La nation arménienne (2): le traumatisme du génocide de 1915 Par Jean Cermakian

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Le professeur Jean Cermakian, collaborateur au cyberjournal entête présente le deuxième document de sa série portant sur le peuple arménien. Il aborde cette semaine la période sombre du génocide de 1915.

Tout au long de son histoire, la nation arménienne a été entourée d’États aux visées expansionnistes et impérialistes, victime de l’occupation, de l’oppression et de la mentalité hégémonique de ces voisins. Il serait irréaliste de détailler la géopolitique des empires voisins de l’Arménie dans les limites des trois chroniques consacrées au peuple arménien. Je me contenterai donc de quelques observations au sujet des trois grands impérialismes qui ont dominé cette partie du monde depuis quatre siècles: le turc (Empire ottoman, puis République turque), le persan (Empire perse puis iranien, puis République islamique de l’Iran) et le russe (Empire russe, puis URSS).

De 1453 (prise de Constantinople par les Turcs ottomans) à 1923 (fin de l’Empire ottoman), une bonne partie de l’Arménie historique fut dominée par des populations originaires de l’Asie centrale et de la Mongolie, qui, par vagues d’invasion successives, occupèrent l’Asie Mineure, le Caucase et la Perse. L’Empire ottoman fut l’une des grandes puissances du monde pendant plus de quatre siècles : son territoire s’étendit de l’Algérie au Yémen et des Balkans au Golfe Persique lors de sa plus grande extension. Le Sultan ottoman succéda alors comme chef spirituel et politique du monde musulman, suite au long déclin des califats arabes du Caire, de Damas et de Bagdad.

L’Empire ottoman fut donc un empire multilingue et multiconfessionnel, mais l’Islam en était la religion dominante et le sort des minorités chrétiennes de l’Empire était celui de citoyens de deuxième classe, taxés parce que chrétiens et exclus des postes de commandement dans les forces armées et des emplois décisionnels du gouvernement ottoman. Cela entraîna des révoltes qui aboutirent à l’indépendance des provinces chrétiennes de l’Empire (Grèce, Bulgarie, Roumanie, ex-Yougoslavie, Albanie), sous la pression des grandes puissances européennes et à la suite de trois « guerres balkaniques » (1878-1913).

Rien de tel n’eut lieu pour les minorités chrétiennes de la partie asiatique de l’Empire (Arméniens, Grecs, Assyro-Chaldéens, Syriaques). Loin des lieux de pouvoir de l’Europe, isolées des grandes voies maritimes, les provinces arméniennes de l’Asie Mineure ottomane furent les boucs émissaires de la désintégration de l’Empire ottoman en Europe et en Afrique du Nord (Algérie et Tunisie, colonisées par la France, et Libye, colonisée par l’Italie).

Les Arméniens, dont la situation économique était prospère, tant dans le commerce, dans la finance et dans l’industrie, et dont plusieurs membres éminents avaient souvent servi de conseillers au Sultan et à son gouvernement, furent particulièrement visés par l’élite politique et militaire turque. Cette dernière avait comme projet de recréer un vaste empire « touranien » englobant tous les peuples de descendance turcomane, mongole, tartare et turque, sur un territoire s’étendant du Bosphore jusqu’au Xinjiang chinois et à la Mongolie, un empire à la fois turcophone et musulman. Or, les minorités chrétiennes de l’Empire ottoman (en particulier les Arméniens, plus de deux millions en 1914) occupaient un territoire historique qui formait une barrière à ce projet expansionniste, entre le plateau arménien et la mer Caspienne.

Des massacres périodiques d’Arméniens eurent lieu dans ces régions en 1894, 1896 et 1909. En 1908, un groupe de jeunes officiers turcs, le Comité Ittihâd vé Téraki («Union et Progrès»), réalisa un coup d’État contre le Sultan en réclamant des réformes démocratiques et en prônant l’ouverture envers les minorités non musulmanes de l’Empire. Ce bel idéalisme cachait cependant une autre priorité, celle de l’expansionnisme impérial turc que je viens de mentionner.

Génocide

Les opérations militaires de la Première Guerre mondiale (1914-1918) servirent de paravent et de prétexte pour ce qui allait être le premier génocide du vingtième siècle , celui des Arméniens de l’Empire ottoman. En quelques mois, à partir d’avril 1915, le gouvernement « jeune-turc » dirigé par les ministres Enver, Talaât et Djemal, organisa systématiquement le massacre et la déportation d’un million et demi d’Arméniens.

L’opération commença par l’arrestation des quelques centaines de membres de l’élite politique, économique et culturelle arménienne de Constantinople (Istanbul), jusque-là épargnée par les massacres précédents, vu la présence des ambassades, sociétés commerciales et banques étrangères dans cette capitale de l’Empire ottoman. Une fois l’élite arménienne éliminée, les autorités exécutèrent tous les hommes arméniens conscrits dans l’armée, puis déportèrent les femmes, les enfants et les vieillards vers le désert de Syrie.

Peu de ces déportés arrivèrent au terminus de cette longue marche à Der ez Zor, sur les bords de l’Euphrate. Par miracle, une minorité des Arméniens de l’Empire ottoman survécurent à la catastrophe. Bon nombre d’entre eux trouvèrent refuge en Arménie russe (l’actuel territoire de la République d’Arménie). D’autres s’établirent en Iran, en Irak, et surtout en Syrie et au Liban, pays dans lesquels ils s’intégrèrent et devinrent des acteurs importants de la vie économique et politique. Enfin, de très nombreux réfugiés arméniens trouvèrent refuge en Occident, notamment en France, aux États-Unis et en Argentine, mais aussi au Canada, au Brésil et en Australie.

Pour toutes ces communautés, même après trois générations dans leurs pays d’accueil respectifs, les Arméniens ont conservé la mémoire et la douleur du génocide de 1915, chacun d’entre eux ayant eu des parents, grands-parents ou autres membres de leur famille victimes de l’intolérance et du fanatisme politico-religieux du gouvernement turc des années 1915-1916.

Jean Cermakian , professeur associé

Section de géographie

Département des sciences humaines, UQTR

Source entete.uqtr.ca

Texte publié le 3 décembre 2007

raffi
Author: raffi

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