La nation arménienne (1): un peuple de survivants par Jean Cermakian

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L’Arménie, c’est d’abord une nation de survivants enracinée dans un territoire historique d’environ 300 000 km2. Ce dernier est situé entre la mer Noire, la mer Caspienne et la Méditerranée. Il s’agit d’une civilisation vieille de 3000 ans, dont l’histoire commence avec l’Arche de Noé qui trouva refuge pendant le Déluge, au sommet du mont Ararat, la montagne sacrée du peuple arménien. C’est l’un des descendants de Noé, Haïg, qui fonda ce qui allait devenir le royaume d’Arménie, dans la vallée de l’Ararat, le long du fleuve Araxe (en arménien, Arménie se dit Haïastân , ou pays de Haïk).

Des fouilles archéologiques récentes sur la colline d’Erebouni, au sud de la capitale actuelle de l’Arménie, Yerevan, font remonter la fondation de cette ville à plus de 2800 ans. Les Arméniens font partie de la famille linguistique indo-européenne, au même titre que leurs voisins iraniens et kurdes. Ils ont leur propre alphabet (38 lettres), inventé par le moine Mesrob Machtots en l’an 405 de notre ère; auparavant, les Arméniens, sous l’influence de l’Empire byzantin, utilisaient l’alphabet grec. Or, l’État arménien fut le premier pays à adopter la religion chrétienne en 301, avant que l’Empire romain fasse de même. Une fois le christianisme adopté, il fallait instruire le clergé, la cour et le peuple dans la langue nationale et permettre aux Arméniens d’avoir accès aux textes sacrés dans leur langue. L’évangélisation du peuple arménien et l’adoption d’un alphabet spécifique à leur langue sont les deux moments fondateurs de la culture et de la civilisation arméniennes.

Empires ottomans

Malheureusement pour le peuple arménien, son territoire historique se situe au point de jonction des trois grands empires ottomans (turc), persan (iranien) et russe. Son territoire fut donc, au cours des siècles, un champ de bataille entre trois impérialismes conquérants. Ce fut également une zone de passage entre l’Orient et l’Occident, sur la «Route de la Soie» qui mit en contact l’Europe et la Chine dès le Moyen Âge. C’était enfin un corridor emprunté par toutes les grandes invasions et expéditions militaires: l’Arménie a été envahie et dominée successivement par les Grecs, les Romains, les Perses, les Arabes, les Mongols, les Turcs et les Russes. Malgré quelques brèves périodes d’indépendance, l’Arménie fut mise sous tutelle et occupée de 1064 (prise de la capitale, Ani, par les Turcs) à 1991 (indépendance de l’ex-Arménie soviétique).

On comprend alors le rôle essentiel de l’Église arménienne, non seulement comme défenseur de la foi (face aux voisins musulmans, turcs en particulier), mais aussi comme gardienne de la langue et de la culture arméniennes, sauvegardées dans les bibliothèques des centaines de monastères fondés sur le territoire arménien entre le 5e et le 13e siècle et dont plusieurs ont survécu aux invasions et aux pillages des conquérants étrangers.

Compte tenu de la vie difficile dans l’Arménie occupée, de nombreux Arméniens ont quitté leur terre ancestrale pour former une diaspora de commerçants, d’artisans et d’érudits dans plusieurs pays d’Asie (Inde, Perse, Syrie, Mésopotamie) et d’Europe (Russie, Pologne, Allemagne, Autriche, Italie, France). Déjà, dès le 6e siècle, sous l’Empire byzantin, et avant la conquête arabe, les Arméniens se sont établis à Jérusalem: de nos jours, il y a toujours un quartier arménien et un patriarcat arménien dans la vieille ville de Jérusalem, ainsi qu’une cathédrale et un couvent, Sourp Hagop (Saint Jacques), qui témoignent de l’ancienneté et de la pérennité de cette communauté
dans la première ville sainte de la chrétienté.

Ailleurs dans le monde, les membres de la diaspora arménienne firent leur réputation avant tout comme commerçants et intermédiaires entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien. Ils brillèrent également comme artisans de premier ordre dans plusieurs domaines, en particulier en bijouterie, orfèvrerie, tapisseries et enluminures de textes sacrés. Dans le domaine de la culture, les Arméniens de la diaspora fondèrent plusieurs institutions religieuses de haut savoir, notamment les couvents arméniens catholiques des moines «mekhitaristes» (du nom du fondateur de leur ordre, l’abbé Mekhitar), sur l’île de San Lazzaro à Venise, ainsi qu’à Vienne (Autriche), au 17e siècle. Ces institutions permirent l’impression des premières Bibles en langue arménienne ainsi que la préservation de manuscrits et d’ouvrages religieux et littéraires, sauvés de la disparition aux mains des envahisseurs étrangers de l’Arménie historique.

Ceci m’amènera à parler, dans ma prochaine chronique, du sort que réservèrent les impérialismes voisins au peuple arménien qui demeura majoritairement, jusqu’en 1915, sur ses terres ancestrales. La non-reconnaissance par le gouvernement de la Turquie actuelle du génocide arménien de 1915-1922, perpétré par le gouvernement de l’Empire ottoman, avant la fondation de la République turque en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk, pèse lourd dans le contexte géopolitique actuel en Asie Mineure et plus généralement au Moyen-Orient.

Jean Cermakian, professeur associé

Section de géographie, Université du Québec à Trois-Rivières

Département des sciences humaines, UQTR

Source entete.uqtr.ca

Article publié le 26 novembre 2007

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Author: raffi

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