Des procureurs arméniens ont émis un mandat d’arrêt international visant Vigen Sargsia, un ancien ministre de la défense d’Arménie résidant aux Etats-Unis qui se pose aussi en farouche opposant à l’actuel gouvernement arménien, qu’il accuse d’ailleurs d’avoir monté de toutes pièces, à des fins strictement politiques, les accusations dont il est l’objet. Cette mesure du parquet arménien intervient cinq mois après que la justice l’eut accusé d’abus de pouvoir dans le cadre de l’attribution de logements financés par le gouvernement aux officiers arméniens et à leurs familles. Le bureau du procureur-général d’Arménie affirme qu’au début de l’année 2018, Sargsian, alors en fonction, avait illégalement donné l’ordre à une commission du ministère de la défense d’allouer 26 appartements à Erevan à des responsables du ministère et des soldats dont les noms ne figuraient pourtant pas sur la liste d’attente des personnes éligibles à ces logements. Sargsian a démenti avec véhémence de telles allégations aussitôt après sa mise en accusation en février. Il a fait valoir que les appartements concernés avaient été attribués en conformité avec les règles établies par le gouvernement arménien et sur la base des « états de service et mérites au combat ” des bénéficiaires. Il a mis au défi l’actuel gouvernement de fournir la liste de ces officiers. Sargsian, qui vit aux Etats-Unis depuis 2019, prétend que le gouvernement de Nikol Pachinian a orchestré sa “ persécution politique ” afin de l’empêcher de rentrer en Arménie. Il s’est aussi plaint de ce que les enquêteurs n’aient pas pris la peine de l’interroger alors qu’ils connaissent son numéro de téléphone et son adresse e-mail. Un procureur en charge de l’affaire a fait savoir en réponse que “les éléments de l’enquête criminelle ne renferment aucune information sur son lieu de résidence actuel ”. Norayr Norikian, un avocat représentant huit autres officiers qui auraient bénéficié de ces appartements du fait des prétendus abus imputés à l’ancien ministre, a balayé du revers de la main jeudi 13 juillet les affirmations du procureur. “Vigen Sargsian donne régulièrement des interviews, fait des commentaires ”, a confié Norikian au Service arménien de RFE/RL, en ajoutant : “Les instances judiciaires arméniennes connaissent parfaitement son lieu de résidence et, je pense, jusqu’à son adresse ”. Le mandat d’arrêt émis contre Sargsian cette semaine signifie qu’il est activement et officiellement recherché désormais. L’enquête criminelle est entretemps suspendue. Sargsian, 48 ans, a occupé la fonction de ministre de la défense de 2016 à 2018 dans le gouvernement de l’ex-président Serge Sarkissian. Ce dernier avait été contraint à la démission en avril 2018 sous le coup de la campagne de manifestations massive menée par Pachinian. Vigen Sargsian a démissionné aussitôt après l’élection de Pachinian au poste de premier ministre en mai 2018. Sargsian était en tête de liste des candidats du Parti républicain anciennement au pouvoir lors des élections législatives de décembre 2018. Selon les résultats officiels du scrutin, le parti jusque-là tout puissant n’a pas même été en mesure de recueillir les 5% de voix lui permettant de siéger dans le Parlement arménien. Les procureurs ont mis Sargsian en accusation le 8 février, soit au moment même où le Parlement leur donnait le feu vert pur engager des poursuites pur corruption dans une autre affaire impliquant Seyran Ohanian, autre ex-ministre de la défense qui dirige désormais le groupe parlementaire de l’alliance Hayastan, principale formation de l’opposition siégeant au Parlement. La procureure-générale Anna Vardapetian avait demandé à l’Assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire d’Ohanian en vue d’engager des poursuites le 20 janvier, au lendemain d’un tragique incendie dans des baraquements militaires qui coûta la vie à 15 soldats arméniens. Hayastan avait affirmé que l’affaire incriminant Ohanian avait pour but de détourner la colère de l’opinion, indignée par ces nouveaux décès dans les rangs d’une armée qui a déjà versé un lourd tribut à la guerre de 2020, pour laquelle l’opposition tient là aussi Pachinian pour principal responsable.
