L’histoire contemporaine des Arméniens est marquée par la formation de la diaspora du XXe siècle succédant au génocide de 1915. L’espace urbain et industriel isséen s’est avéré très favorable à l’implantation d’une forte communauté arménienne. Ainsi, vers 1923, de nombreux réfugiés trouvent un emploi à la Cartoucherie Gévelot, aux Peintures Lefranc, à la Blanchisserie de Grenelle, etc.
L’Île de Saint-Germain-Billancourt en 1936
Lors de son arrivée à Issy, la communauté arménienne s’installe dans la partie aval de l’Île Saint-Germain, alors dénommée Île de Billancourt. Dans ce lieu encore peu occupé, où viennent également cohabiter des familles italiennes et espagnoles, est entreprise la construction de maisons. Mais peu de travaux de viabilisation accompagnent cette urbanisation, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
À la même époque, le curé de la paroisse Sainte-Lucie voisine est le père Émile Natter qui se dévoue pour la population de son quartier souvent défavorisée. Tout naturellement, il porte sur l’Île Saint-Germain et ses habitants une attention particulière, attestée par des photographies qui aujourd’hui constituent des témoignages intéressants et émouvants d’une époque révolue.
Peu après, ayant quitté leurs emplois sousqualifiés dans l’industrie pour se lancer avec succès dans la production de tricot, les familles arméniennes iront construire des pavillons « en dur » autour de la rue de la Défense. Le secteur y gagnera le nom de « quartier arménien ».
Le légendaire national
L’aménagement concret de lieux de sociabilité permettra l’expression d’une « conscience d’appartenance » célébrant les événements fondateurs d’une histoire nationale. À Issy, la construction des églises confère au groupe une autonomie religieuse et contribue au marquage d’une différence culturelle. Cette officialisation de la présence arménienne a par exemple donné lieu à l’édification de monuments (lire l’encadré) et à toutes sortes de marqueurs identitaires (à l’exemple de commerces et d’activités socioprofessionnelles spécifiques).
L’intégration sociale et la structuration de la vie communautaire
L’intégration sociale et économique des Arméniens en France s’est accomplie de manière relativement rapide, avec une percée importante des professions libérales et l’accès aux métiers de l’enseignement, de la recherche, du spectacle et du sport. À Issy-les-Moulineaux, le tissu associatif demeure très dense : associations philanthropiques cultuelles, culturelles, sportives, unions professionnelles, associations de femmes, d’anciens combattants, etc. Enfin, depuis l’indépendance de l’Arménie en 1991, on assiste chez les communautés nées de l’exil à des participations actives pour l’aide à la reconstruction du pays.
À lire : Martine Hovanessian, anthropologue et chercheur au CNRS, est auteur du « Lien communautaire – Trois générations d’Arméniens » (Paris, Armand Colin, 1992. Réédition prévue aux Éditions l’Harmattan, pour février-mars 2007), et de « Les Arméniens et leurs territoires » (Autrement, 1995). Elle a résidé pendant de nombreuses années à Issy-les-Moulineaux.
Sur les traces du patrimoine arménien à Issy
Le quartier, ses rues, …
Dans les années 30, la communauté arménienne s’établit dans les Hauts d’Issy, investissant la rue de la Défense (surnommée rue de la « Dé »), l’avenue Bourgain et le boulevard Rodin. Se forme alors autour du fort d’Issy, un véritable village avec ses cafés, ses commerces, ses épiceries, tous ces petits lieux qui ont permis l’enracinement de déracinés. Depuis, quelques rues du quartier des Épinettes ont été rebaptisées en hommage à l’Arménie. En 1975, la rue du Plateau devient la rue d’Erevan, capitale et foyer culturel de l’Arménie, puis en 2004, sur l’ancien emplacement du marché du fort, la place Etchmiadzine était inaugurée en hommage à la ville jumelle d’Issy (depuis 1989), considérée comme la capitale spirituelle des arméniens. La même année, à l’angle des rues Rabelais et Emile Duployé, émergeait la place Manouchian, chef d’un groupe de résistants fusillés au Mont-Valérien en 1943, parmi eux, un
Isséen.
…ses églises…
Autour de l’avenue Bourgain, cohabitent les deux édifices religieux de la communauté arménienne isséenne : l’église apostolique qui officialisera en 1975 la présence arménienne sur la Ville, et le temple de l’église évangélique arménienne représentant le groupe confessionnel de protestants à Issy.
… et ses monuments
Le Monument aux Morts, inauguré en 1982, rend hommage aux victimes du génocide de 1915 et célèbre l’amitié franco-arménienne à Issy. Le second, plus discret, est la sculpture appelée « Les oiseaux » : un témoignage de la reconnaissance du peuple arménien à la Ville pour son aide humanitaire suite au séisme de 1988.
Pour en apprendre plus encore, participez à une visite organisée par l’Office de Tourisme, samedi 31 mars à 10h30. Renseignements et inscriptions au 014 123 87 00