justifieraient la signature d’un nouveau traité. L’impression est que son enrobage explicatif dissimule un pro-russisme semblable à celui professé par les autres. N’oublions pas qu’Arménie Lumineuse est le seul parti à avoir défendu, au lendemain de la défaite, l’installation d’une deuxième base russe à Goris, sur le modèle de la base russe de Gumri, une proposition qu’il a beaucoup agitée durant l’hiver, mais qui, restée sans écho aussi bien au niveau des autorités que des autres acteurs politiques et surtout de la population arménienne en général et de celle du Siounik en particulier, a fini par tomber dans les oubliettes.
La suite des justifications de Maroukian est proche de ce que l’on entend d’habitude dans le camp des pro-russes : « Il est irréaliste de penser que les Occidentaux viendront à notre secours en cas de besoin », « Ce sont les Russes qui sont postés à nos frontières tant côté turc que côté iranien et à présent du côté de l’Artsakh. Veut-on les ôter ? », et se termine par l’assénement de l’argument géopolitique classique : « Regardons la carte ! « . Maroukian a beau vouloir tempérer en expliquant que « Nous sommes également contre ceux qui remettent en cause l’indépendance de l’Arménie, car nous sommes un pays souverain, avec son hymne, son emblème. Le problème n’est pas là. Il est dans ce qu’on a un ami (la Russie), que certains veulent le lâcher, sans compter qu’y résident 3 millions de compatriotes, qui assurent d’ailleurs un transfert d’argent important en Arménie ». Pour achever de convaincre, Maroukian insiste sur sa culture occidentale : « Je vous dis ça alors que j’ai été formé aux Etats-Unis et que je partage les valeurs occidentales » (cf. interview de Maroukian par Pètros Ghazarian, hier soir sur H1).
Maroukian réussit-il vraiment à convaincre ?
Ses propos qui se veulent mesurés concernant la relation arméno-russe mais rejoignent, au fond, ceux des pro-russes invétérés, renforcent dans leur conviction ceux qui voient et on toujours vu dans Arménie Lumineuse, le « projekt » de SS, l’incarnation d’une « fausse » opposition du temps des « anciens », la présence douteuse sur le terrain politique d’une force dont on ignore au fond le ressort profond, confirmés dans leur conviction par le fait qu’Arménie Lumineuse renvoie aujourd’hui dos à dos « les anciens » et les « nouveaux » sans vouloir établir de différence entre eux, et que, tout en refusant d’appliquer à ces derniers l’étiquette de « traîtres », il ne les en accuse pas moins d’être les principaux responsables de la défaite. Difficile de dire si une telle appréhension est juste. Comme en matière judiciaire, disons qu’il y a ici un faisceau de présomptions, mais pas de preuve.

A contrario, plusieurs formations plaident pour un renversement d’alliance, avec l’Occident (Etats-Unis, Europe) : le parti République (Hanrapètoutioun) d’Aram Sargsian (à ne pas confondre avec le parti Républicain ou Hanrapètakan), le parti Européen d’Arménie (Yèvropakan) de Tigrane Khzmalian, le Pôle National Démocratique de Vahé Gasparian (ex-parti des Sasna Tzrèr de Jiraïr Séfilian), Patrie libre (Azat Hayrènik) d’Andréas Ghoukassian, l’alliance des Démocrates Chirinian-Babadjanian d’Arman Babadjanian, et Arménie Souveraine (Inknichkhan Hayastan) de Davit Sanassarian.

Enfin, certaines formations ont une position d’entre-deux, au premier rang desquelles le Pacte Civil de NP, considéré comme originellement pro-occidental mais qui, arrivé au pouvoir, a constamment dû faire preuve d’allégeance à la Russie, suite au harcèlement des « anciens » lui reprochant de mettre à bas l’amitié arméno-russe, et qui, pendant la guerre et après la guerre, se retrouve de facto plus que jamais dans la nécessité de souligner cette amitié et de s’en féliciter. Au point que certains pensent qu’aujourd’hui, contraint par les circonstances, le Pacte Civil de NP ne diffère plus en rien des partis pro-russes, avec tout ce que cela implique en termes de soumission, voire de servitude.
D’autres formations ont également une position d’entre-deux mais pour d’autres raisons, qui peuvent être de réelle absence de choix d’une alliance au profit d’une autre ou de maquillage d’une orientation pro-russe qui ne veut pas s’avouer comme telle. C’est le cas, par exemple, d’Arménie Juste (Ardar Hayastan) du juriste Norayr Norikian. Voici ce qu’il répond à la question : Avec quel pays voyez-vous qu’il faille faire alliance ? : « L’Arménie doit pouvoir mener une politique extérieure équilibrée. Nous devons bénéficier de toutes les organisations dont nous sommes adhérents. J’accorde personnellement une grande importance à l’accord avec le SEPA*. Nous devons régler nos relations avec la Russie, comprendre à quelles conditions fonctionne l’Organisation du Pacte de sécurité collective (OPSC), dans la mesure où celle-ci me donne l’impression de considérer que tant que les armées du Mozambique ou des Etats-Unis ne pénètrent pas en Arménie, l’Arménie n’est pas censée être agressée ». La formulation ambigüe, pour ne pas dire ampoulée, permet difficilement de savoir ce que prévoit ce parti en politique extérieure.
* SEPA (Single Euro Payments Area) : espace unique de paiement en euros, mis en place par les banques membres du Conseil européen des paiements en réponse à la demande de la Commission européenne. La Zone SEPA est constituée de 36 membres dont les 27 pays de l’Union européenne.

On rangera provisoirement dans la catégorie des entre-deux le parti Libéral de Samvèl Babayan (bien qu’il relève logiquement de la première catégorie, pro-russe), le parti Etat Pan-Arménien National (Hamahaykakan Azgayin Pétakanoutioun), la Patrie des Arméniens (Hayots Hayrénik) d’Artak Galestian, L’Ordre du Jour National (Azgayin Orakarg) d’Avètik Tchalabian, Patrie Unie (Miasnakan Hayrènik), le parti social-démocrate Décision du Citoyen (Kaghakatsou Vorochoum) de Sourèn Sahakian et Essor (Vèrèlk), dont je n’ai pas eu le temps d’étudier le positionnement sur le sujet.
Je termine en indiquant que la thématique a fait l’objet d’un scandale retentissant provoqué par Artour Vanètsian, tête de liste de l’alliance J’ai l’Honneur (Pativ Ounèm) de Serge Sargsian. J’en parlerai dans la chronique de demain, qui sera consacrée aux scandales de la campagne.
Sèda Mavian

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