Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme : interview de Jacqueline Donmez

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Chaque année, le 2 avril marque la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. En raison de la situation inédite que nous vivons actuellement, l’association Melissa Union de Tous a décidé de changer son moyen d’action en proposant le lancement du #MUDTSelfiesContest. Le but : soutenir la cause de l’autisme et s’engager en envoyant simplement des selfies souriants, en portant du bleu, sur les réseaux sociaux ou par mail (mudt92@gmail.com). La présidente de l’association créée en 2009 et qui porte le nom de sa fille atteinte de ce handicap, l’Arménienne Jacqueline Donmez, nous en dit plus.

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Nouvelles d’Arménie Magazine : Comment se porte aujourd’hui votre fille, Mélissa ?

Jacqueline Donmez : Mélissa va avoir 14 ans en avril. Elle est scolarisée en milieu ordinaire en classe de 4e, accompagnée par une AVS (accompagnant des élèves en situation de handicap) Individualisée privée sous la supervision d’une psychologue formée aux méthodes cognitives et comportementales. Elle a de bons résultats mais cela reste une bataille de tous les instants pour qu’elle puisse avoir droit aux aménagements en lien avec son handicap, tout ceci est le fruit de sa pugnacité ainsi que la coordination et l’implication de l’ensemble des professionnels qui la suive. Nous sommes en 2020 et même certains professeurs (de français pour ne pas la nommer) confondent encore le mot Inclusion avec l’intégration. Or, l’intégration, c’est la personne handicapée qui doit s’adapter au milieu d’accueil : alors que l’inclusion, c’est le milieu d’accueil qui doit s’adapter, être capable de répondre aux besoins particuliers de la personne handicapée, rendre les savoirs accessibles… Et la notion d’intégration date de 1975 ! Rendez-vous compte ! Depuis la loi de 2005, l’école refondée est présentée comme une « école inclusive »… Il serait grand temps que certains proviseurs et professeurs se mettent en conformité avec la loi et le droit de nos enfants.

Nouvelles d’Arménie Magazine : Depuis la création de votre association en 2009, quels progrès ont eu lieu, pour elle, pour votre famille, et pour l’autisme d’une manière générale ?

Jacqueline Donmez : Les progrès de ma fille ne sont pas liés à mon association. Je mets un point d’honneur à bien séparer mon domaine privé et mes actions associatives que je mène dans l’intérêt commun, pour la cause de toutes les personnes avec autisme et non dans un intérêt individuel.

Concernant ma fille, je dois, encore aujourd’hui me battre, comme toutes les familles dans notre situation, pour qu’elle puisse avoir accès à ses prises en charges cognitives et comportementales en conformité avec les recommandations de la Haute Autorité de la Santé (HAS). Depuis 2012, la HAS a désavoué les théories psychanalytiques concernant l’autisme et autres troubles envahissants du développement. Cependant, le lobying psychanalytique est encore omniprésent et adoubé par l’Etat, ce qui ne fait que retarder la mise en œuvre à grande échelle des prises en charges des personnes avec autisme de manière efficiente ! Voire pire : dans certains cas, des établissements réalisent des « signalements » pour interruption de soins ou maltraitance si des familles osent les quitter pour suivre les recommandations de l’HAS !

Il faut savoir que l’accès aux prises en charges cognitives et comportementales selon les recommandations de la HAS ne sont pas remboursées par la sécurité sociale et restent à la charge à 100% des parents (hormis l’orthophonie et pédopsychiatre). Le coût mensuel d’une prise en charge efficace de cet ordre représente environ par enfant une somme de 3000 euros mensuel et les MDPH attribuent de façon inégale entre les départements l’AAH (pour Adultes) ou l’AEEH (pour enfants) de l’ordre de 900 euros (selon les compléments). En parallèle, l’Etat préfère financer à 100 % des méthodes psychanalytiques inadaptées qui ont prouvés leur inefficacité (IME, Hôpital de jour, CMPP, CAMPS, etc…) dénoncées par l’HAS, qui représentent environ 30 000 euros mensuel par enfant ! Les familles sont laissées en déshérence face à cette situation et se retrouvent face à un choix cornélien : faire prendre en charge leur enfant de manière inadaptée sans que cela leur coûte un centime, ou se saigner afin de donner à leurs enfants une chance réelle de devenir autonome et de trouver leur place dans notre société… Malheureusement, la majorité des familles n’ont pas les moyens de financer facilement ces montants car dans la majorité des cas, un parent (souvent la mère) arrête de travailler pour accompagner son enfant, et les familles sont souvent touchées par des divorces, ce qui rend d’autant plus vulnérables ces mamans, qui se retrouvent seules à faire face (abandon du père).

Malgré les quelques avancés du gouvernement sur certains points, nous manquons de recul sur ceux-ci :
– Reconnaissance du statut d’aidant familial : nouvelle mesure depuis 2020, nous restons dans l’expectative car il ne semble pas adapté à notre situation, mais favorise les personnes toujours en poste ou au chômage.
Dans ce cadre, nous avons mis à l’honneur les parents d’enfants avec autisme. Notre projet Glorious Heroes, consiste à mettre en lumière des Parents d’enfants autistes au travers d’une exposition itinérante de portraits de ces héros du quotidien comprenant l’édition d’un livret « Témoignage ».
– AVS formés aux méthodes cognitives et comportementales pour chaque enfant : car un simple stage, pas ou peu d’AVS réellement formée sur le terrain sont insuffisants. L’autisme demande une formation particulière et cela n’est pas suffisamment pris en considération par le législateur, obligeant les familles à embaucher des AVS privée. Ces AVS privées sont souvent à minima psychologue de formation et non pas des personnes éloignées de l’emploi depuis longtemps et sans aucune connaissance dans le domaine. Il ne faut pas confondre l’accompagnement d’enfants avec autisme en milieu ordinaire avec de la garderie…
De plus, même si les familles ont des notifications MDPH signifiant le droit à des AVS I, souvent des familles se retrouvent sans AVS Education Nationale, par manque de recrutement de l’éducation national.
Enfin, à savoir qu’une AVS Education Nationale ne peut travailler que 20 h par semaine… ce qui est incompatible avec des emplois du temps de 27h/ semaine, une fois déduis les dispenses pour permettre de créer des disponibilités pour aller en prises en charge.

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Nouvelles d’Arménie Magazine : Comment avez-vous eu l’idée de l’exposition itinérante de photos, Glorious Heros ?

Jacqueline Donmez : Notre projet [Glorious Heroes], consiste à mettre en lumière des parents d’enfants autistes au travers d’une exposition itinérante de portraits de ces héros du quotidien comprenant l’édition d’un livret « Témoignage ». Cette exposition photos itinérante, sur le thème des « Parents super Héros », [Glorious Heroes], vise à mettre en avant les visages de ses humbles parents exceptionnels, aux parcours atypiques, par le biais d’un focus sur le rude combat qu’ils mènent pour l’accès à leurs droits fondamentaux et ainsi favoriser l’inclusion de leurs enfants et mettre en avant les bienfaits des méthodes cognitives et comportementales. L’originalité de notre projet réside en l’approche de la sensibilisation de la population à l’autisme qui est ici réalisée par le biais du point de vue des parents « aidants » concernés par cet handicap.

Les livrets réalisés regroupent les différents témoignages des parents d’enfants autistes révélant la dure réalité à laquelle sont confrontés l’ensemble de ces parents ainsi que les portraits photographiques de ceux-ci, réalisés en « civil » et en tenue de super héros, symbole de la force dont ils doivent faire preuve au quotidien pour surmonter tous les obstacles administratifs.

L’intégralité des bénéfices de la vente de ces ouvrages (Livrets) permettront à des parents « aidants » de pouvoir suivre des formations essentielles à l’appréhension du handicap de leurs enfants touchés par cet handicap et ainsi les aider à améliorer leur vie quotidienne et de participer efficacement au développement de leurs enfants et à leur inclusion…

En raison des circonstances que nous vivons tous actuellement, mais aussi initialement au regard de la période électorale, l’exposition marque une « pause ». Nous reprendrons les démarches que nous avions en cours auprès des communes (notamment celles des 16e et 8e arrondissements).
Actuellement, la seule manière de voir notre exposition est de visualiser les vidéos sur notre site internet et réseaux sociaux ou commander notre livret témoignage sur notre site internet.

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Nouvelles d’Arménie Magazine : Parlez-nous des actions que vous comptez réaliser ce 2 avril, journée mondiale de sensibilisation à l’autisme.

Jacqueline Donmez : Cette année, au regard du confinement qui nous est imposé à tous, nous avons du être réactif et nous adapter très rapidement.
En raison des derniers événements qui touchent l’ensemble de la population et afin de marquer malgré tout comme il se doit la journée du 2 avril, a décidé de lancer son premier #MUDTSelfiesContest ouvert à tous !

Nous demandons à tous ceux qui souhaitent soutenir la cause de l’autisme, de s’engager auprès de nous et de participer à cette journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, d’envoyer simplement des selfies souriants sur un compte instagram dédié à l’événement https://www.instagram.com/mudt92/?hl=fr #SourireEnBleuPourlAutisme

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Nouvelles d’Arménie Magazine : Vos racines arméniennes et les valeurs arméniennes qui en découlent vous aident-elles au quotidien à affronter les difficultés que vous pouvez rencontrer en étant ainsi confronter au handicap votre fille ?

Jacqueline Donmez : Les valeurs arméniennes de solidarité, de partage et l’importance du lien familial est salvateur dans ma situation très important. Je suis très épaulée par ma famille, qui est la composante même de l’ADN de mon association, puisque celle-ci est constituée de mes deux soeurs et moi-même. Nous transmettons ses valeurs fondamentales autour de nous.

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Jacqueline Donmezian avec ses deux soeurs, Julia et Jultine.

Nouvelles d’Arménie Magazine : Il y a deux ans, vous nous parliez de l’opération « Arménie et autisme », visant à recenser le pourcentage de personnes concernées et envisager les actions adéquates selon les résultats. Qu’en est-il aujourd’hui ? Une coopération a-t-elle été mise en place avec l’Arménie ?

Jacqueline Donmez : Nous avons reçu des premiers éléments via l’ambassade d’Arménie en France. Notre projet, suite aux événements politique en Arménie a pris un peu de retard. Nous avons continué à travailler sur le financement du projet ici en France et nous espérons pouvoir aller réaliser nos investigations d’ici la fin de l’année ou début d’année prochaine.

Propos recueillis par Claire Barbuti

Claire
Author: Claire

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