Le gouvernement turc a subi un revers mardi avec l’annulation du premier tour de l’élection présidentielle, dans laquelle le candidat du parti islamiste modéré au pouvoir était seul en lice, mais le débat enflammé sur l’islamisation de l’Etat traditionnellement laïque risque de continuer si le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan reprogramme le vote contesté.
Deux jours après la manifestation pour la laïcité qui a réuni quelque 700.000 personnes à Istanbul, le porte-parole du gouvernement, Cemil Cicek, a assuré que le cabinet souhaitait la tenue « dès que possible » de législatives anticipées, mais que le Parti pour la Justice et le développement (AKP) de M. Erdogan voulait d’abord que l’âge minimum requis pour les candidatures soit abaissé par amendement constitutionnel, de 30 ans aujourd’hui à 25.
Cependant, l’un des plus influents députés de l’AKP, Sabullah Ergin, le contredisait peu après, affirmant qu’il n’y aurait pas de vote mais seulement la fixation d’un nouveau calendrier. M. Erdogan, qui s’est réuni avec la direction de son parti, devait s’exprimer dans la soirée.
L’AKP espérait renforcer son autorité en obtenant la présidence pour le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, mais l’opposition s’est abstenue lors du premier tour vendredi au Parlement. Et la Cour constitutionnelle a suivi le Parti populaire républicain (CHP), fondé par Mustafa Kemal Atatürk, père de la Turquie moderne et laïque, en déclarant mardi que le quorum de 367 voix n’avait pas été atteint.
Malgré les appels à la démission, le gouvernement a décidé de maintenir l’élection et de repartir à zéro mercredi. Si le candidat ne recueille pas la majorité des deux tiers des voix des députés aux deux premiers tours, la majorité absolue prévaut au troisième, ce qui signifie que M. Gül n’aura plus besoin que de 276 voix, alors que l’AKP détient 353 sièges sur 550.
L’incertitude politique ne profite pas à la bourse turque, qui poursuivait mardi le repli entamé la veille. Après la crise et la récession de 2001, la Turquie, candidate à l’Union européenne, a notamment engagé des mesures de lutte contre l’inflation et entrepris la réforme du secteur bancaire, avec le soutien du Fonds monétaire international (FMI).
Recep Tayyip Erdogan a bien tenté de désarmorcer la crise lundi en mettant en avant son bilan économique, en réaction aux critiques de l’armée et du camp kémaliste qui l’accusent de favoriser l’émergence d’un Etat islamique, mais la situation reste explosive.