La Russie, dont les Etats-Unis menacent de faire dérailler le long processus d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) faute de règlement de la crise géorgienne, a fait sèchement savoir lundi qu’elle ne se laisserait pas forcer la main.
« Nous proposons de poursuivre les négociations dans le cadre du groupe de travail pour l’adhésion à l’OMC, et d’informer les partenaires de la nécessité de sortir de certains accords qui actuellement vont à l’encontre des intérêts de la Russie », a déclaré le premier vice-Premier ministre russe, Igor Chouvalov, lors d’une réunion gouvernementale.
« C’est raisonnable », a aussitôt approuvé le Premier ministre, Vladimir Poutine, selon les agences russes. Le gouvernement a par la suite approuvé ces mesures, sans en livrer le détail, qui fait partie du secret de la négociation.
Les taxes à l’exportation sur le bois -déjà pomme de discorde avec l’Union européenne- ou encore l’activité de certaines entreprises américaines, ont cependant été évoquées. Les accords incriminés « devraient être suspendus jusqu’à ce que la Russie devienne un membre à part entière de l’OMC », a insisté le premier vice-Premier ministre.
M. Chouvalov a par la suite confirmé que cette décision constituait la riposte russe aux récentes menaces du secrétaire américain au Commerce, Carlos Gutierrez, de bloquer le processus d’adhésion de la Russie à l’OMC.
« Dans cette situation de crise, il ne faut pas commencer à écarter certaines options (…). Le gouvernement russe doit maintenant réfléchir à ses intérêts », avait déclaré M. Gutierrez au magazine allemand Der Spiegel ce week-end.
Deux hauts responsables de l’administration américaine avaient évoqué dès le 13 août l’idée de représailles contre Moscou concernant sa participation à plusieurs organisations internationales.
M. Chouvalov a fustigé la « nature politique » des déclarations de M. Gutierrez, en contradiction flagrante, selon lui, avec les propos qu’il avait tenus lors de leur dernière rencontre au Forum économique de Saint-Pétersbourg en juin.
De telles déclarations « dénotent une intention claire de faire traîner le processus de négociations », a-t-il souligné.
Pour la Russie, qui attend depuis 1993 à la porte de l’OMC et est le dernier des grands pays de la planète à ne pas y siéger, un nouveau report serait un revers, alors que sa rivale, l’Ukraine, vient tout juste d’y être admise. La Géorgie, également membre de l’Organisation depuis 2000, a dans le passé menacé de mettre des bâtons dans les roues de Moscou.
La Russie pouvait pourtant jusqu’ici espérer ratifier son entrée en 2009, avait estimé en juin le principal négociateur européen, le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson.
A présent, « nous ne voyons pas de perspective d’adhésion à l’OMC dans les prochains mois ou l’année à venir », a admis M. Chouvalov lundi.
M. Poutine a de son côté insisté sur le fait que la Russie payait déjà un lourd tribut au processus de négociations, alors même qu’elle s’est pliée depuis de longues années à toutes les obligations nécessaires: « Notre économie et certaines de ses branches dont l’agriculture supportent une charge assez lourde », a-t-il déploré.
« Nous ne voyons et ne ressentons donc aucun avantage à être membre (de l’OMC), à supposer qu’il y en ait, et nous portons un fardeau », a-t-il insisté.
Si les hommes politiques russes semblent parfois tentés de tourner le dos à l’OMC, les économistes soulignent à l’inverse que la Russie a tout à gagner à une adhésion rapide: d’ailleurs, sans elle, l’objectif affiché de transformer Moscou en centre financier mondial n’est qu’une chimère, insistent-ils.