La Communauté des Etats indépendants, un « club de divorce » qui se cherche un remplaçant

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Alors que la Communauté des Etats indépendants (CEI) issue de l’effondrement de l’URSS donne des signes d’essoufflement, d’autres organisations supranationales font parler d’elles, comme la Communauté économique eurasiatique (CEE). Comme le rappelle la Nezavissimaïa Gazeta, la rencontre des Premiers ministres russe et ukrainien Mikhaïl Fradkov et Viktor Ianoukovitch à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, lors du dernier sommet informel de la CEE qui s’est tenu du 15 au 17 août derniers, ne doit pas cacher l’importance dudit sommet.

A sa création, en 2000, la Communauté économique eurasiatique comptait cinq membres (Russie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan ; l’Ukraine, la Moldavie et l’Arménie y sont observateurs). Avec le ralliement de l’Ouzbékistan, début 2006, cette organisation qui a pour objectif principal la réintégration économique des anciens pays soviétiques compte 206 millions d’habitants.

Le président arménien Robert Kotcharian et le nouveau Premier ministre ukrainien, à titre d' »invité spécial », étaient conviés au sommet de la semaine dernière, bien que leurs pays ne fassent pas partie de la CEE. L’Arménie est, en revanche, membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC, qui regroupe aussi la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan).

L’absence de l’Ouzbékistan dans l’OTSC ne pouvait plus durer après son entrée dans la CEE au début de l’année 2006, et les présidents de la CEI ont logiquement profité de ce sommet pour ratifier son entrée.

Soulignant à cette occasion que « l’économie ne peut se développer si la sécurité n’est pas assurée », le président ouzbek, Islam Karimov, a évoqué la nécessaire coordination des activités de l’OTSC et de la CEE, voire leur fusion, à terme. Selon Vremia Novostieï, cette opinion n’est pas éloignée de celle de Vladimir Poutine, qui n’a cependant pas abordé le sujet publiquement. La Nezavissimaïa Gazeta note par ailleurs que l’adhésion de l’Ouzbékistan à l’OTSC favorisera l’achat par ce pays d’armes russes aux prix pratiqués dans la zone.

Concernant la sécurité énergétique, les membres de la CEE souhaitent développer leur coopération en matière nucléaire ; la Russie et le Kazakhstan ont montré la voie, en signant un mémorandum pour la création de sociétés mixtes de conseil en matière de cycle du nucléaire (de l’extraction du combustible au traitement des déchets). Plus largement, l’idée de la création d’un marché commun de l’énergie et aussi de l’eau a été relancée, et APN Kazakhstan rappelle qu’un ambitieux projet de création d’un marché commun du pétrole et du gaz des pays de la CEE avait déjà été lancé en 2003.

Mais, si ce projet donne lieu à une multitude de décisions et de documents, les résultats sont encore minces, reconnaît APN Kazakhstan, qui juge paradoxale l’attitude de la Russie. Pour consolider ses relations internationales, et notamment dans la perspective de ses livraisons de gaz à l’Europe, Moscou aurait tout intérêt à nouer de solides alliances avec les pays d’Asie centrale dans le cadre parfaitement adapté de la CEE, voire à créer avec eux un équivalent de l’OPEP. Mais il est vrai qu’il manque encore à ce cadre une pièce maîtresse : le Turkménistan, gros producteur de gaz. Le président Saparmourad Niazov, qui regarde aussi vers la Chine, est en effet jaloux de son indépendance politique.

En outre, « les producteurs centre-asiatiques ont l’intention d’obtenir une augmentation du prix de vente de leur gaz et, si les négociations avec Gazprom échouaient, ils seraient contraints d’exporter leur production en évitant le territoire russe ». La situation est ainsi résumée par APN Kazakhstan : « On peut supposer que le principal problème de la politique russe aujourd’hui réside dans le décalage partiel ou total entre les intérêts des Etats et ceux des monopoles énergétiques, comme Gazprom. »

L’autre donnée particulièrement stratégique dans les relations entre quatre de ces pays d’Asie centrale est l’eau, dont environ 80 % des ressources sont détenues par les seuls Tadjikistan et Kirghizistan, qui reçoivent une grande partie de leurs hydrocarbures du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan. Les hydrocarbures et l’eau, indispensable à la production d’énergie hydroélectrique du Tadjikistan, sont utilisés en permanence par ces quatre pays comme moyens de pression entre eux. La Russie, en présentant au sommet de Sotchi le projet de consortium hydroélectrique eurasien, se donne un instrument géopolitique lui permettant d’accroître son rôle en Asie centrale.

Mais c’est la création d’une Union douanière pour le milieu de l’année 2007, rassemblant dans un premier temps la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie (les autres y étant invités lorsqu’ils auront adapté leur législation à ce cadre) qui a été le grand sujet de ce sommet. La « troïka eurasienne », dénommée ainsi par APN Kazakhstan, a été chargée de jeter les bases juridiques de cette Union douanière pour l’automne. Cette Union douanière apparaît, toujours selon APN Kazakhstan, comme une alternative pour Moscou, après l’échec des discussions au dernier G8 concernant l’entrée de la Russie à l’OMC.

Les experts russes, biélorusses et kazakhs y voient aussi un puissant outil de négociation pour l’entrée de la CEE dans l’OMC dans des termes plus avantageux qu’aujourd’hui.

Auparavant, il s’agit pour cette troïka de gagner la confiance de l’Ukraine, afin de la faire entrer dans l’Espace économique unifié qui pourrait servir de cadre à l’Union douanière. Après avoir longtemps refusé de participer activement à la formation de cet espace qu’elle avait pourtant contribué à créer en 2003, l’Ukraine demande à réfléchir encore à la façon dont elle pourrait en tirer le meilleur parti.

Le nouveau Premier ministre ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a néanmoins annoncé le 16 août dernier que « l’Ukraine est prête à travailler en vue de créer un espace économique unifié et est convaincue que celui-ci sera utile à tous les Etats ». Selon le directeur adjoint du Centre des sciences politiques, Alekseï Makarkine, dont le site RBC Daily rapporte les propos, la CEE est une structure plus viable que la CEI. « La CEI est un ‘club de divorce’, destiné à faciliter une séparation civilisée entre la Russie et les anciennes Républiques soviétiques, sans casser la vaisselle. »

Hélène Rousselot

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Author: raffi

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