Le sort lamentable de l’Arménie
Aucune puissance n’a accepté de la protéger. Les nationalistes turcs menacent sa capitale.
Les nationalistes turcs, soutenus par les bolcheviks, menacent gravement l’existence de la jeune république arménienne. Après avoir pris la forteresse de Kars, ils marchent sur Erivan, la capitale, et sur Tiflis. C’est une chose humiliante que de se rappeler l’impuissance de l’Entente dans cette affaire. La protection de l’Arménie, offerte à diverses puissances, n’a été acceptée par personne. Les provinces turques qui devaient en faire partie ne lui’ont jamais été adjointes. Pour se dégager de leur grave responsabilité, les alliés ont fait appel, le 11 avril, à la Société des nations, absolument impuissante à protéger l’Arménie, puisqu’on ne mettait à sa disposition à cet effet aucun moyen matériel. Cependant, l’assemblée générale de Genève va reprendre la question et, par une coïncidence tragique, à ce même moment, la petite République d’Erivan, sans doute à bout de souffle, sera près de succomber devant l’effort combiné des soldats de Lénine et de Mustapha Kemal.
De nouveaux massacres d’Arméniens ont eu lieu récemment aux frontières de la Cilicie, à côté de la sphère d’influence française de prochains et terribles massacres peuvent avoir lieu si la capitale elle-même tombe aux mains des bandes sanguinaires qui la menacent. Ce ne sera pas seulement pour les puissances une déshonorante défaite morale si l’Arménie succombe avant d’avoir vraiment vécu, ce sera un encouragement dangereux donné en Asie-Mineure aussi bien aux Moscovites qu’aux kemalistes.
La Turquie, ne l’oublions pas, fait mille difficultés pour ratifier le traité de Sèvres et le cabinet ottoman, heureux de trouver une échappatoire, prétend qu’il lui faut négocier avec Mustapha Kemal. Ce dernier, fortifié par la conquête de l’Arménie et l’alliance des bolcheviks, tiendra vraisemblablement fort peu de compte des demandes de Constantinople, à suppose, ce qui est fort douteux, qu’elles lui soient sincèrement faite.
La Turquie ne pouvait être rendue inoffensive en Asie que par la constitution d’une Arménie viable qui l’aurait maîtrisée au nord-est comme les Grecs ont réussi avec succès à l’ouest. La négligence, l’égoîsme et la faiblesse des alliés créeront d’ici peu de sérieuses difficultés à l’Entente en Asie Mineure si l’on ne peut pas secourir à temps l’Arménie.