Jusqu’à ce que la loi les sépare

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Nuray était allée chercher sa robe de mariée en Turquie. Son fiancé, sans papiers, a été arrêté en venant la chercher à l’aéroport. Elle est poursuivie pour «aide au séjour irrégulier».

De notre envoyée spéciale à Nîmes Carole Rap

QUOTIDIEN : lundi 18 février 2008

LIBERATION

Le 18 mars, Nuray est convoquée au tribunal correctionnel de Lyon pour aide au séjour irrégulier. Sa faute ? «Aimer un homme comme tout le monde, sauf qu’il est sans papiers.» Elle devait épouser Abdullah, jeune Turc d’origine kurde, samedi 24 novembre 2007. Trois mois plus tard, la robe de mariée attend toujours, vaine étoffe de soie blanche pliée dans sa valise au-dessus de la chemise du fiancé. Brodée à la main en Turquie, où elle l’avait fait créer sur mesure pour la modique somme de 50 euros.

La toilette de dentelle était prête à être admirée par plus de 200 invités dans une salle des fêtes près de Nîmes (Gard), mais elle a été dépliée dix jours plus tôt par des policiers soupçonneux dans les locaux de la PAF (police aux frontières), à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. Elle venait à peine de débarquer de l’avion en provenance d’Istanbul, rangée dans les bagages de la jeune femme en compagnie d’une paire d’escarpins blancs, d’un costume sombre pour le fiancé et de belles chaussures pour le fils de Nuray, 10 ans. Aujourd’hui, la robe n’a pas encore quitté la valise, si ce n’est pour être tripotée par les policiers. Nuray ne se maquille plus, elle qui était si coquette. Le fiancé n’est jamais reparu, laissant derrière lui son rasoir et sa brosse à dents. Et Nuray ne remet plus les pieds chez elle, préférant vivre chez son frère plutôt que de voir chaque soir la brosse à dents inutilisée à côté de la sienne.

Coup de foudre. Nuray a 33 ans, elle est française d’origine turque, elle vit à Nîmes avec son fils. Elle a rencontré Abdullah au mariage d’un ami il y a deux ans. C’est le coup de foudre. Mais Abdullah devient «illégal» sur le territoire français. Il avait fait une demande d’asile qui n’a pas abouti. Et son récépissé valant titre de séjour expire peu après sa rencontre avec Nuray. «L’amour ne demande pas de papiers», raconte aujourd’hui Nuray. Ils continuent à se voir, allant chez l’un, chez l’autre, jusqu’au jour où, lasse de ces allers-retours, elle lui propose de venir s’installer chez elle. Lui s’est pris d’affection pour l’enfant, qui le lui rend bien et l’appelle même «Papa», n’ayant pas connu le sien.

En septembre 2007, ils se fiancent. En vue du mariage, elle décide de partir en Turquie rencontrer ses futurs beaux-parents. Pour faire des économies, elle prévoit d’acheter les tenues de noce sur place. Le fiancé est resté à Nîmes, mais il tient à venir la chercher à l’aéroport à son retour. Prudente, elle lui dit de ne pas le faire.

Fouille. Imprudent, il viendra quand même, sans le lui dire. A l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, Abdullah est contrôlé. Sans papiers, il est interpellé. Aux policiers, il raconte son histoire. La fiancée qui revient de Turquie, le mariage dans dix jours. Quand l’avion de Nuray atterrit, les flics montent la chercher devant les passagers. Ils la mettent en garde à vue, l’interrogent, la fouillent, la déshabillent entièrement.

Dans un premier temps, ils ne lui disent pas qu’ils ont pris Abdullah. Alors, quand ils lui demandent si elle vit seule, elle répond oui pour protéger son compagnon, qu’elle croit toujours à Nîmes. «Et Abdullah, c’est moi qui vais me marier avec ?» finit par lâcher un policier goguenard. Nuray fond en larmes. Suit un nouvel interrogatoire, en présence du fiancé. Puis le couple est placé dans la même cellule. «Les policiers venaient devant la fenêtre, ils rigolaient en disant « les deux oiseaux » !» se souvient Nuray, toujours pas remise des humiliations subies ce jour-là. Le soir, elle est libérée tandis que son fiancé est enfermé dans le centre de rétention de Lyon. Il est expulsé vers la Turquie le samedi 24 novembre, le jour de leurs noces. «Un jour inoubliable», leur dit à l’aéroport un policier en souriant.

A son arrivée à Istanbul, Abdullah est arrêté puis relâché avec une convocation pour le service militaire. «Il est kurde, on va l’envoyer en première ligne, il peut être abattu à tout moment», s’angoisse sa fiancée. Elle-même est poursuivie pour aide au séjour irrégulier. «Je n’ai pas commis de meurtre, mais j’ai aimé, beaucoup aimé, et maintenant pourquoi me poursuivre ?» dit-elle. Une question soulevée par le collectif des Amoureux au ban public (1), qui lance aujourd’hui une pétition demandant l’abandon des poursuites contre Nuray. Nicolas Ferran, juriste à la Cimade de Montpellier, assure qu’il y a «une immunité pénale pour les concubins». Le tribunal l’entendra-t-il ainsi ?

(1) www.amoureuxauban.net

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Author: raffi

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