La Cour européenne des droits de l’Homme a invité mardi la Turquie à modifier un article de son code pénal qui érige en délit le dénigrement de l’Etat turc ou de ses institutions, le jugeant contraire au droit à la liberté d’expression.
La juridiction du Conseil de l’Europe affirme qu’une telle réforme constituerait « une forme appropriée d’exécution » d’un arrêt dans lequel elle condamne Ankara pour violation du droit à la liberté d’expression d’un éditeur.
Celui-ci, Fatih Tas, avait été poursuivi en 2004 pour avoir publié un livre imputant la disparition d’un journaliste, dans la région du Kurdistan, aux forces de contre-guérilla qui combattaient les séparatistes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).
Dans un arrêt rendu à l’unanimité, les juges de Strasbourg estiment que les passages litigieux de l’ouvrage « contenaient certes des critiques parfois acerbes et exagérées envers les autorités étatiques, mais qu’ils étaient dépourvus de tout caractère ‘gratuitement offensant’ ou injurieux et qu’ils n’incitaient ni à la violence ni à la haine ».
Ces conditions auraient été nécessaires, selon la jurisprudence de la Cour, pour engager des poursuites.
Fatih Tas avait été condamné à six mois de prison, puis à une simple amende après cassation avant que l’affaire soit rayée du rôle pour prescription après une nouvelle cassation.
La Cour européenne lui accorde 2.500 euros en réparation de son dommage moral.
Elle va toutefois plus loin en invitant Ankara à changer une loi dont elle a déjà estimé par le passé que « son libellé était excessivement large et vague et faisait peser sur l’exercice de la liberté d’expression une menace permanente ».
Elle intervient, ce faisant, sur le terrain du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, en charge du suivi de l’exécution des arrêts, une initiative rare qu’elle prend en cas de condamnations répétées d’un Etat pour un même motif.
Parmi les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, la Turquie était, en 2017, le deuxième Etat le plus condamné à Strasbourg, derrière la Russie, mais le premier s’agissant de la liberté d’expression avec 16 condamnations sur un total de 44.