La sécheresse en Turquie relance le débat sur la construction de nouveaux barrages

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TURQUIE. Outre l’agriculture, touchée de plein fouet, les villes connaissent une situation alarmante, notamment Ankara.

Delphine Nerbollier, Istanbul

Jeudi 23 août 2007

Contrairement à ses voisins, la Turquie aura été relativement épargnée par les incendies, mais pas par la sécheresse. Avec des records de température jamais égalés depuis septante-huit ans (44,1°C le 24 juillet à Edirne, près de la frontière bulgare), l’agriculture du pays est frappée de plein fouet, et les pertes sont estimées à 2,8 milliards d’euros. La production de blé, de pastèques, de raisins et de tomates a chuté de près de 25% et la situation est particulièrement dramatique dans le centre de l’Anatolie, le grenier du pays, où les pertes dépassent 41%. La Turquie devrait être contrainte à importer du blé.

Dans les grandes villes, la situation est également alarmante, notamment dans la capitale, Ankara, forte de 4 millions d’habitants, qui ne dispose que de 3% de réserves d’eau, contre 23% à Istanbul et 14% à Izmir. Au-delà de la gêne, cette sécheresse aura permis de révéler la gestion lamentable de la crise par la municipalité d’Ankara. Le maire, Melih Gokçek, a, dans un premier temps, tenté de minimiser le problème, appelant les Ankariotes à partir en vacances et à prier pour que la pluie arrive. Avant que les coupures d’eau, imposées le 1er août, ne tournent au fiasco.

La capitale, divisée en deux sections, a été soumise à des coupures de deux à trois jours avant que deux canalisations, n’ayant pas résisté à la pression, explosent et privent d’eau, cette fois, la totalité de la ville durant plus de cinq jours. Les hôpitaux, alimentés par camions-citernes, se sont alors cantonnés aux services d’urgence et plusieurs milliers de cas de diarrhées ont été recensés.

Le scandale a finalement contraint le maire d’Ankara à s’excuser auprès de ses administrés et à abandonner le système de coupures d’eau, même si la ville dispose de moins de deux mois de réserve d’eau. «Voici la triste situation de la capitale moderne de la Turquie», déplore le quotidien Turkish Daily News. Attaqué pour sa mauvaise gestion, Melih Gokçek avait pourtant été averti, en 2004, par la Direction générale des travaux hydrauliques (DSI) d’un tel risque de pénurie. Celle-ci avait à l’époque conseillé à la municipalité de relier la ville à la rivière Gerede, située à une centaine de kilomètres. Projet qui avait été rejeté en raison de son coût, jugé excessif.

«Le problème, c’est qu’il n’y a aucun plan de management des risques pour les grandes villes turques, regrette Selahattin Incecik, de l’Université technique d’Istanbul. Les décisions sont prises à la dernière minute. Rien n’est fait sur le long terme.» Dans cette logique d’urgence, Ankara vient de donner un coup d’accélérateur au fameux projet de transfert d’eau en provenance de la rivière Gerede ainsi qu’à la liaison entre Ankara et le fleuve Kizilirmak, qui devrait être complétée en un temps record, d’ici au 31 décembre. Mais cela, une fois encore, en dépit de nombreuses critiques d’experts qui déplorent la mauvaise qualité de cette eau.

Le gouvernement tente quant à lui de prendre des mesures plus globales. Début août, il a annoncé la création d’un ministère chargé de la gestion de l’eau et l’accélération de six importants projets de barrage. Parmi eux, celui d’Ilisu, sur le Tigre. Longtemps bloqué en raison de polémiques environnementales et historiques – il devrait ensevelir le site d’Hasankeyf -, il vient finalement d’obtenir le financement international nécessaire à sa réalisation, au grand dam des associations locales. Le consortium, composé de sociétés turques, allemandes autrichiennes et suisses – dont les entreprises Stucky Ltd, Alstom, Maggia Engineering et Codenco Power Engineering – vient d’accorder un financement de 1,2 milliard d’euros pour la construction du deuxième plus grand barrage du pays. Dans un premier temps utilisé pour la production électrique, Ilisu pourrait relancer la «guerre de l’eau» avec ses voisins en réduisant de 25% les quantités d’eau destinées à l’Irak.

Mais cela n’est qu’un début. La DSI estime à 730 le nombre de barrages supplémentaires nécessaires pour éviter tout risque de sécheresse. Soit 128 milliards de dollars… non encore financés.

Le Temps

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Author: raffi

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