La visite du président turc Abdullah Gül en Arménie pourrait pourtant ouvrir la voie à une reprise des relations diplomatiques entre Ankara et Erevan, a déclaré samedi le ministre turc des Affaires étrangères Ali Bacaban, estimant que cette rencontre était « prometteuse pour l’avenir ». « Nous pensons que les circonstances actuelles sont propices à une décision courageuse », a-t-il dit en marge d’une réunion avec ses homologues des Vingt-Sept à Avignon, dans le sud de la France.
Après des années de vide diplomatique entre les deux pays, il semble que le conflit géorgien ait opéré une redistribution des cartes dans le sud du Caucase. L’envoi de troupes russes, début août, en Géorgie, ex-république soviétique jouxtant l’Arménie et la Turquie, a persuadé nombre d’observateurs qu’il était temps qu’Erevan et Ankara mettent leurs divergences de côté. Les oléoducs et gazoducs reliant la Caspienne au littoral turc de la Méditerranée contournent l’Arménie par le Nord en traversant la Géorgie. L’intervention russe a mis en évidence la vulnérabilité de cet itinéraire, et l’Arménie pourrait fournir une voie de substitution attrayante. Si les deux pays parviennent à une normalisation diplomatique, il peut en résulter un changement de taille pour la Turquie en tant que puissance régionale, pour les livraisons de pétrole et de gaz de la mer Caspienne ainsi que pour l’influence de l’Occident dans le Sud-Caucase, où la Russie a démontré sa force militaire, le mois dernier en Géorgie.
En toile de fond aussi dans cette décision de rapprochement diplomatique, la volonté d’Ankara de faire les yeux doux à Bruxelles, et de se donner toutes les chances d’intégrer l’Union européenne. Le commissaire européen à l’Elargissement, Olli Rehn, a d’ailleurs salué la bonne volonté de la Turquie. « J’espère que cela ouvrira la voie à une percée dans les relations entre la Turquie et l’Arménie et un retour à la normale des relations diplomatiques, à l’ouverture de la frontière et à l’examen de dossiers historiques sensibles », a-t-il dit en marge de la réunion d’Avignon. « Si la Turquie joue aussi bien qu’elle l’a fait dans le championnat européen [de football, où elle a atteint les demi-finales, ndlr], elles devrait provoquer un incident diplomatique à Erevan », a-t-il ironisé.