Durablement ébranlée par la défaite dans la dernière guerre du Karabagh de l’automne 2020, privée de responsables depuis les départs en série qui ont suivi la démission en mai du ministre des affaires étrangères Tigrane Ayvazian, pour cause de désaccords avec le premier ministre Nikol Pachinian, la diplomatie arménienne tente de se reconstituer depuis la nomination à la tête de ce ministère très sensible, d’Armen Grigoryan. Ce dernier, qui avait été directement nommé peu avant vice-ministre des affaires étrangères par Pachinian, qui lui accordera le porte-feuille de ministre dans quelques jours, après avoir été réinvesti lui-même premier ministre, recevait le 20 juillet les chefs des missions diplomatiques accréditées en Arménie. A l’ordre du jour de cette réunion, qui prenait l’allure d’un baptème du feu pour le nouveau chef de la diplomatie, la situation créée par les intrusions de soldats azéris dans différentes sections de la frontière arméno-azérie, et en particulier, dans les provinces méridionales de Syounik et de Gegharkunik, et depuis peu, au sud-ouest, aux abords de la commune de Yeraskh de la province de l’Ararat frontalière de l’enclave azérie du Nakhitchevan, où des heurts avec l’armée azérie avaient causé un mort et plusieurs blessés dans les rangs arméniens.
Lors de la réunion, Armen Grigoryan n’a pas manqué de tracer un parallèle entre ces différentes actions militaires, en soulignant que les revendications territoriales agitées par Bakou, fondées sur des distorsions de la vérité historique, trahissaient les intentions agressives de l’Azerbaïdjan à l’encontre de la République d’Arménie. L’accent a été mis par ailleurs sur la réponse inadéquate de la communauté internationale à l’usage de la force contre le peuple de l’ Artsakh, les atrocités de masse, dont le nettoyage ethnique, encourageant l’Azerbaïdjan à faire de l’usage de la force un moyen politique permanent, qui menace la sécurité et la paix régionales. Dans ce contexte, Armen Grigoryan a souligné que »la République d’Arménie et le peuple arménien ne sauraient tolérer de telles violations de leurs droits. Actuellement, les Forces armées de l’Arménie remplissent pleinement leurs responsabilités en vue de garantir l’intégrité territoriale de l’Arménie. L’Arménie mettra en œuvre l’ensemble de son potentiel militaro-politique, en coopérant aussi dans des formats bilatéral et multilatéral ». Armen Grigoryan a aussi souligné que l’Arménie attendait une réponse claire de ses partenaires internationaux concernant de telles violations de la législation internationale par l’Azerbaïdjan.
Au cours de cette réunion, il a été souligné aussi que sans la reprise du processus de paix du Karabagh, et sans un règlement définitif et durable du conflit, la région sera en butte de façon permanente à de nouvelles atteintes à sa sécurité. ‘L’’Arménie est prête à participer au processus de paix du Karabagh dans la voie tracée par les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, qui réaffirme les principes énoncés par les coprésidens, y compris le droit à l’auto-détermination », a insisté Armen Grigoryan. Il convient de noter que le compte-rendu officiel de cette première rencontre entre le futur chef de la diplomatie arménienne et les diplomates se montre pour le moins discret quant au rôle de la Russie, dont Pachinian devait rappeler pourtant qu’il était déterminant pour la paix et la sécurité de l’Arménie et de la région. De quoi alimenter les spéculations sur le nouveau ministre des affaires étrangères d’Arménie, dont le parcours, et les prises de positions, ont montré qu’il était loin d’être un partisan de la Russie. S’il compte parmi les fidèles de Pachinian, certains se demandent pourquoi, à ce moment critique de la diplomatie arménienne, le premier ministre a placé à sa tête une personnalité qui n’est pas vraiment en mesure de dissiper la méfiance persistante du Kremlin envers le pouvoir arménien depuis la révolution de velours de 2018.
