La grande peur des Serbes des enclaves

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Gracanica (Kosovo), 13 jan 2019 (AFP) – Ils craignent d’être les dindons de
la farce d’un accord historique: les Serbes vivant dans des enclaves au Kosovo
s’inquiètent de « corrections frontalières » qui seraient envisagées pour
normaliser les relations entre Belgrade et Pristina.
Ce projet équivaudrait « à une division ethnique claire qui fera qu’en
quelques décennies, il n’y aura plus de Serbes au Kosovo », redoute Stefan
Filipovic, 24 ans, militant associatif de Gracanica.
Siège d’un des principaux monastères orthodoxes du Kosovo, cette petite
ville est l’une des poches où vivent environ 80.000 membres de la minorité
serbe: il s’agit principalement de six municipalités entourées de zones
d’habitation kosovares albanaises.
Quelque 40.000 autres sont installés dans le secteur de la ville divisée de
Mitrovica, dans le nord: à l’inverse des enclaves, ce secteur est contigu à la
Serbie.
A en croire les médias locaux, dans le cadre d’un accord, c’est ce
territoire qui pourrait être restitué à la Serbie. En échange, selon ce
scénario, vingt ans après la guerre livrée par ses forces à une rebellion
indépendantiste kosovare albanaise (1998-99, plus de 13.000 morts), Belgrade
donnerait une petite région majoritairement peuplée d’Albanais et surtout
reconnaîtrait son ancienne province et donc son intégrité territoriale,
enclaves comprises.
Evoquée sans détail cet été par les présidents Aleksandar Vucic et Hashim
Thaçi, cette « correction frontalière » pour régler l’un des plus dangereux
litiges en Europe, reviendrait à créer « deux espaces mono-ethniques » et
aboutirait au départ des Serbes des enclaves, accuse la responsable politique
Rada Trajkovic, qui vit à Gracanica, à quelques kilomètres de Pristina.
Cette sexagénaire est une des rares représentantes de la minorité à
critiquer publiquement la Srpska Lista, la Liste serbe, le groupe politique
majoritaire chez les Serbes du Kosovo, qui s’aligne invariablement sur la
ligne imposée par Belgrade et le président Vucic.

– ‘Abandonné par Belgrade’ –

Après avoir longtemps été tabou, cet échange de territoires est soutenu par
les Etats-Unis et mezza voce par plusieurs responsables européens, à
l’exclusion notable des Allemands qui mettent en garde contre une relance de
l’irrédentisme dans les Balkans, plus d’un quart de siècle après l’explosion
sanglante de l’ex-Yougoslavie.
« C’est une idée très dangereuse et particulièrement dramatique », agrée
Stefan Filipovic qui se sent « abandonné par Belgrade ».
« S’ils cèdent le nord du Kosovo à la Serbie, je ne vois pas pourquoi les
(Kosovars) albanais feraient preuve d’empathie pour ceux qui vivent » dans les
enclaves, dit Rada Trajkovic.
Parmi le millier d’habitants de la poche de Laplje Selo, peu acceptent de
parler ouvertement du sujet et de critiquer Aleksandar Vucic. Composé de
maisons misérables, le village est cerné par des immeubles de verre et
d’acier, excroissance récente de la banlieue de Pristina.
Sirotant leur « rakija » (alcool de fruit), quatre Serbes débattent de savoir
si Aleksandar Vucic va les abandonner « dans une prison albanaise ». A peine
ironique, l’un explique que « si quelqu’un peut nous sauver, c’est (Ramush)
Haradinaj ». Considéré comme un criminel de guerre par Belgrade et les Serbes,
l’ex-guérillero devenu Premier ministre s’oppose à son président et a prévenu
que toute modification des frontières conduirait à « de nouvelles guerres ».

– La défiance du moine –

« J’imagine que le président Vucic ne nous laissera pas tomber », espère
Jagoda Trajkovic, retraitée de 69 ans, venue conduire son petit-fils dans la
minuscule école de Laplje Selo.
Emblématique supérieur du monastère médiéval de Visoki Decani, classé au
patrimoine mondial de l’Unesco et placé sous protection internationale, le
père Sava ne partage pas cette confiance. Désormais, seules viennent troubler
la paix des lieux des manifestations épisodiques de voisins kosovars albanais
exigeant que les moines abandonnent leurs terres agricoles. Mais en 2008, une
roquette avait été tirée sur le mur d’enceinte.
« Je suis personnellement en possession d’informations très crédibles (…)
selon lesquelles ils travaillent déjà sur les détails d’un échange de
territoires selon des lignes ethniques », a récemment affirmé le père Sava, qui
a protégé des Kosovars albanais des forces serbes durant la guerre.
A ses yeux, des modifications frontalières « reviendraient dans les faits à
abandonner 80.000 Serbes, en les laissant avec un niveau de sécurité et de
protection très bas et sujet à caution ».
Rare voix à s’opposer publiquement à Aleksandar Vucic, le religieux a été
la cible cet été d’une campagne de presse des tabloïds de Belgrade acquis au
chef de l’Etat serbe. Il s’y est vu qualifié de « grand patriote albanais ». Un
synonyme quasiment explicite de traître pour ces médias.

La rédaction
Author: La rédaction

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