Un haut responsable russe a critiqué hier « l’ingérence » des Etats-Unis dans les affaires intérieures de l’Arménie et a déclaré que la Russie s’attendait à ce que son allié du Sud-Caucase résiste à Washington.
«Dans le contexte des changements radicaux intervenus dans le pays cette année, l’ingérence de Washington dans ses affaires intérieures et extérieures devient de moins en moins bienvenue», a commenté le vice-ministre des Affaires étrangères, Grigory Karasin.
«Nous espérons que les dirigeants actuels de l’Arménie, qui ont reçu le mandat nécessaire aux élections législatives du [9 décembre], auront le courage de résister au chantage extérieur et à la pression cachés et défendront leur droit souverain de prendre des décisions en toute indépendance, fondées sur les intérêts nationaux », a-t-il ajouté à l’agence de presse RIA Novosti.
Karasin a évoqué les récentes déclarations du conseiller américain pour la sécurité nationale, John Bolton, et de Richard Mills, ancien ambassadeur des États-Unis à Erevan.
Lors de sa visite à Erevan en octobre, M. Bolton a expliqué qu’une normalisation des relations avec l’Azerbaïdjan et la Turquie permettrait à l’Arménie de rompre les « schémas historiques » qui ont façonné sa politique étrangère traditionnelle. Il a également indiqué que Washington était prêt à vendre les armes américaines d’Erevan et à réduire ainsi « l’influence excessive » de la Russie sur l’Arménie.
Bolton a en outre déclaré que l’administration du président Donald Trump appliquerait de manière très vigoureuse les nouvelles sanctions américaines contre l’Iran. La frontière arméno-iranienne sera donc « un problème important », a-t-il déclaré à l’issue d’un entretien avec le Premier ministre Nikol Pachinian.
Karasin a affirmé que le conseiller à la sécurité nationale de Trump avait « ordonné à l’Arménie d’acheter des armes américaines et de se joindre aux sanctions anti-iraniennes dès que possible ». « Si c’est le côté officiel des relations américano-arméniennes, on peut imaginer quel genre de détournement il y a en coulisses…», a-t-il suggéré.
Le responsable russe a ensuite noté le « destin tragique » de l’Ukraine et de la Géorgie qui, selon lui, ont été abandonnés par l’Occident. « Un tel mépris manifeste de la part de l’Occident à l’égard des intérêts des pays qu’il a attirés dans son orbite doit servir de mise en garde [à l’Arménie] », a t-il prévenu.
Les autorités arméniennes avaient auparavant minimisé l’importance des déclarations publiques de Bolton. Ils ont notamment insisté sur le fait qu’Erevan n’avait reçu aucune offre concrète d’achat de matériel militaire américain.
En outre, Pachinian a clairement indiqué le mois dernier que l’Arménie maintiendrait ses relations étroites avec l’Iran malgré les sanctions imposées par les États-Unis. Pachinian a assuré que l’administration américaine « comprend notre situation et notre politique ».
Plus tôt en novembre, une équipe de responsables des départements d’État et du Trésor des États-Unis s’était rendue à Erevan pour expliquer les conséquences des sanctions au gouvernement et au secteur privé arméniens.
Pachinian a également à plusieurs reprises exclu tout changement majeur dans la politique de l’Arménie à l’égard de la Russie depuis son arrivée au pouvoir en mai. Il a clairement indiqué que son pays continuerait de faire partie des blocs militaire et commercial dirigés par la Russie.
Le président russe Vladimir Poutine n’a pas tardé à féliciter M. Pachinian d’avoir été nommé Premier ministre après des semaines de manifestations de masse qui ont renversé l’ancien gouvernement arménien. Cependant, Moscou a par la suite critiqué les nouvelles autorités d’Erevan pour avoir poursuivi Yuri Khachaturov, secrétaire général de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), et l’ancien président Robert Kotcharian.
Poutine a tenu à téléphoner à Kotcharian en août pour lui souhaiter son 64e anniversaire.
Kotcharian, qui nie les accusations de coup d’état portées contre lui qui sont pour lui politiquement motivées, a de nouveau été arrêté le 7 décembre, deux jours avant les élections législatives arméniennes remportées par l’alliance My Step de Pachinian.
Poutine n’a toujours pas félicité Pachinian pour cette victoire écrasante. L’ambassadeur de Russie à Erevan, Sergey Kopyrkin, a minimisé ce fait mardi. Citant le «protocole inter-États», Kopyrkin a laissé entendre que Poutine enverrait un message de félicitations une fois que Pachinian sera officiellement renommé Premier ministre.
Poutine a félicité l’ancien président Serge Sarkissian deux jours après que son parti républicain d’Arménie eut remporté les précédentes élections législatives d’avril 2017.
