Journée nationale

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Il s’agit d’un tournant. D’un cap. D’un moment historique. 104 ans après le déclenchement du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman, la date du 24 avril, acte premier de l’entreprise d’extermination, est entrée dans le calendrier républicain (« décret N°263-291 du 10 avril 2019 relatif à la commémoration annuelle du génocide arménien de 1915 »). Annoncée par le président de la République, lors du dîner du CCAF le 2 février 2019, inaugurée le jour même par le Premier ministre, en présence de trois membres du gouvernement, cette journée nationale marque l’appropriation par la France de cet événement précurseur des plus grandes atrocités de masse du XXe siècle (pour reprendre l’expression américaine), et pourtant si longtemps oublié et nié.

Depuis combien de décennies espérait-on qu’une commémoration nationale soit enfin dédiée à la plus immense catastrophe civile de la Première Guerre mondiale, qui n’en fut pas avare ? Voilà en tout cas qui est fait et bien fait. L’édition spéciale que NAM consacre aux cérémonies officielles qui ont eu lieu ce jour devant les monuments aux morts – nous en avons recensées 70, mais il en manque certainement encore -donne un aperçu des retombées de cette avancée sur l’ensemble du territoire. Un impact mémoriel, bien sûr, mais aussi médiatique avec une large couverture sur tous les supports de presse, et politique également avec la présence en région des préfets en uniforme et de nombre d’élus de tous les camps.

Jamais sans doute, sauf peut-être au moment du centenaire, la France dans son ensemble n’avait été autant impliquée dans cet anniversaire. Depuis la gauche, qui se solidarise depuis des lustres avec les Arméniens au nom de ce que l’on appelait au moment des massacres hamidiens le « devoir d’humanité », jusqu’à la droite dont le soutien s’articule de surcroît sur des bases civilisationnelles, le pays a renoué avec cette page terrifiante de l’histoire dont les descendants des victimes ont pendant longtemps porté seuls le fardeau. Dans une dimension symbolique qui n’aura échappé à personne quelques jours après Pâques, l’Etat a pris sa part dans la souffrance de cette composante de la nation qui réclame justice depuis cent ans. Mais surtout, au-delà de l’empathie, la République a assumé ses responsabilités politiques en se souvenant que la protection des Arméniens de l’Empire ottoman a été durant toute la fin du XIXe siècle et le début du XXe, la grande affaire de sa diplomatie, comme d’ailleurs celle des chancelleries occidentales. Nous sommes malheureusement bien placés pour savoir que toute cette solidarité, qu’elle fût exprimée par les autorités ou par les prestigieuses figures du mouvement arménophile de l’époque, n’aura pas suffi à arrêter la main du bourreau. Mais il était important que la France tente aujourd’hui qu’elle en a les moyens, si ce n’est de réparer cette catastrophe qu’elle n’a pu éviter du fait qu’elle était elle-même en guerre, mais du moins qu’elle en combatte l’oubli et la négation. Et ce, en rendant officiellement hommage à ces morts, qui étaient ses protégés avant même que d’appartenir à l’humanité.

Dans son remarquable discours, le Premier ministre a prononcé des phrases particulièrement fortes à ce sujet en affirmant notamment que « plus d’un siècle après, regarder l’horreur en face est un préalable pour rendre justice ». Même chose, lorsqu’il a proclamé, alors que son gouvernement essuyait les foudres d’Erdogan, que « la France ne se laissera impressionner par aucun mensonge, par aucune pression ».

Il apparaît bien loin le temps des périphrases indignes, au seul usage de la susceptibilité de l’Etat turc. La ténacité des Arméniens, leur unité, leur rayonnement, le travail des historiens, la prise de conscience des intellectuels et des politiques auront donc fini par payer.

Tant mieux, même s’il s’agit somme toute d’une maigre consolation si l’on songe à l’immensité des pertes arméniennes en termes de morts, de spoliations, d’occupation territoriale, d’annihilation culturelle. Puisse du moins cette victoire sur le terrain de la vérité servir aujourd’hui à préserver ce qui a survécu, à prévenir toute récidive. Édouard Philippe a évoqué à juste titre le sort des chrétiens d’Orient, grande famille hélas en pleine décomposition dont l’Arménie, malgré sa fragilité, apparaît comme une sorte d’ultime réserve. C’est dire… Les dirigeants du CCAF, qui partagent cette problématique ont conclu pour leur part leur prise de parole en y ajoutant celle des habitants d’Artskakh, « dernier îlot de résistance encore debout de l’Arménie en danger ». Une des rares terres de liberté dans cette région du monde où il est en tout cas encore possible de construire des églises, au moment même où l’on assiste impuissant à leur disparition, les unes après les autres, de l’Asie.

Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

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